Sébastien Ung, représentant d’ADD (Asia Data Destruction), vit au Cambodge depuis vingt ans à présent. Spécialisé aujourd’hui dans la préservation des données informatiques, Sébastien livre son parcours et son sentiment sur sa vie professionnelle dans le Royaume.
Sébastien en quelques mots
Très bien, alors je suis Sébastien, je suis franco-cambodgien, de père Cambodgien et de mère française. J’ai 44 ans, j’ai une formation de commercial et je suis arrivé au Cambodge il y a pas mal d’années.
Dans quelles conditions êtes-vous arrivé au Cambodge ?
Au départ, c’était pour découvrir mon deuxième pays et pour effectuer des recherches avec mon père sur des membres de la famille que nous aurions pu retrouver après la guerre. Et de fil en aiguille, en fait, j’ai commencé à découvrir le pays, j’ai eu une opportunité de travail et depuis, je n’ai plus voulu revenir en France.
Vos premières impressions ?
En fait, j’ai toujours aimé la culture asiatique. Je suis un fan d’arts martiaux, donc je m’y suis toujours intéressé, mais plutôt à la Chine. Le Cambodge, beaucoup moins, je ne connaissais pas du tout. Malheureusement, mon père ne nous a enseigné ni la langue ni la culture cambodgienne, tout simplement parce qu’il a perdu toute sa famille à l’époque des Khmers rouges.
Donc, il a vraiment voulu couper les ponts à ce moment-là, ce qui est tout à fait compréhensible. Et donc, en fait, avec cette opportunité de venir au Cambodge, j’étais super content, car je ne connaissais rien.
Je suis arrivé à l’aéroport de Phnom Penh, je suis descendu de l’avion et là, je me suis retrouvé dans un nouveau monde en fait. Quelque chose de complètement différent.
Quelle a été votre première activité professionnelle au Cambodge ?
J’ai travaillé dans l’hôtellerie. J’ai une formation de commercial, mais en fait, j’ai maintenant 20 ans d’hôtellerie derrière moi. J’ai travaillé dans plusieurs établissements au Cambodge. J’ai dirigé pendant dix ans le Pavillon d’orient et, après cela, j’ai voulu découvrir autre chose.
Il y a aussi le Covid qui est arrivé… J’ai eu l'opportunité de travailler dans le reconditionnement de batteries industrielles. Bien évidemment, ça n’a pas été facile puisqu’on importait une nouvelle technologie à l’époque.
« Mais, je pense que c’est quelque chose qui m’a vraiment motivé, découvrir un autre métier, un secteur différent et surtout pouvoir contribuer à la préservation de l’environnement et de la santé publique au Cambodge. »
J’ai donc travaillé dans cette entreprise pendant quatre ans. Et ensuite, j’ai eu l'opportunité de travailler avec une organisation française sur des projets de développement durable.
Et en parallèle, j’ai eu cette occasion de rejoindre ADD, Asia Data Destruction, qui aide les entreprises à gérer leur matériel et équipement informatique, à protéger leurs données en les détruisant et en reconditionnant le matériel qu’elles n’utilisent plus pour le revendre sur le marché secondaire ou dans des industries ou entreprises dans le besoin qui n’ont pas trop les moyens, comme des ONG, des écoles, etc. Donc, le but de notre entreprise est d’encourager les entreprises à une économie circulaire. Notre vision est ce qu’on appelle les trois R en français, Réduction, Réutilisation et Recyclage.
Comment procédez-vous ?
Nous ne proposons pas de la récupération de données, mais de la destruction de données, ce qui n’est pas la même chose. Quand les entreprises ont du matériel informatique, comme des ordinateurs portables ou de bureau, des serveurs ou même des imprimantes, nous leur proposons un service de destruction de données lorsque leurs appareils sont en fin de vie ou lorsqu’ils doivent mettre leur système à jour. Les entreprises ont aujourd'hui l’obligation légale d’avoir des solutions de destruction. Nous apportons ce service-là de destruction de données afin que le piratage ne soit plus possible.
Quelle technique utilisez-vous ?
Pour quelqu’un de lambda qui ne s’y connaît pas trop en informatique, il va penser que le formatage est suffisant et qu’il n’y a aucun danger de piratage. Malheureusement, il existe aujourd’hui des logiciels qui permettent justement de récupérer les données qui ont été effacées et qui sont encore écrites sur le disque dur.
Donc, nous, nous proposions un système de recyclage qui s’appelle « Par Logiciel », un logiciel qui réécrit des données sur le disque dur. Donc, c’est comme si vous aviez marqué A, B, C, D sur votre disque dur et notre logiciel va inscrire des chiffres 1, 0, 0, 0 au hasard, et ce pendant plusieurs phases.
Cela rend la lecture des données originales impossibles à récupérer.
Est-ce une activité qui fonctionne bien ?
Cela marche très bien avec les entreprises qui connaissent les lois et les règles sur la protection des données. Les compagnies internationales, généralement, savent qu’il faut protéger les données de leurs clients et lorsqu’ils se débarrassent de leur équipement, ne pas laisser ou même juste formater leur disque dur parce qu’on ne sait jamais où celui-ci va finir.
Ensuite, au Cambodge, il y a un système informel qui est quand même très développé et lui, ne protège rien du tout. Donc, c’est là-dessus qu’en fait, nous tentons de communiquer et d’informer.
Nous nous inspirons d’une méthode très personnelle qui s’appelle IPEC. Nous informons, proposons, encourageons et contribuons. Nous nous renseignons sur les méthodes d’aujourd’hui, sur les lois existantes ou qui vont être mises en place très bientôt. Nous informons ensuite nos clients et leur proposons des solutions adaptées à leurs besoins.
« Donc, c’est important de sensibiliser non seulement sur la protection de leur clientèle, mais aussi celle de l’environnement et de la santé publique sur la façon de recycler leur équipement électronique. »
Enfin, lorsque les clients sont convaincus et que nous pouvons travailler ensemble, nous contribuons à un meilleur environnement, à une meilleure protection des droits et la privatisation des données et bien sûr à la santé publique.
Notre logiciel permet d’éviter de recycler le disque dur. Les entreprises qui nous sollicitent peuvent ensuite récupérer leur disque dur et le réutiliser. Après, vous avez des entreprises qui n’ont pas envie que ce soit réutilisé, donc ils nous demandent de procéder à la destruction physique du disque dur.
Pour le moment, nous utilisons une méthode consistant à les percer. Après, pour les clients qui n’ont pas confiance à 100 % en une méthode de perçage, nous proposons une destruction au logiciel et ensuite à la perceuse. Je pense que c’est très important aujourd’hui de faire attention à ces données, puisque tout le monde confie ces données à n’importe quelle entreprise.
Lorsque vous ouvrez un compte en banque, vous donnez des informations privées. Lorsque vous ouvrez un compte Facebook, c’est pareil. Lorsque vous payez avec votre téléphone portable, bien évidemment vous communiquez des données.
Beaucoup de gens pensent que tout va bien, qu’il n’y a aucun problème, mais lorsque vous êtes piraté ou que quelqu’un utilise votre identité, c’est là où vous vous rendez compte que c’est très important de faire attention à notre utilisation des logiciels et des applications.. Ensuite, je pense que c’est important aujourd’hui de consommer différemment, de ne pas acheter un téléphone portable tous les ans, parce que c’est « tendance ».
« Consommer en étant responsable, c’est quelque chose qui est très important. Parce que vous avez des composants qui sont très toxiques, dangereux pour la santé et l’environnement. »
Donc c’est une prise de conscience, ce serait bien que les gens se rendent compte que maintenant la planète souffre énormément et que c’est à nous d’être plus responsables pour aider à la préserver.
Vos activités en dehors du travail ?
Alors, un peu de sport. J’aime bien les arts martiaux, le football, etc. Donc je fais un petit peu de gym, etc. Je m’occupe de ma petite famille. Et puis j’aime bien de temps en temps aller dans un bon restaurant avec des copains, regarder des matchs de foot ou de rugby.
Ce que vous aimez le plus et le moins au Cambodge ?
Le plus sympa est ce sentiment de liberté, d’être responsabilisé. Moi, si je suis parti de la France, c’est parce que je n’avais pas forcément envie d’être assisté ou formaté. J’ai une philosophie qui est de se responsabiliser, c’est à nous de faire les choses par nous-mêmes. Je pense que c’est positif, mais il y a un côté négatif, car ce n’est pas facile tous les jours. Il n’y a personne qui est là pour vous aider. Le système cambodgien fait qu’on vous laisse beaucoup de liberté et c’est à vous de vous débrouiller.
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