L’école de français Saèk Thmey s'apprête à célébrer le 31 décembre sa kermesse annuelle. L'événement, en plus de constituer une belle fête pour les enfants, sera l’occasion pour cette ONG de communiquer sur son action tout en récoltant des fonds. Pierre Hourst, cofondateur et directeur de l’école, nous en explique le fonctionnement.
« L’année dernière, tous nos élèves, soit 330 enfants, se sont réunis pour passer une journée qui restera, je l’espère, gravée dans leur mémoire. Cette année, cette grande kermesse sera ouverte au public et devrait attirer un grand nombre de visiteurs. Élèves, parents d’élèves, voisins, habitants francophones et anglophones et même touristes ont prévu de se joindre à nous pour profiter de cette belle journée » confie Pierre Hourst. Krama autour du cou, l’ancien médecin se tient assis sous le préau et caresse Chaussettes, le chat-mascotte de l’école.
Fier d’avoir pu acquérir ce bâtiment qui offre aux élèves un cadre idéal pour leur apprentissage du français, le docteur raconte ce qui l’a mené à se lancer dans cette grande aventure, la parole parfois entrecoupée par la classe qui se déroule à quelques mètres de là.
Donner leur chance à tous les enfants
« L’école a ouvert ses portes en 2014, mais cela faisait déjà longtemps que l’idée mûrissait. Avec un ami Suisse francophone, nous voulions donner aux enfants en difficulté, issus de milieu défavorisé, un avenir professionnel et le français est à même d’offrir de belles opportunités de carrières. Nous avons au début centré notre enseignement sur les métiers du tourisme, qui sont de gros pourvoyeurs d’emplois. Il y avait par exemple, en 2014, un manque de guides, de chauffeurs de tuk-tuk, de réceptionnistes ou de serveurs francophones. C’est donc, après ce constat, que nous nous sommes dans un premier temps focalisé sur ces métiers très demandés. Mais au fur et à mesure, nous nous sommes rendu compte que pratiquer le français au Cambodge permettait aussi de travailler dans des domaines variés tels que l’enseignement, les métiers touchant à la médecine, l’architecture, les professions artistiques et culturelles, l’archéologie et tellement d’autres encore » souligne Pierre Hourst en se levant pour faire visiter les locaux.
Bénévolat et bonnes volontés
Les trois salles de classe, chacune occupée par une vingtaine d'élèves, résonnent des déclamations et déclinaisons égrenées par les enfants. Internes et externes suivent les cours dispensés par des professeurs venus partager leur temps et leurs connaissances. « Il y a en permanence deux enseignants bénévoles logés sur place. Enseignants retraités, stagiaires en maîtrise de FLE, jeunes instituteurs en année sabbatique ou professeurs sacrifiant leurs mois de vacances pour venir offrir aux enfants pauvres l'apprentissage du français. L’utilisation d’ouvrages de référence permet de garantir la continuité des leçons même lorsque les professeurs changent. Les cours assurés, quant à eux, vont du niveau A0 au B1 avec, comme nous l’avons déjà précisé, une orientation pratique vers le vocabulaire du tourisme. »
Internes et externes
Les jeunes étudiants qui assistent aux cours viennent le plus souvent du voisinage de l’école, qui se situe à quelques encablures d’Angkor Vat. Destinée principalement aux enfants pauvres, l’école leur dispense ses leçons en échange de 5 dollars par mois.
« Cela ne finance pas le fonctionnement de l’ONG, qui compte pour cela uniquement sur les dons, précise son directeur. Mais cela permet, comme nous nous en sommes aperçu, de fidéliser les élèves. »
« Lorsque tous les cours étaient gratuits, l’assiduité était loin d’être pratiquée tandis qu’une participation, aussi minime soit-elle, amène l’élève à revenir avec beaucoup plus de régularité. Celles et ceux qui sont en situation de grande pauvreté ou qui viennent des provinces alentour logent sur place, dans les dortoirs. « Les internes sont pris en charge à 100%. Nourriture, fournitures scolaires, vêtements… Nous ne leur demandons en échange qu’une participation au ménage, ce dont ils s’acquittent sans rechigner. L’ambiance au sein de l’établissement est excellente et il ne s’agit d’ailleurs pas que d’une école de langue, mais aussi d’une école de vie », décrit l’ancien médecin, pour qui le Cambodge est un royaume familier depuis de nombreuses années.
Reconnaissance internationale
Venu une première fois en 1991 avec des amis de Médecins sans Frontières, Pierre Hourst a été le témoin de ces années troubles où le pays peinait à émerger de deux décennies de guerre civile. Confronté à la détresse d’un petit garçon qu’il adopte, le docteur n’aura de cesse de revenir au Cambodge, jusqu’à trois fois par an, et songe à s’y installer une fois parvenu à la retraite. Ce qui sera chose faite en 2018 ».
« Je voulais faire quelque chose en faveur de ce pays et de ses enfants, et une école me semblait un bon moyen d’y parvenir. »
« Dès le début nous avons tenu, avec le cofondateur, à exercer en tant qu’ONG, dans le sens le plus noble qui soit. Le dévouement des enseignants bénévoles ainsi que la générosité des donateurs nous permettent de maintenir cette structure, qui nécessite néanmoins des dépenses de fonctionnement assez conséquentes. Pour vous donner un ordre d’idée, nous servons entre 120 et 140 repas par jour, ce qui ne nécessite pas moins de 500 kilos de riz par mois !
Nos associations, l’une de droit cambodgien, les autres basées en France et en Suisse, nous permettent de continuer à proposer notre enseignement. La récente sélection du docteur Hourst pour la finale du trophée ASEAN 2022 dans la catégorie “Social et humanitaire” ainsi que les visites de nombreuses personnalités officielles nous ont confortés dans le bien-fondé de notre action. »
Un avenir assuré
Comme les autres écoles du royaume, Saèk Thmey a dû relever le lourd défi du Covid. « Cela a été certes compliqué à gérer, mais je pense que nous nous en sommes plutôt bien sortis, résume le directeur. Il n’y a eu aucune interruption de cours pour les internes, puisqu'élèves, responsables et professeurs assistants logeaient au même endroit. Et les externes ont suivi avec assiduité les cours à distance que nous leur proposions. » Impactées financièrement par la pandémie, certaines familles n’ont néanmoins toujours pas pu rescolariser leurs enfants, faisant chuter l’effectif d’une cinquantaine d'élèves.
Mais Pierre Hourst n’en demeure pas moins optimiste, le français ne cessant d’offrir des débouchés, notamment depuis la relance du tourisme.
La kermesse de l’école se déroulera de 11h à 18h le samedi 31 décembre dans les locaux de l’établissement. L’entrée est libre, mais un don est possible sur place ou en ligne à l’adresse suivante :
Comments