La Princesse Sylvia Sisowath a quitté le Cambodge pour la France il y huit ans. En novembre 2024, elle décide de revenir pour célébrer ses 70 ans dans le Royaume. La veille de son départ il y a quelques jours, la princesse raconte son séjour riche en émotions.
Pour ceux - peu nombreux certainement - qui ne vous connaîtraient pas encore, parlez-nous de vous en quelques mots
Je m'appelle Sylvia Sisowath, je suis la cousine germaine de feu le roi-père Sihanouk et donc petite cousine de Sa Majesté le Roi Sihamoni. J'ai connu le Cambodge en 1966, avant que le Général de Gaulle effectue sa visite. Je suis repartie en 1974, avant les événements tragiques liés aux Khmers rouges et je suis revenue pour suivre Sa Majesté en 2006. En 2017, j'ai pris ma retraite en France et, là, je suis revenue pour me mettre au service de Sa Majesté.
Auparavant, vous avez travaillé au CMK (Crédit Mutuel Kampuchea)
J'ai commencé d'abord avec le centre audiovisuel Bophana la transcription des documents, ensuite en tant qu’interprète pour le Comité International de la Croix Rouge- CICR puis au Knai Bang Chhat de Kep. Et enfin, j'ai fini au CMK comme RH, RP et animation de réseau pendant environ quatre ans.
Pourquoi avoir décidé de retourner en France?
Quelque part, je pensais qu'il fallait que la jeune génération prenne la main. J'avais quand même une centaine d'employés, de collaborateurs plutôt, qui étaient dynamiques, pleins de vitalité. Et je me suis dit, il faudrait quand même laisser la place aux autres. Et puis avant tout, je souhaitais retrouver ma famille, mes petits-enfants que je ne voyais pas assez souvent.
En novembre de cette année, vous décidez de revenir au Cambodge, pour quelles raisons ?
Pour fêter mon anniversaire avec les enfants du Centre éducatif de Kep.
Et vous restez engagée dans l'associatif
Oui, toujours. Je reste dans l'associatif et le culturel.
Parlez-nous un peu de votre association de Kep
En octobre 2011, Dominique Lorrain et moi avons restauré une maison que nous possédions au milieu des rizières. Nous souhaitions en faire une maison de la culture et des sports parce que j'étais très attachée à la préservation de la culture. Et, au moment où nous débutions les travaux de restauration, les enfants des alentours sont venus jouer.
Ce n'était pas la maison de la culture qui les intéressait mais un lieu de récréation. C'est ainsi que nous sommes devenus un centre aéré. Les activités culturelles sont apparues bien longtemps après. La priorité était devenue de créer des espaces de jeux et de récréation pour les enfants. Par la suite, nous avons créé la maison de la culture pour revenir à mes premiers amours. C'était en 2013 parce que le professeur de danse a été embauché cette-année-là. Il est encore avec nous aujourd'hui.
Pourquoi la maison des jeunes est-elle devenue le « centre éducatif » de Kep ?
Cela s'appelle le centre éducatif de Kep parce que la majorité des donateurs sont à 90% des Français et, pour qu'ils reçoivent un reçu fiscal, l'administration impose qu'il y ait le mot éducation dans notre appellation. C'est simplement une question de forme.
Donc depuis la France, vous gériez un peu le côté subvention...
Je gérais les relations publiques également. Localement, l'association était gérée par Mona Tep. Je tiens à souligner que grâce à nos donateurs, nous sommes en mesure de fournir des salaires très décents à l'ensemble du personnel encadrant.
Comment s'est passé ce retour de 2024 ?
C'était l'occasion de reconnecter avec beaucoup de gens. Tout le monde, les enfants de l'association, les collaborateurs de la maison de Kep, mais aussi les anciens du CMK et du Knai Bang Chat. Et enfin, je parlerai des amis et les personnes qui, le long de mes voyages, ne m'ont pas oubliée.
Cela a été un retour très émouvant parce qu'à chaque fois que j'ouvrais une porte, un serveur, une personne, un chauffeur de tuktuk me reconnaissait.
Par exemple, ce matin, j'étais en train de prendre mon petit déjeuner et tout d'un coup je vois mon ancien assistant personnel du CMK, les larmes aux yeux, qui vient me dire bonjour avant que je ne prenne l'avion demain.
Vous êtes venue avec un groupe de donatrices, dites-nous en un peu plus
Ce sont des marraines qui sont venues pour voir comment se passaient les activités du centre. Elles ont été très surprises de ce que nous avons pu mettre en place, de la joie des enfants et aussi de l'implication du personnel.
En 2011, nous avions 20 enfants, nous en avons 200 aujourd'hui qui bénéficient de nos activités, c'est-à-dire cours d'anglais, cours de danse, sport et éveil artistique.
Tout se passe l'après-midi parce que le matin ils sont à l'école. Donc il n'y a que la directrice qui est là le matin avec une employée de ménage.
je suis venue avec mon neveu qui devrait prendre un peu prendre la relève, mais je vais continuer à m'investir parce que, vis-à-vis des autorités locales et des partenaires, le fait d'avoir une Cambodgienne impliquée dans la direction du centre apporte une assise.
En dehors de cela, quelle est votre opinion vis-à-vis du Cambodge de 2024 par rapport à celui de 2016 ?
Quand je vivais ici, j'aimais m'échapper à Bangkok ou Singapour pour me détendre et je disais que vu l'évolution que le Cambodge prend, dans 10 ans, nous serions un mini-Bangkok. Et là, aujourd'hui, je m'aperçois qu'on est y est. C'est-à-dire qu'il y a des tours,
des ponts aériens, les infrastructures routières sont beaucoup plus développées... Il y a des quatre voies, il y a des radars même...
Aussi, il y a un message d'espoir, les jeunes sont beaucoup plus ouverts vers l'extérieur. Ils sont dans les avions pour aller à Bangkok, ils emmènent les parents, au lieu d'être en voiture, ils les emmènent en avion. Donc il y a une évolution et une ouverture d'esprit vers l'extérieur.
Aujourd'hui, vous proposez à l'Institut Français une présentation de vos activités, pour quelle raison ?
Je fais cela pour l'association Phnom Penh Accueil. Pour moi, cette structure reste un bon souvenir car j'étais trésorière de l'association à ses débuts. Il s'agit aussi de donner un peu de visibilité à l'association de Kep.
Si vous deviez résumer en un mot votre séjour-retour ?
Ce serait une explosion d'émotions. Je remercie toutes les personnes que j'ai rencontrées d'avoir rappelé des souvenirs que sincèrement j'avais oubliés parce que, pour moi, c'était naturel d'avoir rencontré les gens et je ne pensais pas que j'aurais laissé un souvenir aussi marquant.
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