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Photo du rédacteurChristophe Gargiulo

Tourisme & Covid-19 : Luu Meng, « Face à la crise, une voix unifiée est indispensable »

Entretien avec Luu Meng, chef reconnu dans le royaume, entrepreneur actif et aussi acteur du secteur très impliqué à travers la « Cambodia Tourism Federation – Fédération du Tourisme au Cambodge » (CTF). Luu Meng vient d’être reconduit dans ses fonctions de président de la fédération et, pour Cambodge Mag, ce dernier confie ses impressions quelques jours après l’annonce de la reconduction de l’appui gouvernemental pour le secteur.

Luu Meng
Luu Meng, président de la « Cambodia Tourism Federation – Fédération du Tourisme au Cambodge »

CM : Quel est votre sentiment sur la reconduction des aides gouvernementales vers l’industrie touristique ?

Nous sommes très heureux de la récente décision du gouvernement royal de prolonger les aides et exonérations en faveur de notre industrie. C’est important, surtout pour les employés du secteur en rupture d’activité qui recevront une aide ces prochains mois. Cela permet aussi à plusieurs entreprises de continuer à travailler, cela n’est donc pas négligeable.

CM : En quelques mots, comment se porte l’activité touristique aujourd’hui dans le royaume ?

Phnom Penh souffre de la crise avec une baisse de 50 % d’activité, quant à Siem Reap, la chute est bien plus sévère, moins 90 %, et de nombreux établissements touristiques ne sont toujours pas en mesure de redémarrer leurs activités.

CM : Pas de bonnes nouvelles donc quant au redémarrage ?

Il y a de meilleures nouvelles et des améliorations très sensibles avec les stations balnéaires Kep et Kampot, deux destinations qui accueillent aujourd’hui de nombreux visiteurs les weekends et durant les vacances. C’est agréable de constater cela et, quand les travaux routiers seront achevés, ces deux destinations devraient voir leur fréquentation augmenter.

« Personnellement, je suis souvent optimiste et j’ose espérer plus d’activité pour l’ensemble de notre secteur à partir de décembre 2020 »

Toutefois, il ne faut pas oublier que cette crise sanitaire est une crise mondiale et nous n’en maîtrisons pas tous les paramètres. Nous sommes encore dépendants de cette crise et personne ne peut prédire précisément quand ce fléau sera maîtrisé même si les possibilités de vaccination se rapprochent.

CM : Quelle est l’action de la CTF aujourd’hui ?

Le COVID-19 est à l’évidence un énorme souci pour l’industrie touristique et, localement, notre fédération travaille étroitement avec l’association des restaurateurs et celle des hôteliers. CTF Sihanoukville existe depuis quelques mois et nous venons de créer une section à Siem Reap et à la fin de ce mois, nous créerons une section pour Kep et Kampot.

Réunion de la CTF avec le ministère du Tourisme
Réunion de la CTF avec le ministère du Tourisme

CM : Comment définissez-vous l’action de la CTF ?

« Cela pourrait se traduire en une seule phrase : Parler d’une seule voix. En clair, plus nous avons de membres, plus nous avons accès aux informations, requêtes, et problèmes des professionnels de notre secteur »

Cela nous permet une vision plus globale, mais aussi bien plus précise des tourments qui affectent le tourisme au Cambodge aujourd’hui. Régulièrement, nous nous réunissons pour recueillir ces informations cruciales pour la survie de l’activité, nous envisageons des solutions et nous faisons ensuite des propositions au ministère du Tourisme et à celui de l’Économie.

CM : Vos suggestions visent à dynamiser le tourisme intérieur ?

Pas seulement. Évidemment, c’est une priorité, mais, nous travaillons aussi sur les problèmes concernant le tourisme international, et nous préparons également des suggestions sur « l’après-Covid ». Enfin, nous œuvrons aussi sur l’amélioration de la formation en étant très actifs avec l’Académie des Arts Culinaires. La formation demeure un aspect essentiel de notre secteur, nous sommes en difficulté, mais cela ne veut pas dire que nous devons travailler dans l’urgence en permanence. Améliorer la destination et la qualité des services doit rester une priorité sur le long terme.

Siem Reap, la chute est bien plus sévère, moins 90 %
Siem Reap, la chute de fréquentation est sévère : - 90% de touristes

CM : Au centre de cette crise, Siem Reap est la destination la plus touchée, quelles sont vos impressions ou suggestions ?

À l’évidence, les possibilités qu’offre le tourisme domestique sont à explorer davantage. Mais, nous sommes conscients que les visiteurs locaux ne peuvent remplir les quelques centaines d’hôtels et maisons d’hôtes que compte la province. Là encore, nous ne savons pas quand les touristes de l’extérieur seront en mesure de revenir sans difficulté.

« Toutefois, s’il y a une possibilité de ramener au moins 20 % d’activité dans l’immédiat grâce aux locaux, il faut saisir l’opportunité »

Le président de la section locale de la CTF, Philip Kao, en a fait sa priorité. Très impliqué dans le secteur touristique depuis longtemps, M. Kao travaille aujourd’hui en liaison étroite avec les autorités provinciales.

CM : En quoi cela consiste-t-il ?

Sa mission consiste à faire des propositions pour que les Cambodgiens et résidents, qu’ils soient de Phnom Penh ou d’une autre capitale provinciale, aient envie de venir à Siem Reap. Et, pour cela, il faut que les professionnels envisagent une stratégie différente.

Les touristes internationaux sont généralement des gens seuls ou en couple alors que le tourisme intérieur s’adresse en priorité aux familles et cela est important de s’adapter à cette clientèle, différente de celle que les hôteliers ont l’habitude de servir avec les touristes de l’extérieur. Une famille qui se rend à Siem Reap doit être en mesure de passer un séjour agréable qui ne soit pas seulement limité aux temples.

CM : Quel est votre rôle dans cette stratégie ?

Il s’agit pour nous de coucher sur papier des propositions qui permettront de rendre la destination Siem Reap accueillante pour les familles. Pour des vacances d’une semaine, par exemple, chaque jour doit être consacré à une activité différente, qu’elle soit culturelle, sportive, gastronomique ou autre. Et, Phnom Penh devrait aussi être alignée sur cette stratégie. Souvent, les résidents ne sont pas au courant des nombreuses possibilités de loisirs qu’offrent ces deux capitales alors qu’il y a énormément de choses à découvrir. Donc, avec les autorités locales nous ferons des suggestions dans ce sens.

Nous insisterons aussi sur les mesures de sécurité, sur l’hygiène et la qualité des produits proposés. Les établissements qui fonctionnent correctement en cette période de crise sont ceux qui ont su communiquer, créer de nouveaux produits, et rassurer leur clientèle. Et cela me semble tellement logique. Pour conclure sur ce point, j’aimerais que lorsqu’une famille arrive dans un hôtel, elle soit accueillie avec ces quelques mots :

« Nous pouvons vous proposer une activité différente chaque jour pendant votre séjour »

CM : À propos de l’écotourisme ?

C’est à développer tout comme le tourisme agricole. Là aussi il y a des efforts à faire pour améliorer l’environnement. Le royaume a tant de jolis endroits à découvrir. Je crois aussi que le séjour chez l’habitant serait un concept à développer, cela permet de diversifier davantage l’offre touristique et je crois aussi que c’est un sujet qui tient à cœur à notre ministre du Tourisme.

CM : Sur ce point, pourquoi les destinations du Nord-est ne sont pas concernées par certaines aides gouvernementales ?

Cela pourrait être abordé lors des prochaines discussions tout comme prendre en considération d’autres provinces qui souhaitent développer leur secteur touristique. Mais, pour que nous soyons efficaces lors de nos échanges avec les autorités, la CTF doit avoir des informations. C’est dans cette optique que j’encourage les professionnels à nous rejoindre au sein de la fédération afin que l’ensemble des acteurs de l’industrie puisse exprimer leurs préoccupations. D’abord, cela permet d’avoir une voix unifiée et nous donnons à nos membres, qu’ils soient individuels ou en association, ensuite ils auront la certitude que leur voix sera entendue auprès des autorités du secteur.

CM : Votre vision de l’avenir ?

Encore une fois, nous sommes affectés par une crise d’ampleur mondiale. Donc, il faut espérer que le vaccin pour le Covid-19 soit assez rapidement disponible. S’il ne l’est pas et si la crise perdure, tout ne doit pas s’arrêter, il faudra toujours et encore travailler sur le tourisme intérieur et peut-être envisager des options régionales.

« Travailler d’abord avec nos voisins de la Thaïlande et du Vietnam pourrait être une première étape d’une réouverture prudente et progressive vers les pays de l’ASEAN »

Je crois sincèrement que le gouvernement a fait ce qu’il fallait face à la pandémie. Nous avons la chance de vivre dans un pays où la situation est sous contrôle et toute nouvelle ouverture vers l’international, qui reste une décision gouvernementale, doit se faire progressivement et avec précaution et c’est exactement la stratégie initiée par les différents ministères concernés.

Propos recueillis par Christophe Gargiulo

3 Comments

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ambassa-gou mali
ambassa-gou mali
Oct 04, 2020

J'en ai pris note, notamment avec l'académie des arts culinaires : je pensais surtout à la formation de base pour les nombreux restaurants et hôtels , guests houses, non étoilés , et non aux établissements hauts de gamme.

Egalement pour le catering aérien qui, sauf erreur ou oubli, doit former son personnel à diverses cuisines alors que les vols se développ(ai)ent.

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La Rédaction
La Rédaction
Oct 04, 2020

Il est question de formation dans l'entretien donné par Luu Meng

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ambassa-gou mali
ambassa-gou mali
Oct 04, 2020

C'est avec le regard d'un très vieux retraité de la restauration internationale, ancien élève de l'EHT France, que je regarde les événements mondiaux et plus précisément cambodgiens.

J'aimerais ajouter deux choses, alors que beaucoup de décisions sont en cours d'application ou vont l'être.


1ère chose : Ne faudrait -il pas profiter de cette situation très calme dans le tourisme pour former plus de personnel dans l'hôtellerie restauration ? Des hôtels restaurants sont vides et pourraient devenir des écoles hôtelières...


2 ème chose : certains retraités expatriés sont partis ou vont le faire, parfois par ennui, leur visa ne leur permettant pas de travailler, donc de transmettre plus de 40 ans d'expérience.


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