Yern Naroth, une jeune fille de 19 ans appartenant à la communauté ethnique Tumpoun de la province de Ratanakiri fait campagne pour mettre fin aux mariages d’enfants qui, dit-elle, privent les jeunes filles de leur avenir.
À 19 ans, Yern Naroth demeure une exception dans sa communauté pour la simple raison qu’elle n’est pas encore mariée. Mais son libre-choix n’a pas été facile.
« Quand je l’ai dit à mes parents la première fois, leur réaction fut assez typique : ils voulaient que je me marie et m'ont dit que si je ne me mariais pas bientôt, ils m’expulseraient de la maison »
À l’époque, elle n’avait que 13 ans. « J’ai tenu ferme, parce que je voulais terminer mes études, mais ma famille a continué à faire pression pour que j’abandonne l’école », ajoute-t-elle, rappelant qu’elle est actuellement en 12e année au lycée de la province de Ratanakiri. L’attitude de ses parents à l’égard des mariages d’enfants est tout à fait normale, explique-t-elle, car sa famille appartient au groupe ethnique Tumpoun — qui marie leurs fils et leurs filles fréquemment avant l’âge de 16 ans pour divers facteurs sociaux, économiques et culturels.
La décision de Naroth de défier la volonté de ses parents et de continuer à étudier est assez rare, en particulier dans la société Tumpoun. Malgré cela et son jeune âge à l’époque, elle a réussi à les convaincre que le mariage n’était pas une priorité.
« J'ai commencé à leur expliquer que mon mariage aurait un impact sur moi en tant que jeune fille, si je devenais analphabète à l’avenir, je ne pourrais que travailler à la ferme — je ne pourrais pas obtenir un autre emploi ou éduquer mes enfants et petits-enfants »
Au départ, les parents de Naroth, qui ont été mariés dans leur enfance, n’étaient pas d’accord avec elle, mais ont décidé de l’écouter, car ils ont pu constater les avantages d’une éducation même si cela signifie renoncer aux traditions et aux coutumes matrimoniales de leur communauté.
Communautés autochtones
Selon un rapport de l’UNICEF publié en 2017, 19 % des Cambodgiennes sont mariées avant leur 18e anniversaire. Le rapport révèle également que 2 % d’entre elles se sont mariées avant l’âge de 15 ans et que la plupart des mariages d’enfants du royaume se produisent dans les zones rurales, en particulier parmi les minorités ethniques.
Il existe 24 groupes ethniques minoritaires différents vivant au Cambodge, soit environ 200 000 personnes. Les Tumpoun représentent environ 31 000 personnes et la majorité de leurs communautés sont basées dans la province de Ratanakiri. Un rapport distinct de l’UNICEF de 2014 indique que le mariage avant l’âge de 18 ans est passé de 28 % de la population à 19 % entre 1989 et 2014, mais bien que l’étude ne ventile pas les données par appartenance ethnique, les résultats géographiques sont assez révélateurs.
« La proportion de jeunes femmes âgées de 20 à 24 ans mariées avant l’âge de 18 ans présente de grandes variations selon la situation géographique, allant de 36 % dans les régions de Mondolkiri et de Ratanakiri à de 5 % dans Phnom Penh »
L’absence de chiffres actualisés est peut-être révélatrice des relations complexes entre les autorités et les nombreuses ethnies du Cambodge. Le système juridique du pays reconnaît à peine la myriade de peuples autochtones du Cambodge, avec des lois relatives à ces communautés reposant sur une terminologie indistincte et des définitions vagues — provoquant des lacunes en termes d’éducation, de propriété foncière et de représentation politique pour ces minorités.
Lutter pour l’éducation et l’autonomisation
Pour Naroth, c’est cette situation qui a favorisé ces conditions instaurant le mariage à l’âge de 13 ans comme une norme et pourquoi, à 16 ans, elle a rejoint le « Adolescent and Youth Reference Group (AYRG) », projet mené par l’UNICEF et lancé en 2015 qui vise, entre autres, à lutter contre la prévalence du mariage des enfants au Cambodge.
« J’ai aidé ma communauté en produisant des vidéos éducatives sur les problèmes du mariage des enfants et en les diffusant dans le village », explique Naroth.
« Après cela, certains parents ont pu voir que c’était préoccupant, certains d’entre eux comprennent et envoient aujourd’hui leurs enfants à l’école au lieu de songer à les marier »
Pour Naroth les parents sont les gardiens de l’avenir de leurs enfants. Pour empêcher les jeunes enfants d’être mariés avant qu’ils aient eu la chance de déterminer leur propre destin, elle poursuit sans relâche son travail de plaidoyer auprès des parents au sein des communautés Tumpoun de Ratanakiri. Grâce à son rôle dans le projet AYRG, Naroth espère changer les conventions sociales au sein de sa communauté et peut-être au-delà.
« Les jeunes des minorités ethniques doivent donner la priorité à l’éducation », s’exclame-t-elle. « Chaque fille devrait avoir la chance d’accéder à l’enseignement supérieur, un moyen par lequel elle peut gagner en confiance et devenir une femme indépendante et libre de ses choix. »
Uth Raksmey et Thien Phearin. Avec l’aimable autorisation de Cambodianess
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