Entre 1975 et 1979, au moins 250 000 femmes cambodgiennes ont été mariées de force. Sochan était l’une d’entre elles. À l’âge de 16 ans, elle a été poussée par les Khmers rouges à épouser un soldat qui l’avait auparavant violée.
Après 30 ans de silence, elle décida de porter plainte auprès du tribunal chargé de juger les crimes des dirigeants du régime génocidaire. Le documentaire produit par Rithy Panh, RED WEDDING (2012 - 58 min), suit le parcours de cette survivante qui tente de faire valoir son humanité face à une idéologie conçue pour anéantir toute individualité.
Depuis ce drame, Pen Sokchan vit dans la honte et la gêne et souffre d’insomnie. Lors de la première projection du documentaire co-réalisé par Lida Chan et Guillaume Suonen en 2012, certains spectateurs n’ont pu retenir leurs larmes. Son Thann, 58 ans, originaire de la province de Kandal assistait à cette première.
À travers la voix et les images
« J’ai beaucoup de mal à exprimer mon chagrin et à parler de mon expérience », déclarait-elle en pleurant après la projection. « Je me rappelle avoir été appelée dans les champs par des cadres khmers rouges pendant que je travaillais ; Je les ai juste suivis, craignant d’être emmenée pour être exécutée et, la suite ressemble au film, c’est aussi mon histoire », confiait-elle en tentant d’essuyer ses larmes. « Le documentaire brise le silence », déclarait la coréalisatrice Chan Lida.
« Dans le village, de Pen Sokchan, personne n’a jamais parlé du mariage forcé parce que c’est un sujet tabou, donc je pense que d’en parler influencera les autres victimes pour soulever cette question sans honte »
Les deux réalisateurs ont passé huit mois en 2010 à suivre la vie quotidienne de Pen Sokchan dans le village de Beoung Chouk de la province de Pursat. Sokchan a été forcée par les Khmers rouges à se marier lors d’une cérémonie collective et la survivante peut à peine se souvenir du visage de son mari. Pen Sokhan, aujourd’hui veuve n’avait jamais raconté son malheur à personne, y compris aux six enfants qu’elle a eus avec son deuxième mari qu’elle a épousé après la chute des Khmers rouges.
Elle a décidé de révéler son histoire à travers le documentaire RED WEDDING dans l’espoir de découvrir pourquoi les Khmers rouges l’ont forcée à épouser cet inconnu. Pour dénoncer, pour comprendre et peut-être dans l’espoir d’apaiser sa douleur.
Alors que le film était projeté la veille des premières audiences du tribunal des Khmers rouges, Chan Lida confiait :
« À travers le film, j’espère que le tribunal prendra en considération les violences sexuelles contre les femmes, y compris le mariage forcé, dans les procès des anciens dirigeants khmers rouges afin qu’ils disent la vérité aux victimes »
Dans une interview accordée à Blog documentaire, Guillaume Suonen expliquait :« Sochan a eu le courage de s’exprimer. C’est peut-être la première victime qui parle ouvertement de son histoire ; c’est-à-dire : du viol, du mariage forcé, de la vie sous un régime génocidaire pendant trois ans, huit mois et vingt jours »
« Au-delà des mariages forcés et des Khmers rouges, ce film est peut-être l’expression d’une humanité, l’histoire d’une femme qui s’achemine vers sa dignité. C’est l’histoire d’une femme qui cherche à devenir une mère comme les autres pour enfin envisager l’avenir sereinement. C’est une rencontre humaine. Nous n’avons pas filmé Sochan comme un personnage, mais comme une personne. À chaque fois, avant de filmer, on discutait avec elle sur ce que l’on voulait dire. Elle donnait son avis, elle était d’accord ou pas », ajoutait-il.
Témoignage, mariage et grossesse forcés
Une autre victime, Souk (pseudonyme) a été forcée d’épouser un soldat khmer rouge qu’elle n’avait jamais vu auparavant lors d’une cérémonie de masse qui dura moins de cinq minutes. Après cela, la Cambodgienne avait été invitée à entrer dans une pièce pour avoir des relations sexuelles avec lui ; quand elle a refusé, elle a été violée sous la menace d’une arme par un officier qui insistait pour qu’elle consomme son mariage :
« Il a dit que si je criais, alors je serais exécutée », avait-elle déclaré devant les magistrats du tribunal. Souk devait voir son mari tous les 10 ou 15 jours sous la surveillance de soldats qui voulaient s’assurer qu’ils avaient des relations conjugales.
« Après cet avertissement, après ce viol, j’ai dû me taire et accepter de vivre avec mon mari »
Souk a accouché fin 1978. Les Chambres extraordinaires des tribunaux cambodgiens (CETC), conjointement mis en place par le gouvernement cambodgien et les Nations Unies avaient concentré leur attention sur les mariages forcés et les viols durant le mariage. Mais Souk fut également victime de grossesse forcée, une atrocité qui ne fera pas l’objet d’enquêtes en tant que crime distinct et restera simplement liée aux mariages forcés.
Lorsque les Khmers rouges ont pris le pouvoir en 1975, ils ont complètement évacué les villes et aboli la pratique religieuse, la propriété privée, l’argent et le système judiciaire. Les familles ont été divisées par âge et par sexe et envoyées dans des camps où elles ont dû travailler de l’aube au crépuscule pour respecter les quotas de production démesurés. On estime qu’au moins 1,7 million de personnes sont mortes de faim, de maladie ou d’exécution lors de purges politiques. Les témoignages entendus jusqu’à présent par le tribunal et les organisations travaillant avec les survivants indiquaient que dans ce contexte, des centaines d’hommes et de femmes, qui ne s’étaient jamais vus auparavant, ont été forcés de se marier et de passer la nuit ensemble pour consommer leur mariage. À la suite de ces unions forcées, qui ont eu lieu dans pratiquement toutes les villes du pays, un nombre alarmant de ces unions forcées a abouti à des grossesses, mais le nombre exact reste inconnu.
Traumatismes et inconnues
« Non seulement il est impossible de les recenser, mais il n’y a aussi aucun moyen de mesurer le sentiment de douleur éprouvé par les femmes qui ont été maltraitées par les autorités. Cette question reste profondément enracinée dans la culture khmère et peu de femmes sont disposées à partager leur histoire personnelle, qui est toujours perçue par la société comme une honte », déclarait Youk Chhang, directeur du Centre de documentation du Cambodge (DC-Cam), qui a recueilli plus d’un million de témoignages relatifs au régime des Khmers rouges.
Le tribunal des CETC était pourtant le seul mécanisme juridique capable de juger les crimes commis par le régime communiste dans les années 1970, y compris les mariages et grossesses forcés. De nombreux dirigeants sont morts sans avoir pu être jugés et Pol Pot lui-même est décédé en 1998 sans être inquiété. Les procureurs et les avocats des parties civiles affirmaient que les mariages forcés avaient été conçus en partie pour garantir que la population passerait à 20 millions de personnes en une décennie pour développer la force de travail du régime et grossir les rangs révolutionnaires. De cette manière, ils pensaient également compenser les millions de morts ayant débuté en 1969 avec le bombardement américain du Cambodge dans le contexte de la guerre du Vietnam et de la guerre civile sanglante entre 1970 et 1975.
À l’époque, dans une déclaration affligeante d’ironie voir de cynisme, les avocats défendant les dirigeants Khmers rouges Nuon Chea et Khieu Samphan, qui ont été condamnés à perpétuité en 2014 après avoir été reconnus coupables de crimes contre l’humanité, soutenaient que le régime avait cherché à augmenter la population non pas par le mariage forcé, mais « en améliorant les conditions de vie »…
Souffrances et problèmes psychologiques
Une étude sur les victimes de mariages forcés indique que plus de la moitié de ces unions ont abouti à un ou plusieurs enfants, et des témoignages ont déjà été entendus quant aux graves répercussions sur la santé et le mental des femmes, un fardeau supplémentaire lourd à une époque de famine massive, de travail forcé et d’épidémie. Ce rapport publié par l’Association cambodgienne psychosociale transnationale en 2015, la seule organisation s’occupant de problèmes mentaux au Cambodge, indique que les victimes, les femmes en particulier, continuent de souffrir des violences subies pendant cette période. Certaines vivent avec les conséquences d’une grossesse forcée ou d’un avortement. D’autres souffrent de problèmes gynécologiques et physiques, tels que maux de tête, douleurs et incapacités. La plupart ont des troubles psychologiques permanents liés aux traumatismes.
L’étude rapporte que chacun de ces crimes nécessite une analyse différente et concomitante, mais les grossesses forcées semblaient avoir disparu de l’attention des parties civiles et des juges lors des procès des dirigeants. Selon les avocats des parties civiles du tribunal des Khmers rouges, « les grossesses forcées ont été complètement invisibles, caractérisant la fonction reproductrice des femmes comme une conséquence inévitable des mariages. » Aucune cour hybride comme celle des CETC ou internationale n’a poursuivi ce type de crime à ce jour.
Autopsie de mariage forcé
Le Centre de documentation du Cambodge fournit une description assez complète de l’abomination des mariages khmers rouges par rapport aux mariages traditionnels. Lors du régime de Pol Pot, la plupart des hommes et des femmes n’étaient pas autorisés à choisir leur partenaire. Seul l’Angkar (le parti ou l’organisation), qui prétendait être le parent de tout le monde, était habilité à désigner de futurs conjoints. Souvent, les couples étaient de parfaits inconnus, contraints de s’engager l’un envers l’autre lors d’un mariage de masse célébré par des cadres de l’État khmer rouge. Les membres de la famille n’étaient pas été autorisés à assister au mariage et évidemment pas consultés au préalable.
Les vêtements traditionnels, la danse, le chant et les cérémonies religieuses étaient interdits. Les couples devaient se marier vêtus du costume khmer rouge : uniforme noir, krama à petits carreaux rouges et blancs et sandales de caoutchouc provenant de pneus. Dans le cadre de la cérémonie de mariage, qui durait à peine plus de cinq minutes, les maris et les épouses désignés devaient publiquement promettre d’avoir un enfant dans un délai d’un an. Les mariés devaient rester ensemble quelques jours après le mariage, souvent surveillés par des espions, ou chhlob, chargés de s’assurer qu’ils consommaient le mariage. Ensuite, les deux époux devaient retourner aux travaux forcés dans leurs groupes respectifs. Ils étaient autorisés ensuite à se retrouver pour des visites conjugales tous les sept à dix jours. L’objectif principal de ces mariages n’était pas de former des familles dans le sens traditionnel traditionnel, mais de :
« Produire des enfants pour servir la révolution »
Dans l’esprit de cette révolution, les couples devaient s’appeler mith p'dai (camarade mari) et mith bprapouan (camarade épouse). En général, les recherches ont décrit les mariages forcés comme arbitraires, à l’exception de quelques vérifications sommaires effectuées à la hâte par des fonctionnaires khmers rouges pour unir ceux ayant des antécédents proches ou similaires. Avec l’abolition de toute religion sous le régime de Pol Pot, les musulmans et les bouddhistes khmers devaient aussi se marier entre eux. D’autres détails mentionnés par les chercheurs mettaient en exergue une pratique curieuse consistant à marier de force de belles jeunes femmes avec des soldats khmers rouges handicapés. Si elles refusaient, elles étaient emprisonnées, torturées et forcées d'effectuer des travaux pénibles loin de chez elles. Certaines de ces femmes se suicidaient.
Divergences ?
Il peut y avoir eu des divergences régionales quant à la manière dont la politique khmère rouge de mariage forcé a été mise en œuvre. Selon les chercheurs, une dizaine de couples seulement auraient effectué les formalités de demande d’autorisation auprès de l’Angkar pour que le chef de canton fixe la date et le lieu du mariage communautaire. Une autre divergence notable dans la littérature est la caractérisation de ces mariages comme « conscrits » plutôt que forcés, faisant valoir que les arrangements de mariage des Khmers rouges ne s’écartaient pas de manière significative des mariages arrangés traditionnellement. En revanche, les chercheurs s’accordent à déclarer que les mariages de l'époque étaient bien différents des mariages traditionnels en ce sens qu’ils étaient largement effectués sans choix de conjoint, sans consentement significatif, et dans un environnement oppressif de menace constante de punition ou de mort.
Notes: Transcultural Psychosocial Organization Cambodia (TPO), A Study on the Impact of Forced Marriage under the Khmer Rouge Regime, Bophana Center & Blog documentaire.
RED WEDDING – Noces Rouges (2012 - 58min)
Jeudi 15 octobre 2020 à 19 h
Meta House, au 47 rue 178. Téléphone : 023 218 987
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