À quelques kilomètres de Phnom Penh, dans la province de Kandal, le village de Kroh Kroubey est surtout connu pour ses fermes de jasmin.
Village parfumé
Chaque matin, un parfum doux et floral imprègne l’habitation et le champ de Saruon. Alors que son épouse s’affaire à enfiler les bourgeons sur de fines tiges, l’arôme délicat des fleurs de jasmin (p'kah maleas), parfume l’air de cet après-midi d’octobre. Cette période de l’année reste la meilleure saison pour la récolte, car l’eau des pluies abondantes de mousson permet aux arbustes de produire de nombreuses fleurs, explique Saron, propriétaire avec son épouse d’une modeste ferme de jasmin dans le village de Koh Kroubey, une région réputée au Cambodge pour ses fermes cultivant cette fleur emblématique du royaume.
Avec l’aide de deux employés, Saron récolte les bourgeons verts pale du jasmin tôt chaque matin avant que la fleur puisse fleurir. Les bourgeons parfumés sont ensuite aux grossistes et aux marchés alentour.
« En cette période, les arbustes fleurissent abondamment et le prix du jasmin devient relativement bas, 10 $ le kilo, mais à partir de décembre, les plantes produisent beaucoup moins de fleurs, donc le prix peut grimpe à 25 $ le kilo »
Usage religieux
Au Cambodge, les bourgeons de jasmin sont principalement destinés à la création des offrandes à Bouddha, en raison de leur parfum particulier et de leur couleur blanche. Le mot Jasmin viendrait d’ailleurs du persan yasmin, signifiant « cadeau des dieux ». Bourgeons et fleurs sont également utilisés dans les ornements décoratifs pour les temples, lors des festivals, des anniversaires et des mariages. Les fleurs peuvent aussi être ajoutées à l’eau bénite utilisée pour les bénédictions effectuées par les moines bouddhistes.
Il existe deux principaux types d’offrandes de jasmin : Je kah, un bâton fin avec des bourgeons qui l’entourent, avec généralement une fleur rouge à l’extrémité de celui-ci, et pum melei une guirlande circulaire, que les fidèles cambodgiens mettent autour du cou des statues de Bouddha.
Utilisation culinaire
Lorsque les créateurs du restaurant Malis cherchaient un nom pour leur établissement, le mot Malis jasmin venant du mot khmer p'kah maleas, a été adopté par Luu Meng et Arnaud Darc en raison de sa consonance et de son lien à la culture bouddhiste.
Outre la note locale et l’aspect religieux, le chef Luu Meng a également décidé d’incorporer la fleur de jasmin dans les recettes du restaurant Malis, notamment dans la confection des desserts. Les gourmands apprécieront certainement la mousse Malis, une crème légère infusée à la fleur de jasmin avec des notes de miel cambodgien et de gingembre, cerclée de fruits frais de saison et servi avec un riz croquant et une glace à la noix de coco, par exemple…
Tradition
Les villageois de Koh Kroubey ont une longue tradition de culture du jasmin, et les techniques ont été transmises de génération en génération. Bien que les récoltes ne soient pas aussi abondantes ou lucratives que le riz, le jasmin est une culture qui se pratique toute l’année et nécessite peu d’entretien une fois que les arbres sont matures (au bout de deux ans).
Les pieds de jasmin ne nécessitent aucun pesticide ou engrais chimique, simplement du compost végétal. Les arbres sont coupés au bout de trois à quatre ans afin de favoriser la croissance des fleurs et bourgeons. Quant aux revenus, Saron explique : « On ne devient pas très riche, mais cette activité suffit pour nourrir correctement la famille ».
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