Il faut un peu moins d’une heure de trajet pour rejoindre la famille Wai, qui exerce la profession insolite de chasseurs d’insectes.
Site cher à Malraux
L’occasion de profiter des superbes paysages offerts par cette belle matinée, où un soleil radieux illumine la palette de verts intenses de la campagne, avec la chaîne des Kulen comme toile de fond.
Au bord de la route, des artisans s’activent, tressant l’osier ou confectionnant du sucre de palme devant des chaudrons fumants, espérant attirer quelques touristes se rendant au temple de Banteay Srei situé non loin.
Peu avant d’arriver au site cher à Malraux, un petit chemin de terre bifurque et mène après quelques mètres à destination. Monsieur Wai et sa femme, tout sourire, se tiennent devant leur maison typique faite de bois et de feuilles de palmier reposant sur ses pilotis. La chasse aux insectes peut commencer.
Exotisme
M. Wai, 55 ans, n’a pas vraiment choisi d’exercer cette profession. Mais une grave blessure à l’estomac contractée du temps où il était soldat l’empêche de travailler dans les rizières avoisinantes.
D’abord exercée afin de nourrir sa famille de six enfants, la chasse aux insectes est peu à peu devenue sa principale activité rémunératrice.
D’autant plus que la consommation de ces petites bêtes demeure très prisée par la population locale et suscite la curiosité croissante des touristes voulant s’offrir quelques bouchées d’exotisme.
Secondé par son fils Khun, 12 ans, M. Wai, muni d’une simple bêche, parcourt chaque jour les clairières qui bordent sa maison. Son regard aguerri par des années de pratique lui permet de déceler chaque anfractuosité du terrain, repérant ainsi nids de mygales et de scorpions. Ces deux espèces constituent en effet ses proies principales, agrémentées, lorsque le hasard le permet, de serpents ou de crabes de rizières.
Méthodes
La procédure est simple : dès qu’une cavité est repérée, M. Wai donne quelques coups de bêche afin de l’élargir avant d’y plonger une simple brindille. Ainsi titillé, l’occupant du terrier finit par se montrer et c’est alors que le chasseur le saisit à mains nues, sans gants, utilisant comme seule protection un tatouage sacré dessiné sur le torse.
S’il n’est pas mortel, le risque est pourtant bien réel, le venin pouvant causer de vives douleurs et des œdèmes durant plusieurs jours. De nombreuses marques sur ses mains et ses avant-bras témoignent de quelques incidents de parcours.
Une fois recueillie, la bête est immédiatement rendue inoffensive : les crochets à venin des araignées sont arrachés, tandis que les dards des scorpions sont retirés, toujours à l’aide de la bêche qui se montre décidément très utile.
Le butin atterrit ensuite dans le panier en osier de Khun, qui participe activement au repérage des terriers. Dans les bons jours, la besace se remplit d’une vingtaine de tarentules et d’autant de scorpions.
Recette
Si ces derniers se chassent à n’importe quelle période de l’année, il n’en va pas de même pour les araignées, qui se font plus rares entre décembre et début février. Le gros de la collecte finira sur les étals du marché local ou dans un restaurant de Siem Reap, tandis qu’une petite part sera consommée en famille, préparée selon une recette toute simple de Mme Wai : cube de bouillon de volaille, ail et sucre de palme rejoindront les insectes dans un bain de friture.
Loin du tumulte de Skuon, haut-lieu de la consommation d’arachnides visité chaque jour par des centaines de touristes, les habitants de ce petit coin de campagne cambodgienne perpétuent une tradition ancestrale, les insectes faisant partie depuis des temps immémoriaux de la gastronomie et de la pharmacopée khmères.
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