Elles se nomment Sarou, Chinda, Sreymao ou Kunthea, et exercent le métier de tisserandes au sein de l’entreprise sociale Soieries du Mékong. Leurs portraits, réalisés par le photographe Régis Binard permettent de découvrir qui fabrique ces précieux foulards de soie dont le succès dépasse les frontières du royaume.
La frontière thaïe, toute proche, attire inexorablement les départs, promesses lointaines de réussite vers un ailleurs souvent synonyme de désenchantement
Elles sont 18 à fixer l’objectif, souriant pour la plupart, fières pour les autres, immortalisées dans des portraits d’une rare intensité. Toutes sont issues du village de Banteay Chhmar , situé au nord-ouest du pays. Toutes ont dû affronter des situations de pauvreté ou d’exclusion. Bien connu pour son incroyable temple bâti à la fin du XIIe siècle, le site n’en reste pas moins à l’écart des circuits touristiques, bien trop isolé pour attirer les visiteurs.
Privé des précieuses retombées financières liées au tourisme, Banteay Chhmar se situe dans l’une des régions rurales les plus pauvres du Cambodge. La frontière thaïe, toute proche, attire inexorablement les départs, promesses lointaines de réussites vers un ailleurs souvent synonyme de désenchantement. D’autres ont, des années durant, travaillé dans les champs alentour, tributaires des saisons et des aléas du climat. Ancien bastion des Khmers rouges, la zone est longtemps restée privée de tout développement, manquant d’infrastructures, d'eau courante et d'électricité.
Métier à domicile
Depuis 2001, les ateliers de Soieries du Mékong permettent aux femmes d’exercer dans de bonnes conditions un emploi stable et rémunérateur. Derrière leur métier à tisser, le va-et-vient des navettes fournit la trame de ces foulards imaginés en France et tissés au Cambodge. Le savoir-faire ancestral du royaume se combine ainsi aux influences françaises.
50 femmes, de toutes générations, travaillent actuellement pour Soieries du Mékong
Chaque pièce nécessite entre 8 et 12 heures de travail, la plupart du temps effectuées à domicile. Après une année de formation, les nouvelles recrues se voient confier leur propre métier à tisser. Muth, employée par les Soieries depuis 2005, en a profité pour entraîner sa sœur au travail complexe et minutieux de la soie.
Sreymao, quant à elle, peut veiller sur sa famille, tandis que Sreytol reçoit visites et conseils des anciens du village. 50 femmes, de toutes générations, travaillent actuellement pour Soieries du Mékong, soutenues par les produits de leurs ventes, mais aussi par l'ONG Enfants du Mékong.
18 modèles, 18 histoires
A travers ces portraits, les histoires individuelles entrent en résonance avec l’histoire du pays, ses drames, ses blessures, mais aussi ses talents et sa formidable capacité de résilience. Pour saisir l'essence de la personnalité de ces soyeuses, le photographe Régis Binard s’est imprégné de l’atmosphère du village, tout en multipliant les échanges avec ses modèles. Un processus primordial pour cet artiste installé au Cambodge depuis 2013, et qui collabore avec l’entreprise sociale depuis 2015 :
« Leurs missions correspondent parfaitement à ma vision : soutenir les communautés locales en formant les femmes et en perpétuant un savoir-faire ancestral, auquel je suis profondément attaché ». Cette confiance et cette complicité mises en images ont été exposées en février 2020 au Sofitel Phokeethra de Siem Reap. Les productions des tisserandes, ainsi que tous les articles de la marque, se trouvent dans la boutique de Kandal Village, en plein cœur de Siem Reap.
Très beau reportage. Bravo à ces femmes qui travaillent avec tout leurs talents pour valoriser les métiers de la soie.