Le Tonlé Sap est particulièrement précieux pour les écosystèmes et la richesse de la biodiversité, qui assure la subsistance de millions de personnes. Les habitants du village de Bek Chan, de la commune d’Ampil Teuk, de la province de Kampong Chhnang, en profitent depuis plusieurs générations pour leurs activités artisanales.
Pendant la mousson, ils pêchent dans la rivière. Durant la saison sèche, ils cultivent le riz et plantent des lotus et autres végétaux. Ils cultivent également le flatsedge, qui sert à tisser des nattes appelées « nattes rouges » en khmer. Il s’agit d’un artisanat traditionnel que certains anciens du village s’efforcent de maintenir, tandis que la jeune génération se montre moins intéressée par la poursuite du tissage.
Le Cyperus imbricatus pousse dans les zones humides tropicales. Au Cambodge, il pousse sur les lacs qui reçoivent les eaux du Tonlé Sap, de ses affluents et du Mékong. Mais aujourd’hui, le carex qui pousse sur les lacs naturels ne peut plus répondre à la demande. Ceux qui tissent des nattes pour la vente doivent les cultiver et les récolter comme du riz, un processus qui implique de récolter les graines, de les semer, de les repiquer et de récolter la plante cultivée.
Chea Horn, une sexagénaire tenant une machette à la main, explique que « la culture de cette plante n’est pas très différente de celle du riz. Elle a besoin de la même eau et des mêmes engrais que le riz. Sinon, elle ne poussera pas bien ».
La plante doit atteindre une longueur de 1,2 à 1,6 mètre pour s’adapter à la taille du tapis. Pour répondre à la demande du marché, il existe deux types de nattes : les nattes longues et les nattes de couchage. Les nattes longues ont une largeur de 0,9 mètre et une longueur de 5. Elles sont couramment utilisés dans les monastères et se vendent environ 150 000 riels (37,5 dollars).
Les nattes mesurent de 1,2 à 1,4 mètre de large et 2 de long et coûtent de 5 à 60 000 riels (12,5 à 15 dollars).
Assise sur un lit avec deux petits-enfants à ses côtés, Nun Chun, 63 ans, explique : « Le tissage d’une natte ne prend pas beaucoup de temps. Je peux en tisser une de 2 mètres de long par jour. Mais ce qui prend du temps, ce sont les périodes nécessaires pour se débarrasser des fibres teintes. Seules les personnes âgées comme nous continuent à tisser après avoir délaissé l’agriculture. Les jeunes ne le font pas ».
En effet, l’obtention d’un produit final demande beaucoup de temps et d’efforts. De la plantation à la récolte, il faut compter 2 à 3 mois. Après la récolte, le tisserand doit s’asseoir et couper les tiges une à une à l’aide d’un couteau pour obtenir des fibres, qui sont ensuite séchées pendant 10 à 15 jours avant d’être teintes. Après le processus de teinture, les fibres sont à nouveau séchées au soleil avant d’être tissées.
Une fois le produit fini, un autre challenge : le vendre à un prix compétitif par rapport aux nattes en plastique, qui sont des produits similaires. « J’ai rencontré des acheteurs qui m’ont dit que mes produits étaient trop chers et qu’ils préféraient utiliser des nattes en plastique bon marché », explique Chea Horn. Cette situation a plongé les tisseurs de nattes du village dans un profond désarroi. Certains ont abandonné la pratique, tandis que d’autres sont pourtant déterminés à perpétuer cette tradition ancestrale.
Article et photos : Chhut Chheana/Merveilles du Mékong
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