À l'occasion de la Journée Internationale des Femmes de cette année, Cambodge Mag ouvre ses archives et remet à la une quelques-uns des nombreux portraits, interviews et photos de celles qui nous ont aidé à rendre le magazine vivant et attrayant au fil des années.
Positive, souriante et pleine d’énergie, la Cambodgienne Kounila Keo est l’auteure de l’un des premiers blogs du royaume : www.blueladyblog.com, lancé dès 2007. Aujourd’hui, à seulement trente ans, elle reste l’une des personnalités marquantes du monde digital dans le royaume. Forte de son succès, Kounila Keo a décidé de monter sa propre agence de communication à Phnom Penh, une entreprise spécialisée dans les solutions marketing globales. Rencontre avec une jeune femme passionnée…
CM : Parlez-nous un peu de vous …
Je suis née à côté de Takhmao, pas loin de Phnom Penh, le 8 mars 1988, c’était la Journée Internationale de la Femme, fameux hasard (rires)… Je suis ce qu’on appelle en cambodgien une « cheung kleng », ce qui signifie femme aux jambes longues – celle qui veut partir tôt du cocon familial et aller explorer le monde.
CM : Quelle est votre formation ?
J’étais en communication et journalisme à l’Université Royale de Phnom Penh entre 2006 et 2010. Ensuite, j’ai accepté des projets en freelance, me permettant de voyager dans divers continents ; j’ai rédigé du contenu pour l’Agence France-Presse, le Phnom Penh Post, le LA Times, Southeast Globe Magazine, the Independent UK… En 2014, j’ai obtenu une bourse d’études pour un programme de deux ans (master) sur la politique publique à Singapour.
CM : A propos de votre parcours professionnel ?
En 2011, j’ai eu un appel de TEDs Talk me demandant d’être volontaire pour leur émission. Bien sûr, j’ai trouvé ça assez intéressant jusqu’à ce qu’on me demande de parler devant un public. J’étais assez surprise et plutôt réservée. Mais j’ai tout de même décidé de faire ma présentation sur « le blog comme un outil révolutionnaire pour s’exprimer » (https://www.youtube.com/watch?v=oNpwPrb_5Z0). On m’a alors remarquée et j’ai été rapidement engagée chez BBC Media Action en tant que responsable du marketing digital. J’ai ensuite écrit pour le Tribunal des Khmers Rouges, rejoint RiverOrchid Notch en marketing digital, une des premières agences de communication du Cambodge…La liste est longue, et je suis aujourd’hui la directrice générale de Redhill.Asia en Asie du Sud-Est, une agence de communication 360o qui apporte des conseils stratégiques sur les marques, les relations publiques, le digital dans différents domaines.
CM : C’est un beau début de carrière, avez-vous eu des difficultés ?
Bien évidemment ! Tellement de difficultés que je ne pourrais toutes les citer. Ma famille n’était pas très aisée et nous n’avions pas les moyens de voyager ni d’avoir de loisirs. Je travaillais à côté comme professeur d’anglais à domicile, je finissais parfois vers 22h, mes parents étaient très inquiets. Mais je pouvais ramener quelques dollars supplémentaires chaque mois pour notre foyer. J’aimais lire, dès que j’avais un ou deux dollars de côté, je les dépensais en achetant des livres anglais ou khmers, une chose que ma famille ne comprenait pas. Aujourd’hui, j’ai même ma petite bibliothèque à la maison. Avec les livres, je voulais juste apprendre de nouvelles choses. J’y trouvais mon bonheur, j’avais le droit de rêver, de laisser libre cours à mon imagination.
CM : Quel était votre rêve ?
Je voulais être professeur, je voulais partager mon savoir et ce que j’avais appris dans les livres – je l’ai fait d’ailleurs en ‘’job étudiant’’, mais je n’aurais jamais pensé devenir une femme d’affaires…
CM : Parlons un peu de votre blog www.blueladyblog.com , Quelle était l’ambition ?
Je voulais dire « stop », j’aimais lire et écrire librement. Je voulais m’exprimer et comprendre les opinions des gens sur des sujets de société, de politique, et de culture… Le blog est très personnel, c’est ma propre vision de la société cambodgienne que je décris, cette vision que je partageais avec mes amis et mes lecteurs du monde entier. Ensuite, des médias m’ont soutenu, puis des entreprises ont commencé à m’inviter à des conférences. Mon blog était bien évidemment un bonus mais les personnes que j’ai rencontrées m’ont remarquée pour mes compétences en communication et ma personnalité.
CM : Vous êtes en quelque sorte une icône de la jeunesse cambodgienne ?
Une icône, n’exagérons pas… (rires) Lorsqu’on voyage et qu’on rencontre des gens du monde entier, on se rend compte qu’on est qu’une petite poussière parmi tant d’autres et qu’il faut travailler plus, se cultiver davantage et apprendre encore plus pour réellement progresser.
CM : D’ailleurs, quelle était la perception du Cambodge à l’étranger ?
A l’époque, l’image de notre pays auprès du monde extérieur était assez dévalorisante. La confiance était difficile à gagner. Déclarer qu’on vient du Cambodge suscitait quelques réticences, et construire une relation durable n’était pas toujours évident. Ce fut gros challenge à surmonter mais je me suis dit qu’il ne fallait pas baisser les bras.
CM : Vous vouliez donc représenter le Cambodge ?
Je voulais faire du Cambodge un hub pour le monde. Les gens voient le Cambodge comme un exécutant alors que les décisions stratégiques sont prises en Europe, aux Etats-Unis, ou par d’autres pays développés. Avec Redhill.Asia, nous voulions prouver le contraire… et aujourd’hui de nombreuses entreprises mondiales nous soutiennent. Par ailleurs, je crois avoir bien représenté le Cambodge en faisant partie des trente personnes listées dans Forbes dans la catégorie publicité, marketing et média en 2015. Ce fut une surprise mais surtout, une grande fierté.
Quel est le secret de la réussite ?
Pas de secret. En fait, il faut être heureux avec ce qu’on a et il faut apprendre en permanence. Je me suis toujours dit que j’avais de la chance – je me levais tous les matins et je me disais : « tu as de la chance Kounila, continue ». Être positif, c’est aussi terminer sa journée avec un meilleur « feeling » tandis que si nous nous comparons toujours avec d’autres, nous ne progressons pas.
Un petit mot pour finir ?
“Start small, expect less and deliver more”, ce qui veut dire ‘’Commencez petit avec des attentes modestes et obtenez de beaux résultats’’.
Interviews et photographies : Céline Troeung
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