Leakhena Gauquelin des Pallières est une des premières anciennes bénéficiaires de PSE à accéder à la position de directrice générale de l’ONG Pour un Sourire d’Enfant. Dans un entretien exclusif, elle raconte ses débuts au sein de l’association et comment elle a grimpé les échelons.
CM : Pouvez-vous nous rappeler qui est Leakhena en quelques mots ?
Mon nom est Leakhena et j’ai 34 ans. Je suis fille unique, née à Kandal, mais ai grandi à Phnom Penh. Suite au divorce de mes parents, ma mère et moi avons rejoint une tante qui habitait à Steung Meanchey. C’est à partir de notre installation dans la capitale que remontent mes premiers souvenirs.
J’allais à l’école, mais de manière assez irrégulière, car il fallait travailler pour ramener de quoi se nourrir.
« Ma tante était vendeuse de glace, nous l’aidions en fouillant les ordures, mais cela ne suffisait pas toujours et nous avons connu des jours sans avoir de quoi manger »
Cette tante devait déjà s’occuper de ses quatre enfants, et comme elle habitait tout près de la grande décharge de Steung Meanchey, nous nous sommes mis à fouiller, trier et revendre des déchets.
CM : Jusqu’à quel âge avez-vous fait cela ?
Huit ou neuf ans, jusqu’à ce que je devienne pensionnaire de « Pour un Sourire d’Enfant ». J’ai rencontré les fondateurs de PSE sur la décharge, et ils ont accepté de me prendre en charge lorsqu’ils ont constaté la situation difficile qui était la mienne.
Dans un premier temps, j’ai pu assister aux cours de l’école, mais je devais rentrer chez moi le soir et ce n’était pas toujours facile. Très vite, des cousins et des cousines m’ont rejoint dans l’établissement. Cela a permis de soulager la famille et nous a tous fait beaucoup de bien. Nous pouvions enfin avoir deux repas par jour, ce qui était loin d’être le cas avant PSE.
Quant à l’accès à l’école, c’est une chance que nous n’avions pas osé imaginer ! Ce n’est que dans des circonstances bien particulières que j’ai ensuite pu bénéficier de leur hébergement.
CM : Dans quelles circonstances ?
Un matin, ma mère m’a accompagnée devant les locaux de PSE et m’a clairement annoncé que ce serait là-bas que je devrais désormais vivre en permanence.
J’étais bien sûr complètement perdue et ne comprenais pas vraiment ce qui était en train de m’arriver. Personne n’était au courant non plus à PSE, mais devant le fait accompli, Papy et Mamie n’ont pas hésité à m’accueillir [NDLR : les fondateurs de PSE, Christian et Marie-France des Pallières, étaient surnommés ainsi par les enfants qu’ils prenaient en charge].
Cela m’a permis de poursuivre ma scolarité jusqu’au Bac. Je voulais devenir assistante sociale, mais c’est un cursus universitaire qui n’existait pas encore à l’époque.
« J’ai tout de même pu apprendre le métier sur le terrain en suivant, dans un premier temps, Papy et les équipes sociales de PSE »
Cela m’a permis d’acquérir les rudiments du métier, puis de l’exercer pleinement en effectuant toute une série de stages tant au Cambodge qu’en France. Certains de ces stages, qui se déroulaient à Paris, permettaient d’échanger nos compétences entre des personnes venues de tous les continents. J’ai aussi eu l’occasion de travailler avec un organisme américain installé au Cambodge. Comme j’avais déjà beaucoup d’expérience pratique, les compétences ont été validées sans que j’aie à suivre de trop longues formations. Donc, à 20 ans, j’ai pu commencer à vraiment travailler comme assistante sociale et habiter à l’extérieur de PSE.
CM : En quoi consiste le métier d’assistante sociale à PSE ? Quelles étaient vos missions ?
Participer au recrutement des familles, tenter de régler les problèmes auxquels sont confrontés les enfants, les écouter, évaluer leur situation, et ce que l’on appelle « ouvrir » ou « fermer » un cas, c’est-à-dire constituer un dossier et le clore.
CM : Ce doit être un métier difficile...
Non, ce n’est pas un métier difficile, car c’est un métier que j’aime. Il est vrai que parfois la situation de nos enfants semble être insurmontable, mais avec le temps, PSE a pu mettre en place une solution adaptée pour quasi toutes les particularités).
Et sortir les enfants de la misère, pouvoir leur donner ce qu’on a pu me donner par le passé, tout cela est extrêmement motivant. C’est un métier que j’ai exercé durant 3 ou 4 ans, avant que l’on me confie la responsabilité des familles d’accueil. Mais cela fait aussi partie, quelque part, du métier d’assistante sociale. Après un an et demi passé sur cette tâche, je suis ensuite devenue responsable d’une demi-douzaine de personnes, avant de prendre la direction de l’équipe sociale.
CM : Vous traitiez beaucoup de cas chaque année ?
C’est assez difficilement mesurable, mais il y a à peu près 5 000 cas par an, avec des problématiques parfois très différentes. Être moi-même issue du même milieu que les enfants auxquels nous apportons notre soutien aide beaucoup, dans les deux sens : pour mieux comprendre leur situation, d’une part, mais aussi pour leur montrer que si j’ai réussi à m’en sortir, eux aussi le peuvent.
CM : Comment se sont passés vos débuts ?
Ils ont été durs ! Lorsque j’ai commencé à travailler, je n’étais qu’une jeune femme qui n’avait pas encore les clefs ni tous les diplômes en poche.
Grâce à l’aide de mon entourage, j’ai tout de même pu surmonter cette étape et grimper les échelons en devenant responsable de différents programmes au sein de PSE : hébergement, activités extra-scolaires, département médical…
CM : Lequel de ces services vous a le plus marqué ?
C’est l’hébergement qui m’a le plus plu, car on travaille 24 heures sur 24 et 7 jours sur 7 avec les jeunes. C’est passionnant.
CM : Combien y a-t-il de départements à PSE ?
Il y a de grands départements qui couvrent de plus petits services. Par exemple, le département Éducation englobe les services de la scolarisation, de la formation professionnelle, des écoles de langues, de la pédagogie…
On parle d’une structure de plus de 600 employés… comme dans toute organisation de cette taille, nous avons des départements supports (finances, RH, Administration, Achats, Communication,…) et, bien sûr, tout le volet social qui va aiguiller les enfants dans nos paillottes pour les plus petits, nos cours de rattrapage, l’école publique ou encore vers la formation professionnelle.
CM : Et vous avez travaillé au sein de tous les départements de l’association ?
Quasiment tous, oui, le dernier ayant été responsable du secteur Éducation. Dans un même temps, j’étais devenue directrice générale adjointe, et j’ai postulé lorsque le poste de directrice s’est ouvert.
CM : Et cela s’est bien passé pour vous ! Qu’est-ce qui vous a motivée pour postuler ?
Ce n’était absolument pas pour avoir le titre de directrice, le carriérisme ne m’a jamais préoccupée dans mon métier. C’était le fond du sujet qui m’intéressait vraiment, les enfants, les familles, les possibilités de les aider… Et puis, c’est un travail dans lequel on agit en équipe, et je suis bien entourée.
CM : Comment se déroule votre quotidien ?
Je passe justement beaucoup de temps avec les équipes, afin de comprendre en détail quelles sont leurs tâches et de mieux se connaître chacun. Ma prise de poste est assez récente, elle date de la mi-août, il faut donc que les choses se mettent en place.
« Le démarrage est rendu compliqué, aussi, à cause de la Covid, qui est encore un challenge supplémentaire »
Fermetures de classes, formations en ligne, détresse des enfants et des professeurs, familles qui ne pouvaient plus sortir de chez elles, mise en place de dispositifs d’aide d’urgence… Lorsque l’on connaît les difficultés que cela peut causer dans les familles en général, il faut s’imaginer les dégâts parmi les plus vulnérables…
CM : Comment voyez-vous le futur de votre carrière ?
Je vais tout faire pour améliorer la qualité de l’éducation, prendre soin des élèves, être à l’écoute des besoins du pays et pour pouvoir ajuster sur les programmes en fonction de ces besoins… Je vais aussi rendre plus fréquentes les rencontres entre les enfants et notre personnel, car il est important de pouvoir mettre un visage sur un nom.
CM : Et en dehors du travail, quelles sont vos activités ?
M’occuper de mes trois enfants, plus d’une nièce, demande beaucoup de travail ! J’essaie de passer le plus de temps possible avec eux.
Bonjour, je suis en train de lire le li re "pour un sourire d'enfant", très dur! Je suis très émotif et beaucoup de souvenirs me remontent en mémoire car en 2013 j'ai fait le tour du Cambodge en vélo et je revois à Phnom penh, ces enfants qui dormaient sur des big bags poubelles, quel choc en plus de la visite du Lycée 21! J'ai pleuré au lycée 21. C'est formidable ce qu'ont fait Marie-France et Christian. Bravo. J'irai peut-être la voir à Lyon le 5 avril. Bonne continuation et encore bravo. André
Bravo pour votre implication