Alors que le Cambodge veint de voir son traditionnel krama inscrit sur la liste représentative du patrimoine culturel immatériel de l'humanité de l'UNESCO, l'occasion de tout (re)découvrir sur cet symbole khmer :
Au Cambodge, il y a de fortes chances de voir ou même de porter un krama. Il s’agit d’un vêtement simple et discret qui fait partie intégrante de la culture cambodgienne depuis plusieurs siècles.
Les origines du krama cambodgien
On pense que le krama cambodgien, ou krama khmer, est né dans le sud du Cambodge il y a plus de 400 ans. Fabriqué à l’origine avec du fil de coton filé à la main et tissé selon un motif à carreaux, ce type d’écharpe était traditionnellement porté par les Cambodgiens(ne)s comme un accessoire pratique pour leurs activités quotidiennes.
À l’origine, il servait à sécher l’eau sur le corps et aussi comme simple panier après la pêche, l’agriculture ou le nettoyage. Il servait également à couvrir la bouche lors de l’époussetage des balles de riz et à envelopper les enfants pour les protéger du vent, du soleil et de la pluie.
L’écharpe jouait également un rôle important en tant que vêtement de cérémonie. Lors des festivals traditionnels, les Cambodgiens portaient un krama autour de la taille pour se protéger des mauvais esprits et de la malchance. l'écharpe symbolisait également le respect des ancêtres et la reconnaissance des coutumes locales.
Les origines précises du krama à damier sont mal connues ; il est possible qu'il soit arrivé au Cambodge depuis le sud de l'Inde via la Malaisie et la Thaïlande. Il aurait pu aussi être introduit comme un type de turban dans l'ancien État d'Amaravati, dans le sud de l'Inde, à l'occasion d'un mariage royal.
Le krama pourrait remonter à l'ère pré-Angkor Norkor Phnom, entre le premier et le cinquième siècle de notre ère. Au cours de cette période, de nombreux Shivas et autres dieux hindous portant un turban ont été retrouvés sur le site d'Angkor Borey.
Dans certains cas, un homme a même été représenté portant un couvre-chef de style krama. Des documents datant d'environ 1296-1297 et rédigés par l'envoyé et diplomate chinois Zhou Daguan, montrent que plusieurs tissus de grande qualité étaient produits localement à Angkor Thom, d'autres étaient importés du Champa et du Siam, mais les plus convoités provenaient des mers occidentales.
Les Cambodgiens n'élevaient pas de vers à soie à l'époque, ne savaient pas coudre, mais étaient capables de tisser du coton à partir du kapok. On peut en déduire que leurs sampots de base étaient fabriqués en coton et qu'ils avaient à peu près la taille d'un krama classique.
Le krama apparaît sur certaines des premières photos de costumes cambodgiens prises vers la fin du XIXe siècle. En 1896, le photographe et voyageur français André Salles a été l'un des premiers à prendre des clichés de la vie quotidienne cambodgienne.
Aujourd’hui, le design du krama cambodgien a évolué par rapport à sa forme originale, mais ces écharpes font toujours partie intégrante de la culture cambodgienne. De nombreux Cambodgiens les portent tous les jours, sur la tête, autour de la taille ou sur une épaule.
Comment le krama est devenu un symbole de l’identité khmère
Le krama est bien plus qu’une simple écharpe. C’est un symbole authentique et puissant de l’identité khmère, porté avec fierté par le peuple cambodgien. Alors que le krama était traditionnellement porté comme un vêtement fonctionnel, il a évolué pour représenter bien plus que cela. Dans le Cambodge d’aujourd’hui, il est aussi un emblème de l’unité nationale qui rassemble les Cambodgiens de tous âges et de toutes origines.
Pour de nombreux Cambodgiens, porter un krama est devenu un acte d’hommage à leurs ancêtres et de préservation d’une culture qui cherche encore à se reconstruire. Le port du krama est également un signe extérieur de valeurs partagées entre des citoyens qui vivent avec la volonté de respecter les traditions culturelles malgré l’ère du numérique.
Le rôle du krama sous le régime des Khmers rouges
La popularité du krama est malheureusement liée au régime des Khmers rouges dans les années 1970. À cette époque, l'écharpe aux carrés rouges et blancs a été adoptée comme un élément essentiel des vêtements traditionnels par les Khmers rouges qui cherchaient à affirmer leur propre identité culturelle et leur contrôle idéologique.
Durant cette période, le krama était porté comme symbole de loyauté envers le parti par les cadres et les membres du régime. Il était également utilisé à des fins pratiques, notamment pour transporter des marchandises, servir de ceinture ou de hamac pour les bébés. Plus incroyable encore, certaines femmes affirment avoir caché des armes à l’intérieur de leur krama lorsqu’elles fuyaient.
Le krama était également un outil essentiel pour de nombreux Cambodgiens qui travaillaient dans des environnements difficiles à cette époque. Par exemple, il pouvait être porté autour de la taille avec un côté replié sur l’épaule, offrant ainsi une protection contre la chaleur et le soleil de midi, tout en permettant aux agriculteurs de porter de lourdes charges en gardant les mains libres. Le tissu était souvent imbibé d’eau avant le début du travail afin d’offrir une protection supplémentaire contre les températures élevées.
La fabrication du krama : Du coton au produit fini
Vous ne savez peut-être pas que le processus de fabrication d’un krama cambodgien est à la fois fascinant et complexe. Tout commence par le coton, qui est planté, récolté et tissé.
Le tissage
Vient ensuite le processus de tissage : différentes couleurs et différents motifs sont utilisés pour créer les dessins complexes que l’on trouve sur chaque krama.
Cette étape consiste également à disposer soigneusement les fils sur le métier à tisser afin de créer un produit fini solide.
Teinture et embellissement
Une fois le tissage terminé, le krama est prêt à être teint ou embelli avec des paillettes, des broderies ou des appliqués. Là encore, ce processus est réalisé à la main et peut prendre jusqu’à plusieurs jours en fonction de la complexité de l’ouvrage.
La dernière étape de la création d’un krama cambodgien consiste à terminer soigneusement chaque pièce par une couture serrée sur les bords. Cela lui donne de la force et le rend plus durable que d’autres pièces de tissu. Le produit final est une écharpe tissée de manière complexe, fabriquée avec beaucoup d’amour et de soin. Il s’agit d’une belle œuvre d’art qui pourra être utilisée pendant des années.
L’importance culturelle des couleurs et des motifs du krama
Vous ne le savez peut-être pas, mais les couleurs et les motifs du krama sont imprégnés d’une signification culturelle. Les couleurs vives apportent la joie et expriment l’émotion, tandis que les rayures représentent les forces spirituelles et les pouvoirs surnaturels. Les motifs complexes peuvent également raconter des histoires ou avoir des significations cachées, racontant l’histoire et la culture.
Différents kramas
Qu’en est-il de tous ces différents types de krama cambodgien ? Explorons quelques-uns des styles les plus courants pour comprendre pourquoi ils sont si importants :
Chorab Kroma
Ce type de krama est traditionnellement porté par les Cambodgiennes mariées et les hommes travaillant dans l’agriculture. Son motif unique, mais classique présente des bords noirs avec de simples lignes entrelacées dans différentes nuances de blanc, de bleu, de rouge et de jaune. Le contraste entre les lignes claires confère à ce style un air de sophistication moderne.
Kanada Kroma
Le Kanada Kroma est un choix populaire pour celles et ceux qui travaillent dans les zones urbaines. Ce style présente généralement des motifs géométriques complexes dans différentes nuances de bleu, de vert, d’orange et de rouge qui symbolise la chance et la protection contre les mauvais esprits. Les kanada kroma sont réputés pour être élégants tout en permettant à ceux qui les portent de rester au frais par temps chaud.
Mrech Kroma
Ce motif traditionnel est devenu populaire parmi les jeunes Cambodgiens qui ont quitté leurs villages ruraux pour s’installer dans les villes. Il se compose de rayures mélangées à de petits motifs à pois qui contrastent avec un fond uni - généralement noir ou bleu foncé - ce qui en fait un incontournable de la mode pour ceux qui recherchent une touche supplémentaire de sophistication chic dans leur garde-robe.
Où acheter un authentique krama cambodgien au Cambodge ?
Vous voulez mettre la main sur un authentique krama cambodgien ? Heureusement, ce n’est pas difficile : vous pouvez trouver des kramas à peu près partout au Cambodge ! Qu’il s’agisse d’un grand marché ou d’un petit magasin de village, vous trouverez toujours des kramas à vendre.
Ils sont disponibles dans une grande variété de couleurs et de motifs, de sorte que vous êtes sûr de trouver celui qui correspond à votre style.
Si vous êtes à la recherche d’un krama très spécial avec des détails complexes, vous pouvez vous rendre aux Artisans d'Angkor.
Vous y trouverez des kramas fabriqués localement et tissés à la main avec des matériaux de haute qualité. C’est l’endroit idéal pour obtenir un krama authentique qui vous durera toute une vie !
Vous pouvez également rechercher des kramas plus simples dans des endroits comme le Psar Toul Tom Pong (marché russe) ou même dans les autres marchés de Phnom Penh et de Siem Reap.
Symbole
Le krama cambodgien n’est pas seulement un vêtement, c’est aussi un morceau d’histoire, de culture et de tradition. Il a résisté à l’épreuve du temps et fait partie de la culture cambodgienne depuis de nombreux siècles.
Le krama n’est pas seulement un article de mode, c’est aussi un symbole de résilience et de patriotisme. Il rappelle la force et le courage du peuple cambodgien ainsi que la nécessité de ne jamais abandonner. En tant que symbole de la résilience du peuple cambodgien, le krama restera un élément important de sa culture pour les années à venir.
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