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Photo du rédacteurRémi Abad

Siem Reap & Photographie : Route 60, l'autre marché nocturne

À Siem Reap, depuis des années, les marchés de nuit, ou « night markets », ont poussé comme des champignons. S’ils représentent un lieu idéal pour flâner en quête de souvenirs, force est de constater que ces marchés ont été créés dans le seul but d’étancher la soif d’achats du touriste en goguette.

Route 60 : L'autre marché nocturne
Route 60 : L'autre marché nocturne

Il existe pourtant un autre marché de nuit, situé à la périphérie de la ville, qui ne propose ni kramas, ni T-shirts « I love Cambodia » et autres massages des pieds à 2 dollars. Ce marché n’en vaut pas moins le détour pour toute personne désireuse de s’immerger dans la vie quotidienne khmère. Bienvenue sur la route 60.

Un lieu de sortie incontournable

Sary est fière de son stand. Debout derrière l’étal débordant de fruits aux couleurs éclatantes, elle pose avec fierté devant les flashs des touristes ravis. S’ils se bousculent nombreux devant l’entrée, peu s’aventurent dans les profondeurs des travées de cet immense marché nocturne, qui s’étend sur plusieurs kilomètres. Dès le crépuscule, les forains investissent la route principale et ses voies annexes. De la nuée de petites carrioles sortent toutes sortes de marchandises, peluches, chaussures, vêtements neufs et usagés, articles de droguerie, sacs à main… Seule une pluie dense et soutenue serait capable de briser ce rituel immuable.

Un lieu de sortie incontournable pour les Cambodgiens, qui y font non seulement leurs emplettes, mais profitent aussi des manèges et autres jeux d’adresse

Depuis des lustres, ce marché constitue l’une des artères les plus palpitantes de la ville. Depuis quand exactement ? Les avis divergent selon les personnes interrogées, mais le fait est que la tradition est bien ancrée depuis au moins une décennie. Au point de devenir un lieu de sortie incontournable pour les Cambodgiens, qui y effectuent non seulement leurs emplettes, mais profitent aussi des manèges et autres jeux d’adresse qui font le bonheur des petits et des grands. Le sourire des enfants juchés sur leurs auto-tamponneuses ou sautillant sur un château gonflable en dit long sur le bonheur d’être là.

Et, tant pis si les manèges paraissent bien désuets : cela ne semble en aucun cas déranger le jeune public qui s’y presse. Mais la réputation de ce marché ne tient pas seulement aux amusements proposés. C’est aussi, et surtout, pour y manger que l’on y vient.

Au paradis de la cuisine de rue

Que serait la gastronomie asiatique sans sa fameuse cuisine de rue ? Une cuisine maintenant reconnue et célébrée, comme l’attestent les étoiles Michelin distribuées récemment en Thaïlande et à Singapour. Honorant par là même un style culinaire à la fois délicieux et peu onéreux, aux nuances quasi-infinies.

Route 60 : au paradis de la cuisine de rue
Route 60 : au paradis de la cuisine de rue

Si les mets proposés Route 60 sont loin d’atteindre le degré de sophistication des échoppes de Bangkok, elles n’en permettent pas moins de découvrir une multitude de plats plus variés les uns que les autres : Ban Chao, poulets et poissons grillés, soupes de nouilles, riz frit, beignets et gâteaux… La liste des spécialités vendues ici fait figure d’un inventaire à la Prévert. Les odeurs s’y côtoient dans d’improbables exhalaisons où cohabitent viande grillée et barbe à papa, crevettes et pop-corn.

On s’y retrouve en famille, entre amis ou en tête-à-tête amoureux, autour d’un réchaud à gaz portatif

Des insectes s’invitent aussi au menu, sans oublier fruits et crèmes glacées. On trouve d’ailleurs ici d’excellents durians, de succulentes cacahuètes grillées, ou encore de savoureux épis de maïs qui croquent sous la dent. Le long des routes, des nattes ont été disposées soit à même le sol, soit dans de petits bungalows de fortune faits de bric et de broc. On s’y retrouve en famille, entre amis ou en tête-à-tête amoureux, autour d’un réchaud à gaz portatif sur lequel l’on cuit soi-même son repas avant de reprendre le scooter pour une session de shopping. Car ici, les achats se font sans avoir besoin de descendre de sa monture, le lèche-vitrine s’accomplissant directement au guidon de son engin.

Cette escapade nocturne a failli disparaître à maintes reprises, menacée par l’urbanisation et des réglementations plus strictes qu’autrefois. Débutant auparavant bien avant le rond-point représentant une gracieuse apsara, le marché a été contraint de reculer en 2015, lorsque de nouveaux bâtiments et leurs immenses parkings ont été érigés.

Au cœur de la nuit

La diminution de l’espace alloué au marché n’aura finalement découragé ni les forains, ni les visiteurs. Un enfant dans les bras, un autre lui tenant la main, Piseth déclare venir au moins une fois par semaine. « Ici, les petits peuvent s’amuser et profiter des manèges. Et puis, toute la famille s’y retrouve, nous nous asseyons ensemble, et passons du bon temps ».

Une certaine mélancolie semble s’être emparée du marché de la route 60

Sokha, 6 ans, ballon à la main, confirme les dires de son père avec un grand sourire. Pour les vendeurs, l’ambiance est un peu moins joyeuse depuis l’ouverture, il y a deux ans, du gigantesque « Palm Container Night Market » à quelques centaines de mètres de là. L’ambiance y est radicalement différente, plus jeune, plus branchée, mais aussi nettement plus chère.

Une certaine mélancolie semble d’ailleurs s’être emparée du marché de la route 60, l’ambiance festive y étant contrebalancée par un versant plus sombre. Des enfants jouent dans le marigot jonché de détritus qui sépare les voix, une cohorte de mendiants passe de table en table, et la pauvreté, relativement discrète en ville, se dévoile ici.

Même les sourires des commerçants semblent mâtinés d'une résignation triste, avant que les regards ne se replongent sur les téléphones portables et leurs paradis virtuels.

Évasion bien pratique lorsque l'on passe ses soirées assis à attendre le chaland.

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