Pchum Ben (បុណ្យភ្ជុំបិណ្ឌ) ou Fête des Ancêtres sera célébrée dans le Royaume du 1er au 3 octobre 2024. Appelée Fête des Morts ou Toussaint cambodgienne par les Occidentaux, Pchum Ben est bien plus que cela pour les Cambodgiens.
Regroupements familiaux, affluences dans les pagodes, le Cambodge vit actuellement au rythme de Kan Ben, l’ensemble des cérémonies précédant Pchum Ben. La célébration principale, Pchum Ben (បុណ្យ ភ្ជុំ បិ ណ្ឌ) combine les mots khmers « Pchum », qui signifient « se rassembler », et « Ben », une « boule de nourriture ». C’est un moment durant lequel les Cambodgiens honorent leurs ancêtres jusqu’à sept générations en arrière.
Prachum et Benda
Tradition bouddhiste qui remonte à plusieurs siècles, Pchum Ben est considérée comme la manifestation religieuse la plus importante de l’année après Chaul Chhnam (Fête du Nouvel An). Pchum Ben est célébrée au Cambodge, mais aussi par les différentes diasporas khmères à travers le monde. Si cette fête est considérée comme unique au Cambodge, il existe des rites assez similaires au Sri Lanka.
Fête des Morts
Pchum Ben, dans la religion bouddhiste theravāda khmère, serait l’équivalent de la fête des morts chez les chrétiens. Cette coutume remonterait à l’antiquité, alors que les Cambodgiens convertis au Brahmanisme pensaient qu’après la mort, l’Âtman, l’âme de chacun, errait à travers le cycle de l’océan et se réincarnait. De nos jours, les Cambodgiens croient que, même si la plupart des créatures terrestres se réincarnent à leur mort, certaines âmes, en raison de leur mauvais Karma restent prisonnières des esprits.
Recueillement
Pendant Pchum Ben les familles se recueillent et prient donc pour réduire l’influence du mauvais Karma de leurs ancêtres. Les cérémonies duraient autrefois trois mois. Aujourd’hui, elles se limitent aux deux semaines durant lesquelles les âmes errantes sont libérées du monde des esprits. Elles se déroulent pendant le cycle lunaire décroissant du mois durant lequel le ciel est obscurci par les nuages de la mousson.
Dieu des enfers
Chaque année, Yama le Dieu des enfers, libère les âmes errantes pendant quinze jours pour qu’elles puissent partir à la recherche de leurs parents encore en vie, méditer et se repentir. Cette période est consacrée par les vivants à honorer leurs défunts et à proposer des offrandes pour ceux qui sont restés dans le monde des esprits.
Les moines chantent les sutras (textes anciens trouvés dans l’hindouisme, le bouddhisme et le jaïnisme) en langue pali pendant toute la nuit en prélude à l’ouverture des portes de l’enfer.
Pendant cette période, alors que les portes de l’enfer sont ouvertes, des offrandes sont effectuées à l’intention des âmes errantes en espérant que leur période de purgatoire s’achève.
Miséricorde
L’aspect positif est que, contrairement à la souffrance éternelle imaginée par les chrétiens, la rédemption et la miséricorde sont tout-à-fait possibles. Chaque année au moment de Pchum Ben, si les esprits - fantômes ont accumulé suffisamment de mérite grâce aux actions de leurs familles, certains pourront retrouver leur karma par la réincarnation.
Les malheureux fantômes qui n’ont pas gagné suffisamment de mérite pour envisager leur rédemption devront revenir au purgatoire avec, peut-être, l’espoir d’en sortir l’année suivante.
C’est en effet un rituel de rédemption au sein d’une « fête des Morts » considérée comme unique dans le monde grâce à la fusion des traditions animistes, chinoises et hindoues, et ses liens aux fortes sensibilités spirituelles du Cambodge.
Déroulement
Pendant Kan Ben, les Cambodgiens qui vivent près d’une pagode se relaient afin de cuisiner pour les moines et les nombreux visiteurs d’autres provinces qui viendront célébrer Pchum Ben.
Pendant la célébration, les fidèles visiteront au moins trois pagodes et les lieux où leurs ancêtres sont décédés. Très tôt, vers 4 heures du matin, les Cambodgiens préparent de la nourriture, essentiellement des fruits et du riz. Ils fabriquent de petites boules et gâteaux de riz et se rendent ensuite à la pagode.
Là, ils jettent les boules de nourriture juste à l’extérieur du temple. On pense que certains de leurs ancêtres, ceux qui ont commis des péchés de leur vivant, ne peuvent pas entrer dans les lieux de culte, même sous la forme de fantôme.
Et, ils ne peuvent se nourrir que d'aliments préparés par leurs propres descendants. Les croyants pensent que si les esprits ne voient pas leurs proches leur apporter de la nourriture, ils se mettront en colère et apporteront la malchance.
Regroupements familiaux
Les Cambodgiens bénéficient de trois jours de congés afin de pouvoir visiter leur ville natale et se retrouver avec leur famille. Généralement, en plus de se rendre à la pagode, les familles se regroupent à cette occasion et prennent des repas ensemble. Comme l’explique Nai, jeune Cambodgienne qui tient à célébrer Pchum Ben chaque année :
« Pchum Ben est un événement important. Au-delà de l’aspect religieux, c’est l'une des rares occasions de se retrouver en famille. Je travaille dans la capitale et ma famille est éloignée, c’est donc aussi un moment de joie »
Pchum Ben est une cérémonie traditionnelle aussi censée rappeler aux jeunes qu’il faut se souvenir et respecter les ancêtres. Les personnes âgées déclarent toujours aux enfants à cette occasion :
« Ce que vous avez à la maison est plus puissant que le dieu de la pagode. Qui sont les dieux dans votre maison ? Ce sont vos parents parce qu’ils donnent la vie, et prennent soin des enfants »
Chaque année, divers jeux populaires – lutte, Labok Kator, courses de chevaux, et de buffles sont organisées dans les villages de province pour célébrer la Fête de Pchum Ben, comme ci-dessous dans le village de Vihear Sour, province de Kandal.
Chaol Vassa
Le festival de Pchum Ben est à l’origine lié au festival de Chaol Vassa (entrée dans la saison des pluies) et au festival de Kathin.
Pendant son règne, le roi Jayavarman, un fervent partisan du bouddhisme, veillait à ce que les moines bouddhistes ne manquent de rien : vêtements, nourriture, abri et soins médicaux.
Compassion
Le roi se rendit compte que lorsque les moines marchaient pour demander l’aumône pendant la saison des pluies, ils devaient souvent le faire sous de fortes pluies, des orages, et des vents violents. Le monarque se prit de compassion et leur demanda de ne pas faire l’aumône pendant trois mois à chaque saison des pluies.
Et, il lança un appel à tous ses sujets pour offrir de la nourriture et subvenir aux besoins des moines durant cette période.
Photographies additionnelles : Lanh Visal & Khem Sovannara — AKP
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