En 1923, l’artiste français André Joyeux publie un hommage à l’Indochine en édition limitée, en mémoire de son ami Pierre Rey, tué au combat pendant la Première Guerre mondiale. Son concept s’articule autour de sonnets français de Rey (nom de plume du capitaine Paul Philibert Régnier) que Joyeux a fait revivre à l’aide de 33 aquarelles originales.
L’ancien gouverneur général de l’Indochine française, Albert Sarraut, a rédigé l’avant-propos de cette vision artistiquement rare de la terre, des coutumes et des peuples de l’Asie du Sud-Est. Dans l’édition moderne en couleurs, la graphiste Rebecca Klein a retouché à la main chacune des aquarelles originales de Joyeux, en adaptant leurs éléments à un format plus grand.
Afin de présenter cette importante œuvre coloniale française à de nouveaux publics, une traduction en anglais de l’avant-propos de M. Albert Sarraut est fournie, ainsi qu’un profil biographique des deux artistes dans une préface du chercheur Joël Montague.
« C’est une histoire étrange et intéressante », reconnaît Joël Montague, ancien conseiller en santé publique au Cambodge et collectionneur d’art éclectique (outre ses recherches sur la période coloniale française, Montague a fait don d’une vaste collection d’enseignes de magasins cambodgiens peintes à la main au Fowler Museum of Art de l’UCLA).
Montague avait déjà découvert le travail de Joyeux, dessinateur cynique, mais étrangement sympathique, qui se moquait des classes coloniales de Saigon, et il avait même écrit un livre à ce sujet : The Colonial Good Life: Commentaire sur la vision d’André Joyeux de l’Indochine française.
« Je savais qu’il avait écrit un autre livre, mais je n’arrivais pas à le trouver », explique Montague. « Il n’y avait qu’un seul exemplaire disponible dans une merveilleuse bibliothèque de Bangkok, qui était l’œuvre d’un expert en art. J’ai fini par le trouver et je l’ai acheté sur Internet - il était assez abîmé, mais j’ai pu voir qu’il était aussi beau que ce à quoi je m’attendais ».
Contrairement au ton tranchant de ses caricatures, le Joyeux qui a peint La Terre de Bouddha était plus doux.
« Il ne pouvait pas faire grand-chose contre l’injustice coloniale, si ce n’est dessiner de merveilleuses caricatures du gouvernement français et des officiers de l’armée. La Terre de Bouddha est une œuvre d’un tout autre genre, celle d’un homme un peu plus âgé et romantique, à la fin de sa carrière et de sa vie ».
Pour la réédition du livre en 2014, Montague s’est adressé à l’éditeur américain indépendant DatASIA, dirigé par Kent Davis, un homme dont l’obsession pour les personnages coloniaux tels que George Grosslier et les richesses de l’art angkorien reflète celle de Montague.
« L’ouvrage était si vivant et si obscur que nous nous sommes convaincus d’en rééditer une édition améliorée », explique Kent Davis à propos du livre.
« À l’origine, 440 exemplaires ont été imprimés, ce qui est en fait un tirage assez important pour un livre en couleur aussi coûteux. Joël et les collectionneurs experts soupçonnent que Joyeux en a partagé un grand nombre avec des amis qu’il avait connus lors de son service colonial.», explique-t-il.
La graphiste américaine Rebecca Klein a retouché les images de style Art déco de Joyeux - du Tonkin, de l’Annam, de la Cochinchine (qui font partie du Viêt Nam), du Cambodge et du Laos - et les sonnets lyriques de Rey ont été remis en page, de même que l’avant-propos original du livre, rédigé par Albert Sarraut, fondateur du Musée national du Cambodge.
C’est encore Sarraut qui est le mieux à même de décrire l’objectif de ce livre, dans son introduction originale : « Quiconque a bu l’eau du Mékong ou du Fleuve Rouge aimera ce livre et nourrira sa nostalgie de l’Indochine. »
Sources : DatASIA - The Post - Amazon
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