En exclusivité pour Cambodge Mag, notre ami le directeur du DCCAM raconte ses premières visites, péripéties et aventures passionnantes à Kampong Som et partage ses impressions à propos de la province de Sihanoukville. Un récit surprenant, émouvant et instructif.
PHNOM PENH – Alors que je suis retourné au Cambodge en 1992 pour travailler pour l’APRONUC, l’un des plus beaux souvenirs que j’ai gardé du pays demeure l’océan et la plage de sable sans fin de Sihanoukville.
C’était mon premier voyage dans cette ville du Golfe de Thaïlande, rebaptisée en l’honneur du roi Norodom Sihanouk en 1958. Entre la guerre civile et le régime des Khmers rouges dans les années 1970, je n’avais jamais eu l’occasion d’y aller.
Grandissant à Phnom Penh dans les années 1960, le seul long voyage que j’avais effectué à l’époque était une visite à l’une de mes grands-mères qui vivait à Battambang.
« Nous étions allés en train à la rencontre de cette grand-mère très moderne qui portait du maquillage et nous avait servi un dessert à la noix de coco, confectionné avec du colorant alimentaire bleu et rose »
Puis, il y avait eu les années 1970 et ensuite j’ai fui le pays vers un camp de réfugiés en Thaïlande et finalement émigré aux États-Unis.
Et, suite à la signature de l’Accord de paix de Paris par le gouvernement cambodgien et les factions politiques en 1991, je me suis retrouvé officiant comme agent de bureau de vote international à l’APRONUC–l’Autorité Provisoire des Nations Unies au Cambodge et, après m'être rendu à Sihanoukville en hélicoptère, j’ai pu contempler cette superbe plage du golfe de Thaïlande dont j’ignorais jusque-là l’existence dans mon propre pays.
Au fil des années, j’ai pu retourner plusieurs fois dans cette province, que beaucoup de Cambodgiens appellent encore Kampong Som — dans ce pays, nous avons tendance à maintenir les habitudes et les traditions. Comme beaucoup d’entreprises et d’ONG, j’y emmenais toute l’équipe du Centre de Documentation du Cambodge (DC-Cam) lors de week-ends spéciaux dans les années 2000 et au début des années 2010.
Pour diverses raisons, et en particulier la pandémie de COVID-19, je n’étais pas allé à Sihanoukville depuis près de deux ans. Donc, pour marquer l’anniversaire de naissance du défunt roi Norodom Sihanouk — né le 31 octobre 1922 — qui est souligné par une fête nationale, j’ai récemment fait le voyage : 225 kilomètres, ou 140 miles, depuis Phnom Penh.
Le Sihanoukville que j’ai vu ne ressemblait plus à la ville que je connaissais autrefois. Ici se trouvaient maintenant des rues bordées de hautes constructions, beaucoup, utilisées comme hôtels et casinos ; d’autres, vides ou en construction.
Et pourtant, la colline que j’avais gravie lors de ma première visite il y a de nombreuses années pour mieux voir le rivage et la mer n’avait pas été touchée.
Mais d’abord, revenons à la Sihanoukville que j’ai découverte il y a 29 ans.
Découvrir une charmante ville balnéaire
Cette première visite à Sihanoukville avait été merveilleuse, je dirais même magique, à commencer par le pilote russe qui était tellement excité qu’il avait volé très bas au-dessus du golfe et les roues avaient éclaboussé l’eau.
La population de la ville était d’environ 15 000 personnes dans les années 1960. Et en ce jour de septembre 1992, tout ce que nous pouvions apercevoir était une petite ville avec une immense et longue plage.
L’océan bleu profond, le ciel bleu. C’était le paradis. En gravissant cette montagne et en voyant ce magnifique paysage, vous vous sentiez maître du monde. Et l’endroit était désert.
Après cette première visite, j’y retournais en voiture. En tant que fonctionnaire électoral affecté à la province de Kampong Speu — j’ai travaillé pour l’APRONUC jusqu’à la fin de la mission de l’ONU en septembre 1993 — je me suis habitué à voyager par la route.
L’un des problèmes à l’époque était que les Khmers rouges essayaient de perturber la circulation et les communications. Après avoir signé l’Accord de paix de Paris en octobre 1991, les dirigeants khmers rouges l’avaient rompu et étaient déterminés à perturber les élections. Ils tentaient donc d’intimider les gens, de bloquer les routes, etc., pour les empêcher de voter. Mais ils échouaient de façon spectaculaire : en mai 1993, près de 90 % des électeurs participeront aux élections.
Lorsque je voyageais pour l’APRONUC, je devais y aller à des jours précis pour qu’ils puissent nous assurer la sécurité, en dégageant les routes à l’avance. Mais les civils ne bénéficiaient pas d’un accès aussi facile.
Pourtant, au cours d’un week-end après ma première visite, j’ai décidé d’aller à Sihanoukville en voiture. Comme je m’y attendais, nous avons été arrêtés par les Khmers rouges. À l’époque, ils portaient des uniformes pour menacer les employés de l’APRONUC. Donc, parfois ils ressemblaient à des Khmers rouges, parfois, à des soldats du gouvernement.
Quels qu’ils soient, ils demandaient de l’argent. Pouvant parler la langue, je parvenais à négocier et passer.
« Enfant et vivant à Phnom Penh, je n’avais entendu parler de Sihanoukville que dans des livres de géographie à l’école primaire. En plus de ce passionnant voyage en train à Battambang, je n’avais voyagé que pour voir mon autre grand-mère, dans la province de Takeo »
De plus, dans les années 1960, la route entre Phnom Penh et Sihanoukville était en construction depuis des années. Et puis, la guerre a commencé à la fin des années 1960 et au début des années 1970.
Mais ce n’est que 30 ans plus tard que j’ai réalisé à quel point j’avais vus si peu de mon propre pays. Je pense qu’alors, les Cambodgiens visitent peu leur propre patrie. En raison de nombreux facteurs — la situation économique, les conditions de vie, les transports. Auparavant, ils n’étaient pas en mesure d’explorer leur pays. Nous ne savions donc pas grand-chose d’Angkor ni du littoral.
Quand j’étais jeune, mon père travaillait des journées entières. J’avais beaucoup de frères et sœurs pour qui maman cuisinait tous les jours. Et le dimanche, nous ne faisions rien d’autre que de nous inquiéter de la vie quotidienne.
« Je ne connaissais pas le mot vacances ; ce n’est que des décennies plus tard que j’en apprendrais le concept »
Comme beaucoup d’autres Cambodgiens, je n’avais entendu parler de Sihanoukville qu’à travers la musique et les chansons. Donc, j’ignorais que nous avions une ville balnéaire jusqu’à ce que je voie Sihanoukville pour la première fois.
Outre son cadre magnifique, une autre raison pour laquelle je voulais aller à Sihanoukville était Jacqueline Kennedy. Dans les années 1960, le prince Sihanouk avait nommé un boulevard en l’honneur de son mari, le président américain John Kennedy, assassiné en novembre 1963.
Lorsqu’elle est arrivée au Cambodge lors d’un voyage à titre personnel — qui était néanmoins considéré comme diplomatique–en novembre 1967, le Prince Sihanouk lui a fait inaugurer le boulevard. Enfant, j’étais fasciné par John et Jacqueline Kennedy. Ce sont eux qui m’ont fait rêver d’Amérique. Peut-être cela m’a-t-il aussi aidé à survivre aux Khmers rouges.
Un rappel brutal du génocide des Khmers rouges au bord du splendide littoral
Au cours des décennies qui ont suivi, je retournais souvent à Sihanoukville, parfois en week-end ou sortie de vacances pour mon équipe au Centre de documentation du Cambodge.
Mais une visite en 1997 est devenue un rappel que la peur inspirée par les Khmers rouges était encore très présente dans le pays.
Pour le week-end de vacances du 31 octobre 1997 marquant l’anniversaire du roi Sihanouk, j’avais décidé d’emmener ma famille à la mer. Quand je suis arrivé à Sihanoukville, l’endroit était désert. À l’hôtel, le directeur nous a dit qu’un fonctionnaire du gouvernement était attendu. Les soldats et les policiers avaient pratiquement fermé la ville pour son arrivée.
Le directeur nous a également dit que je ne pouvais pas obtenir les chambres que j’avais réservées, même si j’avais payé à l’avance. Il s’agissait du meilleur hôtel à l’époque et le directeur ne pouvait pas dire non aux représentants du gouvernement.
L’hôtel comptait peut-être dix chambres ; ils les avaient toutes réservées. Donc, le directeur nous a proposé de rester avec les membres du personnel de l’hôtel dans leurs petites chambres. J’ai laissé ma sœur et ma mère à l’hôtel et je suis allé faire une course. « Quand j’ai appelé ma sœur plus tard, elle avait tellement peur qu’elle pût à peine parler. Elle tremblait au téléphone. Je lui ai demandé ce qui n’allait pas.
« Les Khmers rouges sont ici, ils sont à l’hôtel », s'exclama-t-elle.
Il s’agissait de IENG SARY, l’ancien dirigeant khmer rouge qui avait fait défection et rejoint le gouvernement cambodgien en 1996. Ma sœur était inquiète pour moi parce que j’enquêtais sur les Khmers rouges à DCCam. Je me suis demandé, pourquoi dérangeaient-ils ma sœur ? Pourquoi étaient-ils encore un signe de menace pour ma sœur et ma mère qui avaient été leurs victimes ?
Quand je suis revenu à l’hôtel, il y avait des gardes du corps partout, mais comme beaucoup savaient qui j’étais, ils m’ont laissé entrer.
Je voulais rassurer ma mère et ma sœur. Nous nous sommes sentis à nouveau dans une prison khmère rouge.
Plus tard dans la journée, j’ai envoyé une note à IENG SARY, lui demandant la permission de l’interroger au sujet de certains documents du régime des Khmers rouges. À 22 heures, son assistant LONG NARIN m’a demandé de venir dans sa chambre, ce que j’ai fait. Nous avons parlé pendant un moment. Il m’a dit que les documents semblaient véridiques et m’a invité à venir à Pailin, une région de l’ouest du Cambodge qui était sous le contrôle de SARY.
Cette nuit-là, je n’arrivais pas à dormir. Je voulais m’assurer que personne ne frappe à la porte.
« À nouveau, j’éprouvais le sentiment de me '' préparer à résister et à combattre '', tout comme à l’époque des Khmers rouges. Je me suis promis que je ne laisserais plus rien m’arriver, je ne les laisserais pas nous toucher »
Je me préparais à me battre si quelque chose se passait.
Entre-temps, j’ai écrit les détails de la rencontre et je les ai envoyés au journal The Cambodia Daily dont je connaissais personnellement le rédacteur en chef national. Je voulais juste lui dire ce qui s’était passé, par précaution.
Je me suis levé à 5 h du matin et je suis descendu, mais le hall était vide. On m’avait laissé une note, que j’ai ensuite transmise aux CETC — les Chambres Extraordinaires des Tribunaux du Cambodge, également appelées « Tribunal des Khmers rouges ».
Dans la note, SARY disait qu’il prendrait du temps pour moi plus tard. Étant si jeune, comment osais-je faire des recherches sur le régime khmer rouge du Kampuchéa Démocratique ? Mais si je voulais le faire, je devrais venir à Pailin, une région de l’ouest du Cambodge qu’il contrôlait. Le message n’était long que de deux ou trois lignes. Je l’ai lu une dizaine de fois. Était-ce une lettre d’invitation, ou était-ce une lettre de menace ? Parce qu’en langue khmère, quand on commence à utiliser des adjectifs trois fois, c’est une forme de menace. Je me sentais très en colère.
Ils étaient maintenant partis, et c’était comme si nous venions d’être libérés à nouveau des Khmers rouges. Les gens de l’hôtel souriaient et se détendaient maintenant qu'ils étaient repartis.
Sur le chemin du retour à Phnom Penh, j’ai reçu de nombreux appels de journalistes : ils voulaient obtenir des détails sur ma rencontre avec IENG SARY. Le Daily avait en fait publié la lettre que j’avais envoyée par mesure de précaution.
Puis j’ai reçu un appel d’un Cambodgien aux États-Unis qui m’a dit :
« Lâche ! Pourquoi n’avez-vous pas tué IENG SARY ?!? Vous auriez dû l’abattre »
L’homme a déclaré qu’il avait perdu sa mère et plusieurs membres de sa famille sous le régime des Khmers rouges. Je lui ai dit que, premièrement, je ne portais pas d’arme, et deuxièmement, je préconise un processus de justice : je ne voulais pas faire ce qu’il nous a fait.
Puis quand je suis retourné à Phnom Penh, j’ai vu que tous les journaux avaient couvert ma rencontre avec IENG SARY. Il serait plus tard jugé par le Tribunal des Khmers rouges pour crimes contre l’humanité ; il est mort en détention en 2013 avant que le verdict ne soit rendu.
Dans les années 2000 et au début des années 2010, j’allais souvent à Sihanoukville
Comme d’autres ONG et entreprises, j’y emmenais tout mon personnel pour les vacances, pour les réunions annuelles. Je les mettais sur un grand bateau pour aller sur les îles au large de la côte afin que nous puissions les explorer. Nous nagions au milieu de l’océan. Et puis nous regardions le coucher de soleil disparaître dans le golfe.
Avec tout le personnel, nous y séjournions toujours au moins deux nuits. C’était tellement beau, et je voulais que mon équipe profite vraiment de la vue. Et à l’époque, il y avait beaucoup d’endroits bon marché où séjourner.
Les Cambodgiens n’aiment pas loger à seulement deux personnes dans une chambre. En payant pour deux chambres pour quatre personnes, une chambre resterait vide. Ils aiment rester ensemble : ils jouent aux cartes, mangent et regardent le football ensemble. Je pense que les Cambodgiens sont comme cela, ils sont encore attachés à leurs racines.
« Comme beaucoup d'entre eux commençaient à aller à Sihanoukville, on a vu apparaitre au bord de l’océan des diseurs de bonne aventure, des enfants offrant papayes ou ananas et d’autres vendant de l’artisanat »
Les Cambodgiens ont appris à porter des maillots de bain et à effectuer de longues promenades sur la plage, choses que deux décennies de guerre et de conflits dans les années 1970 et 1980 les avaient empêchés de faire.
La plage leur appartenait. Vous pouviez voir le changement. Les vendeurs ont commencé à proposer des vêtements de plage et de la marchandise qui plaisaient à une clientèle cambodgienne, et pas seulement aux visiteurs.
Ensuite, les autorités ont parlé de garder la plage propre, d’avoir les points de vente de nourriture à une certaine distance de l’eau. Et puis le service d’autobus a commencé.
J’ai toujours souhaité que mon équipe puisse y aller en avion. Je crois que si les Cambodgiens pouvaient voir et explorer leur pays de l’océan au ciel, ils s’en occuperaient, ils le protégeraient.
Donc, j’ai toujours encouragé mes employés à apprendre à connaître leur propre pays afin qu’ils puissent avoir le courage de le protéger — même si c’est parfois un défi de la faire — puisqu’il est si beau, vous savez.
Même maintenant, alors que les restrictions de voyage liées à la COVID-19 ont été levées et que les gens peuvent voyager à nouveau, j’ai commencé à envoyer des membres du personnel à divers endroits. Je veux leur dire : vous devez voir votre propre pays, parce que c’est VOTRE pays, vous savez.
Il y a quelques semaines, c’est-à-dire en octobre 2021, j’ai décidé de me rendre à Sihanoukville avec certains de mes employés pour voir les changements dont j’avais entendu parler à l’intérieur et autour de la ville. Principalement en raison de la pandémie, je n’y étais pas allé depuis 2019.
« Quand j’y suis arrivé, je me sentais tellement vide, juste vide. J’arrivais difficilement à respirer. Ce que je connaissais de Sihanoukville n’existait plus. Je ne pouvais plus sentir la brise »
Puis, je me suis demandé ce qui n’allait pas chez moi. Au début, je ne savais pas ce qui se passait. À chaque mouvement de la voiture, mon cœur voulait bondir hors de ma poitrine. J’étais désorienté, essayant de comprendre quelle était cette intersection, où cette rue menait. Chaque mouvement était une question à laquelle je devais répondre.
Puis j’en ai eu marre de moi-même et de mes questions : il s’agissait bel et bien de Sihanoukville.
La plupart des bâtiments que nous avons vus étaient inachevés et vides. Les gens m’ont dit qu’en raison de la COVID-19, les investisseurs — principalement chinois — étaient partis, mais revenaient maintenant, un par un.
Les bâtiments qui étaient achevés étaient principalement des hôtels et des casinos. Pas de banque, de bâtiment d’entreprise ou multinationale — du moins, de ce que j’ai pu voir.
Malgré toutes ces constructions, je me sentais vide. Vide, puisque j’avais perdu mon sentiment d’appartenance. On aurait dit ailleurs, mais pas au Cambodge : la rue appartenait dorénavant à quelqu’un d’autre.
« Pourtant, l’ancien plan directeur de la ville, celui qui remonte aux années 1960, semblait être encore utilisé, seulement, avec des rues élargies pour en transformer plusieurs en boulevards »
Au restaurant d’un hôtel, les Chinois semblaient rester entre eux. Un membre de mon personnel qui parle chinois était assis dans la section chinoise, tandis que nous avons été placés dans un autre. Même les cure-dents et les serviettes étaient importés. Les produits utilisés étaient les leurs.
Il n’y avait pas de poivre de Kampot ni autre produit d’origine cambodgienne. Peut-être est-ce un peu prématuré, peut-être finiront-ils par utiliser des produits cambodgiens, mais la question doit être soulevée.
En ce qui concerne la plage publique, il y en a toujours une où les gens peuvent nager, mais elle est plus éloignée. De plus, on nous a dit que cette plage publique avait été vendue et que la société qui la possède pourrait éventuellement la rendre privée.
Mais il s’agit de rumeurs : supposons plutôt que le gouvernement cambodgien a fait en sorte qu’il y ait toujours une plage publique à Sihanoukville.
Et que les Cambodgiens auront la chance d’en profiter.
À l’hôtel où nous avons séjourné, de nombreux membres du personnel étaient venus d’ailleurs dans le pays pour travailler, ayant perdu leur emploi en raison de la pandémie. Leur rêve est devenu survie.
D’après ce que nous avons entendu, les employés des hôtels ne bénéficient que de peu ou pas de formation, car les clients qui viennent jouer n’ont besoin que d’un service de base.
Une serveuse continuait à regarder le golfe, comme hypnotisée. Quand je l’ai interrogée à ce sujet, elle m’a dit qu’elle était de la province de Pursat et qu’elle n’avait jamais vu l’océan.
Ce que l’avenir réserve à Sihanoukville
Alors que je travaillais comme agent électoral pour l’APRONUC, j’ai rencontré TEDNGOY, qui avait lancé le Parti Républicain du Développement Libre.
C’était un Cambodgien qui avait vécu sous le régime des Khmers rouges, était arrivé comme réfugié aux États-Unis en 1985, avait fait fortune avec une chaîne de beignets, l’avait perdue au jeu, et avait pourtant parrainé plus de 100 familles de réfugiés cambodgiens aux États-Unis à la fin des années 1980 — un film documentaire sur lui intitulé « The Donut King: the rags to riches story of a poor immigrant that changed the world » (Le Roi des Beignets : des chiffons aux richesses — l’histoire d’un pauvre immigrant qui a changé le monde) a été diffusé aux États-Unis en 2020 et est disponible en ligne.
Pendant la campagne électorale de 1993, Ted disait toujours que, s’il était élu, il transformerait Sihanoukville en un autre Hong Kong, l’un des plus grands centres de croissance économique en Asie du Sud-est.
À cause de TED NGOY et de son rêve, à cause d’IENG SARY et des peurs qu’il avait instantanément ramenées, et à cause de la beauté qui m’avait coupé le souffle quand j’ai vu sa plage pour la première fois en 1992, Sihanoukville est devenu pour moi un mélange de souvenirs et de sentiments contradictoires.
« Et, comme je l’ai récemment constaté, c’est maintenant un autre monde. Et c’est ce qui m’a dérangé quand j’y étais récemment : c’est maintenant un autre monde, mais qui reste à définir »
Pourtant, j’ai pu trouver la route en haut de cette montagne où j’étais allé lors de ma première visite en tant que fonctionnaire électoral de l’APRONUC. Elle est encore intacte, cette montagne. Elle se trouve maintenant au milieu de la ville, mais n’a pas été modifiée.
Si le roi Norodom Sihanouk était vivant aujourd’hui, je me demande ce qu’il dirait.
Remarque
Des informations sur Sihanoukville dans les années 1950 et 1960 peuvent être trouvées dans la Bibliothèque de la Reine Mère (Queen Mother Library) qui a été mise en place par DCCAM (Documentation Center of Cambodia) en 2020, avec le soutien de l’ambassade des États-Unis et de l’USAID au Cambodge.
Située à une courte distance du monument de l’indépendance, rue 19, il contient, étalé sur plusieurs décennies, un grand nombre de dossiers de et sur le roi Norodom Sihanouk.
À propos de l’auteur
Youk Chhang est le directeur du Centre de documentation du Cambodge, et un leader dans l’éducation, la prévention et la recherche sur le génocide. En 2018, Chhang a reçu le prix Ramon Magsaysay, connu comme le « prix Nobel de l’Asie », pour son travail de préservation de la mémoire du génocide et de recherche de la justice dans la nation cambodgienne et dans le monde. En 2007, Chhang a été reconnu comme l’une des « 100 personnes les plus influentes » par le magazine Time.
En 2020, Chhang a créé la Queen Mother Library afin de rendre hommage à Sa Majesté la Reine Mère NORODOM MONINEATH SIHANOUK, qui a consacré sa vie à servir le Cambodge, Sa Majesté le Roi Père NORODOM SIHANOUK, et le peuple cambodgien.
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