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Photo du rédacteurPartenaire Presse

Traditions et savoir-faire : Faire revivre le Chorabab au Cambodge

Dans les pièces étroites de sa maison d’Arey Ksat, dans la province de Kandal, les mains de Von Heang bougent à un rythme affûté par des années de tradition.

En tissant inlassablement, Von Heang ne se contente pas de fabriquer des textiles, elle préserve l’héritage du brocart Chorabab, un trésor culturel qui remonte à l’époque angkorienne.

Malgré des conditions difficiles — la chambre à coucher de sa famille sert d’entrepôt, sa cuisine a été déplacée à l’extérieur, sa maison est mal ventilée et la chaleur y est étouffante — son dévouement ne fléchit jamais.

L’engagement de Mme Heang à l’égard de son métier est un acte silencieux, mais puissant de préservation de la culture.

Chhim Sothy, chef du département des beaux-arts et de l’artisanat du ministère de la culture et des beaux-arts, note que le brocart Chorabab figure sur les gravures de certains des temples les plus anciens du royaume, avec des images de femmes en train de le tisser.

« Le Chorabab présente un motif sur la frange. Il ne s’agit pas d’un tissage simple comme celui que l’on trouve à Sampot Hol », explique-t-il en faisant référence à un autre type de robe en soie khmère.

Il précise que de nombreux artisans du royaume ont disparu pendant le règne de terreur des Khmers rouges et la décennie de guerre civile qui a suivi.

« L’art du tissage Chorabab est de plus en plus répandu en Thaïlande, en raison de la présence de Khmers autochtones dans près de 20 provinces du pays. Ils continuent à préserver l’art de la teinture et du tissage de cette manière unique », explique-t-il.

« Nous l’avons perdu à cause d’eux, mais nous pouvons le retrouver grâce aux Khmers des pays voisins, ainsi qu’à nos anciens temples et aux coutumes que nous avons laissées derrière nous. C’est ce qui rendra le Chorabab durable », ajoute-t-il.

Selon lui, lorsque l’on parle de soie cambodgienne, beaucoup pensent au Sampot Hol, mais le Chorabab, avec ses motifs principalement khmers, incarne plus fidèlement l’héritage khmer.

« Il est historiquement lié à la royauté, puisqu’il était porté par les reines de Suryavarman II à Angkor Wat. Elle orne aujourd’hui certains mariages cambodgiens », note-t-il.

Un lien avec la couronne

La Cambodia Labour Resource Organisation (CLRO), qui a rédigé une proposition de financement pour sauver le Chorabab cambodgien, ne tarit pas d’éloges sur le brocart.

« Même le roi Norodom Sihamoni l’a porté lors de son couronnement en 2004. Au-delà de ses liens avec la royauté, le Chorabab continue de jouer un rôle important dans la culture contemporaine, en étant utilisé dans les danses et les vêtements traditionnels », indique le rapport.

Le CLRO s’est lancé dans une entreprise ambitieuse pour faire revivre cet artisanat en perte de vitesse, avec le lancement d’un projet qui vise non seulement à soutenir cette forme d’art, mais aussi à préserver la vie des artisans qui en sont à l’origine.

Au début du mois de mars, le CLRO s’est adressé au Skill Development Fund (SDF) — une initiative officiellement du ministère de l’Économie et des Finances au début de l’année — pour obtenir un soutien financier.

Cette initiative a été lancée à la suite de préoccupations soulevées par des particuliers en 2023, qui, après avoir mené des entretiens avec des artisans de Chorabab, ont identifié 29 problèmes critiques menaçant la survie de cette forme d’art.

Leurs conclusions, qui ont été présentées au gouvernement et à l’UNESCO, appellent à l’inclusion du Chorabab dans le programme des Trésors humains vivants, en soulignant la situation désastreuse du nombre décroissant de ruhpkaa — artisans qualifiés pour fixer des motifs complexes sur les métiers à tisser.

« Le défi auquel nous sommes confrontés est de taille : il ne reste qu’une vingtaine de ruhpkaa, et la pandémie de Covid-19 n’a fait qu’exacerber la menace qui pèse sur leur survie », explique Veyara Chhieu, directeur exécutif de la CLRO.

Le projet vise à améliorer non seulement les conditions de vie et les revenus des ruhpkaa, mais aussi leur nombre, afin d’assurer la pérennité de l’artisanat. Le budget total estimé pour la mise en œuvre du projet de 18 mois est de près de 240 000 dollars - 184 000 dollars pour la première année et 52 900 dollars pour les six derniers mois.

Alors que le projet est en attente de financement, CLRO progresse avec l’aide de bénévoles en ayant recruté une ruhpkaa en tant que formatrice principale qui aide plusieurs autres femmes à développer de nouveaux produits.

Soutien de spécialistes

L’initiative cherche également à obtenir le soutien de donateurs pour les vaccinations et les examens de santé des ruhpkaa.

« Le docteur Chea Socheat, de la clinique médicale de Siem Reap, nous a conseillé sur les vaccins dont ils auront besoin pour rester en bonne santé », révèle Chhieu, ce qui montre l’attention que le projet porte au bien-être des artisans.

Cornelia Bagg Srey est reconnue pour son travail considérable dans la préservation du patrimoine culturel cambodgien, notamment grâce à ses écrits et à ses recherches sur les textiles traditionnels.

En tant qu’auteur, elle a notamment publié « A Pocket Guide to Cambodian Silk » et « Through the Eyes of a Queen – the Women of the Royal Court at Angkor », qui mettent en lumière l’importance historique et culturelle des traditions khmères en matière de tissage de la soie.

Bagg Srey s’efforce de préserver l’héritage du brocart de Chorabab, en veillant à ce que cette forme d’art ancienne reste un élément vivant de la tapisserie culturelle du Cambodge.

Bagg Srey a rédigé l’enquête sur la production de Chorabab en 2023, qui a jeté les bases de la proposition de financement visant à sauver l’artisanat.

Pourquoi la sauvegarde du Chorabab est cruciale

La préservation du chorabab est primordiale pour plusieurs raisons impérieuses qui touchent à la fois à la culture, à l’histoire, à la société et à l’économie. Le Chorabab est une expression tangible de la culture et de l’identité khmères, profondément enracinée dans l’histoire du Royaume, en particulier à l’époque angkorienne.

« Les motifs complexes du Chorabab font partie du patrimoine culturel khmer depuis des siècles et sont représentés sur les murs d’Angkor Vat », explique M. Chhieu du CLRO.

« En les préservant, nous sauvegardons une histoire vivante qui donne un aperçu des normes artistiques et sociétales des anciennes civilisations khmères, contribuant ainsi à notre compréhension de l’histoire de l’humanité au sens large », explique-t-il.

Le tissage du Chorabab fait appel à un ensemble complexe de compétences transmises de génération en génération. Le préserver, c’est assurer la survie de ces compétences artisanales traditionnelles, en évitant qu’elles ne disparaissent au profit de la modernisation et de la mondialisation.

Elle maintient le savoir en vie, non seulement dans la pratique, mais aussi en tant que ressource éducative pour ceux qui souhaitent s’initier aux techniques de tissage traditionnelles.

Pour de nombreux artisans, le tissage Chorabab est une source de revenus. La préservation de cet artisanat contribue à l’émancipation économique des tisserands, en particulier des femmes, qui constituent l’épine dorsale de l’industrie textile traditionnelle au Cambodge.

« Le soutenir peut conduire au développement de moyens de subsistance durables, au développement communautaire et à la réduction de la pauvreté », note M. Chhieu.

Selon lui, contrairement aux textiles produits en masse, le Chorabab est tissé à l’aide de techniques plus éthiques et plus durables. Il favorise également les pratiques respectueuses de l’environnement, grâce à l’utilisation de fibres et de teintures naturelles, et encourage l’abandon de l’industrie de la mode rapide.

L’artisanat traditionnel comme le Chorabab attire les touristes à la recherche d’expériences culturelles authentiques, ce qui contribue à l’économie locale et permet aux visiteurs internationaux d’apprécier davantage la culture khmère.

« Cela permet non seulement de renforcer la fierté des Cambodgiens, mais aussi d’enrichir la mosaïque mondiale des arts traditionnels, en encourageant la diversité et l’appréciation interculturelle », explique M. Chhieu.

Il ajoute que les efforts visant à préserver le Chorabab devraient inclure des programmes éducatifs destinés à informer les habitants et les touristes de l’importance de cette tradition.

Menaces modernes sur une technique ancienne

L’un des principaux obstacles à la pérennité de cette technique est la prévalence des imitations fabriquées à la machine, souvent importées, qui réduisent le marché des tisserands traditionnels.

Le projet défend la cause des vêtements Chorabab authentiques, exhortant les consommateurs, en particulier les jeunes mariées, à choisir des pièces en soie véritable, tissées à la main localement. Ces dernières années, l’engouement pour les tissus fabriqués à la machine a entraîné une chute de 80 % de la production de Chorabab.

« Pour sauver le Chorabab de l’extinction, nous devons mettre en place une stratégie globale », déclare M. Chhieu.

Les difficultés socio-économiques auxquelles sont confrontés ces artisans sont considérables : au moins 15 % d’entre eux vivent en dessous du seuil de pauvreté.

Les mesures proposées consistent notamment à offrir aux artisans des protections spéciales, telles que des prestations de soins de santé complètes et l’affiliation à la Caisse nationale de sécurité sociale (CNSS).

La stratégie comprend également la lutte contre les maladies transmises par les moustiques qui touchent les artisans, ainsi que la fourniture de lunettes de lecture pour prolonger leurs années productives.

« Nous nous concentrons également sur l’autonomisation de nos producteurs par le biais de formations commerciales, dans le but d’étendre notre portée grâce aux ventes internationales en ligne », ajoute M. Chhieu.

En outre, le projet préconise la création de centres de tissage dans des endroits accessibles, car le centre de formation professionnelle actuel pose des problèmes d’ordre géographique.

« Si Chorabab disparaît, le tissu culturel du Cambodge sera irrémédiablement endommagé », prévient M. Chhieu.

Avec notre partenaire The Post

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