Brève histoire de la seconde guerre civile (1977 - 1998) par Jean-Claude Kroussar
Le 7 janvier est une date symbolique qui marque un moment fort de l'histoire du Cambodge, mais véhicule toujours le spectre des Khmers rouges. D'aucuns considèrent que le 7 janvier correspond au « jour de la victoire », qui a permis de libérer les Khmers d’un régime sanguinaire qui avait mis le pays à genoux, affamé et décimé une partie de sa population. D'autres le considèrent comme « un jour sombre », qui marque le début de l'invasion vietnamienne au Cambodge. Cet événement n'est pas vraiment compris et souvent critiqué.
Ainsi, de l'histoire du Cambodge, nombreux sont ceux qui retiennent le 7 janvier 1979 comme le début de l'invasion du pays par le Vietnam. C'est une vision réductrice et inexacte. En fait, la vérité est probablement occultée par des raisons géopolitiques.
Ceux qui savent se taisent, laissant ainsi la place aux discours officiel souvent relayés par les médias en quête de sensations, se souciant peu de la moindre vérité, ou si peu.
C'est encore vrai de nos jours, quand les causes des conflits actuels sont passées sous silence pour suivre le narratif officiel.
On comprend évidemment le ressort qui est leur point commun et les explique : l'émotion. L'émotion d'un peuple devant la mort de civils innocents, ou celle de milliers de victimes d'un pogrom...
Mais l'émotion n'explique pas tout. Il faut revenir sur les faits historiques afin de comprendre l'enchaînement des événements.
« l'histoire n'est qu'un mensonge que personne ne conteste », disait Napoléon.
C'est tellement vrai que cela fait 50 ans qu'on nous raconte une histoire inexacte sur le Cambodge. Histoire que j'ai vécue, en tant que témoin et acteur direct des drames de 1973 à 1998, avec ses centaines de milliers de morts dont le monde semble peu se soucier.
Alors, au-delà de l'émotion, bien légitime, permettez-moi de vous résumer les dates clé de l'histoire méconnue et compliquée de la Seconde Guerre civile, de 1977 à 1998. Synthèse qui permet de comprendre l'IMPORTANCE du 7 JANVIER.
Le chemin du salut national (Printemps 1977)
Au printemps 1977, la paranoïa règne en maître dans la proche sphère de Pol Pot. Afin de mater la dissidence croissante au sein de l'Angkar (organisation des Khmers rouges), le centre de torture de Phnom Penh, appelé S21, fonctionne à plein régime.
Créé en 1976 aux fins d'obtenir des renseignements sur l’armée de Lon Nol et les liens que pouvait avoir la bourgeoisie avec des puissances étrangères, il sert à nouveaux pour mater les rébellions, et confronter les responsables de l'Angkar et les chefs militaires soupçonnés de collusion avec les Vietnamiens.
Nota : d'avril 1975 à janvier 1979, il existait deux organisations distinctes. La première, militaire, organisée en 10 régions militaires chargées de défendre le pays et la surveillance des frontières. La seconde, génocidaire, organisée en camps de travail et camps de la mort sont sous la direction des idéologues de l'Angkar, et ses jeunes troupes sanguinaires.
Dans ce contexte et afin d'échapper aux purges, à la folie ambiante, le Commandant Hun Sen, alors âgé de 25 ans, chef militaire de la zone Est, décide de rejoindre le Vietnam. Déjà, plus de deux cents soldats de son régiment, soupçonnés de trahison, ont été arrêtés et faits prisonniers. Il n’a qu’un seul choix : quitter le pays ou mourir. Même s’il n’a que peu de chance de réussir, sachant que Pol Pot lancerait ses troupes à sa recherche, il se doit d’entreprendre cette mission suicidaire, qu’il appelle « Le chemin du salut national ».
Bien que commandant un régiment de 2000 hommes, il ne choisit que quatre camarades, auxquels il confie son intention : préparer une révolution contre le régime de Pol Pot.
Le 20 juin 1977 au matin, les cinq hommes, faiblement armés, quittent la zone militaire du sud-est, et se dirigent vers la frontière. Après de longues journées de marche dans la jungle, évitant les mines et les pièges, affamés, trempés, ils franchissent la frontière, au sud de Menot.
Se voulant pacifistes, ils cachent leurs armes et demandent à rencontrer les autorités militaires, qui les transfèrent à Loc Ninh, puis à Hô Chi Minh (ex Saigon).
Là, ils sont interrogés durant des heures, soupçonnés d’espionnage. Les Vietnamiens doutent de leurs intentions, refusent de les croire et, surtout, excluent toute ingérence dans les affaires internes du Cambodge. Mais Hun Sen réussit à convaincre les autorités, rappelant que son objectif n’est pas d'espionner, mais de renverser ce fou sanguinaire de Pol Pot qui anéantit son peuple.
De leur côté, dès que les commissaires de l’Angkar apprennent la désertion de l’un de leurs chefs, la répression est sanglante : sections, compagnies, personnes locales, tous sont exécutés. Certains peuvent s’échapper, mais les gardes-frontières vietnamiens les refoulent. Le lendemain, des centaines de corps flottent sur la rivière de Thường Thới Hậu, formant la frontière entre les deux pays.
Les mois suivants, face à la violence des troupes de Pol Pot dans la zone-est du Cambodge : villageois, prisonniers, soldats déserteurs, se réfugient au Vietnam. Parmi eux, plusieurs chefs militaires Khmers rouges, qui rejoignent Hun Sen.
En mars 1978, Hun Sen, avec accompagnés de quelques officiers vietnamiens et khmers, réussit à s’infiltrer au Cambodge, afin d'évaluer la situation et d'élaborer un plan d’attaque. Plan qu'il explique, à son retour, à l’un des responsables de la défense vietnamienne, le général Tran Van Tra. Après plusieurs jours de tractations, le gouvernement vietnamien accepte de soutenir Hun Sen dans sa démarche de libération.
C’est ainsi que, le 12 mai 1978, est créé le Khmer United Front for National Salvation (KUFNS), avec la naissance de l’unité de combat N°125.
Les jours suivants, dans un accès de paranoïa, Pol Pot lance une grande offensive dans l’est du Cambodge, avec l’intention d’éliminer toute la zone militaire, soi-disant à la solde de l’ennemi. Khmers Rouges contre Khmers Rouges, c'est un massacre… peu de survivants.
Fin 1978, les forces de Hun Sen, environ 10 000 Khmers, sont prêtes pour le combat. Alors, il est confronté à un choix cornélien.
Soit il attaque avec ses troupes, les Vietnamiens assurant la logistique et le support, avec le risque que son armée s’enlise
Soit il accepte l’intervention directe et rapide de l’Armée vietnamienne, avec le risque d’une future ingérence
Le choix d’une libération rapide du peuple prime, l’unité N°125 est associée au combat, et ses chefs se chargeront des affaires politiques.
Mais, avant d’envahir le Cambodge, le ministre des Armées, le général Võ Nguyên Giáp, sollicite les Français pour leurs connaissances du pays. Une telle demande est tout à fait légitime, étant donné que seule la France possède encore toutes les archives de la période coloniale ; tous les documents au Cambodge ayant été détruits.
Le général Võ Nguyên Giáp veut surtout récupérer les cartes d’état-major réalisées durant le protectorat. Ces cartes, d’une très grande précision, permettraient aux officiers vietnamiens de définir leurs stratégies de combat.
Tout d’abord, le gouvernement français refuse, puis négocie une participation active en imposant un ou deux observateurs, afin d’avoir une vision claire de la situation. Le gouvernement vietnamien accepte.
Le 15 novembre 1978, à l'aéroport de Nội Bài, un véhicule de l’Armée Populaire Vietnamienne attend les deux observateurs français pour les conduire au ministère de la Défense. Le général Võ Nguyên Giáp, ministre de la Défense et vice-Premier ministre du gouvernement de la République socialiste du Vietnam, est sous haute protection. Plusieurs barrages et contrôles de sécurité protègent l’accès. Mais, les deux Français sont attendus et accueillis avant même que la vérification des identités soit achevée.
L'ordre de mission est présenté au général Võ Nguyên Giáp qui salue les deux hommes et remercie la France, dans un français impeccable. Puis les cartes d’état-major lui sont remises. Après une demi-heure de discussion, les deux Français sont intégrés dans les forces vietnamiennes, l'un en tant qu'observateur (mon adjoint) , l'autre en tant que conseiller militaire (votre serviteur Kroussar).
Libération du pays (Décembre 1978 - 7 janvier 1979)
Le 21 décembre 1978, le général Võ Nguyên Giáp préconise le recours à des forces écrasantes pour anéantir l’ennemi : d’abord des bombardements intensifs effectués par l’armée de l’air, puis le déferlement massif de 170 000 soldats sur le Cambodge.
Le jour même, les premières colonnes vietnamiennes se dirigent en direction des provinces de Kratïè et de Stoeng Treng.
Le 26 décembre 1978, le nord-est du Cambodge est déjà sous le contrôle des Vietnamiens. Les Khmers Rouges, redoutables combattants dans la jungle, entraînés pour la guérilla, capables de rester immobiles durant des heures tapis comme des ombres, sont de piètres stratèges dans la plaine et les rizières. Ils commettent l’erreur stratégique d’immobiliser leurs troupes sur des positions avancées et fixes, au lieu d’adopter une tactique de guérilla mobile ; devenant des cibles idéales, elles sont démantelées en moins d’une semaine.
Les villages tombent les uns après les autres, c'est le début d'une guerre éclair, tandis que les officiers vietnamiens regardent de haut les vaincus. Un regard de vie ou de mort sur tout ce qui se meut encore ici-bas. Les soldats vietnamiens mitraillent sans pitié et sans distinction. Ils se comportent en conquérants et, malheureusement, utilisent la force brutale.
Le Cambodge, ce Cambodge, qui ensorcelait, n’est plus ce pays aux délicieux mystères, propre à donner à un enfant des rêves d’aventure ou de gloire. Ce pays ne fascine plus, il désole. L’ombre de la mort s’étend partout, alentour. Tout n’est que terreur, effroi, désolation, au-delà du réel. Un spectacle que seule la plume d’un Dante peut décrire ! Partout, dans le pays, ce n’est que ténèbres et abomination.
Dans les charniers ouverts, d’où se dégage une odeur écœurante de pourriture et de poudre, des plaintes étouffées se font entendre à intervalles réguliers, des cadavres dessous et dessus des survivants. Dans les décombres, un homme en haillons, un vieillard, regarde stupidement, avec des yeux de fou. Un autre, plus squelette qu’homme, la peau desséchée, les yeux vitreux, déboussolés, comme ceux d’un aveugle guettant la clarté, gémit en longs sanglots.
« Devant ces scènes apocalyptiques, comment ne pas ressentir un immense malaise qui marque à jamais la mémoire ? »
Les Khmers ont fui les villages en feu et les camps de travail pour échapper aux combats. Il y a tant et tant de cadavres que l'on sait plus si tous ces morts sont dans notre monde, ou que nous sommes arrivé dans le royaume des morts.
Comment pourrait-on oublier les cris et les regards apeurés des jeunes enfants scrutant le ciel, guettant les sifflements stridents des obus, les regardant venir sur eux ? Comment pourrait-on oublier les mères se jetant sur leurs enfants afin de les protéger, et de mourir avec eux ?
Durant plusieurs jours, les combats redoublent de férocité et les troupes arrivent au pied du Bokor. Cette montagne qui héberge un palace transformé en citadelle. La bataille est sanglante, les Vietnamiens progressent mètre après mètre, encerclant le moindre rocher, rasant le moindre bosquet. Les Khmers rouges résistent farouchement, terrés dans les abris de fortune que procurent les anciens bâtiments coloniaux. La montagne est conquise. Il n’y a aucun prisonnier, aucun survivant. Des centaines de corps jonchent les différents étages du Bokor Palace, mais l’accès vers le port de Sihanoukville est dégagé.
Enfin, les troupes marchent vers la capitale
Dès le 1er janvier 1979, le bruit des tirs d’artillerie est audible à Phnom Penh, faisant trembler les vitres du palais où le prince Norodom Sihanouk se trouve en résidence surveillée depuis quatre ans. Le jour suivant, un commando vietnamien tente de franchir le Mékong avec des canots pneumatiques dans l’intention de kidnapper le prince. Mais il échoue et repoussé par les dernières troupes khmères rouges.
Le 4 janvier 1979, la Capitale est encerclée. Et le 6 janvier, un petit bimoteur chinois survole les combats avec, à son bord, le prince Norodom Sihanouk et sa famille, fuyant vers la Chine. En évacuant Norodom Sihanouk, les Khmers Rouges se donnent une nouvelle chance de soutien, car Sihanouk ne peut accepter l’invasion vietnamienne.
Le 7 janvier 1979, Phnom Penh rend les armes. Pour la deuxième fois en moins de quatre ans, Phnom Penh tombe et se rend. Et le cours des événements change brutalement. Les « Youn » ont pris Phnom Penh, ils ne sont pas des libérateurs, ce sont des envahisseurs, entend-on dans la capitale Parisienne, le soir même.
Nota : le mot "Youn" signifie, « envahisseurs / voleurs » dans les formes anciennes du khmer.
Le lendemain, à la demande de Norodom Sihanouk, la diaspora Khmère, présente en France, se réunit devant l'ambassade du Vietnam, à Paris, pour manifester contre « l'envahisseur ». Le ressentiment anti-vietnamien refait surface, d'autant plus que cela sert la cause occidentale. Cette fois, le monde entier a les yeux tournés vers le Cambodge. Les dirigeants de la Chine communiste fulminent contre les Vietnamiens, qu’ils menacent d’une terrible punition, et les Occidentaux dénoncent cette invasion. Quant aux Khmers, ils sont partagés entre soulagement et fureur. Soulagés que la terreur prenne fin. Débarrassés de Pol Pot et de son Angkar de malheur. Furieux que le pays se trouve désormais aux mains du libérateur indésirable, et redouté depuis toujours.
À partir de ce jour, les Khmers rouges ne sont plus l’ennemi « numéro un », au contraire. La résistance voit le jour et s’organise autour d’eux. Ils se regroupent au Nord-ouest du pays et, tant bien que mal, se réorganisent, aidés par de nombreux Khmers qui rejoignent leurs rangs. Mais bientôt, ils seront réarmés, financés et légitimés à nouveau.
Le 11 janvier 1979, la « République populaire du Cambodge » est créée, soutenue par les Vietnamiens et l’URSS. Le commandant Hun Sen est nommé ministre des Affaires étrangères. Il est chargé de faire reconnaître ce nouveau gouvernement. Et un nouveau drapeau flotte au milieu de la ville.
Les Français traduisent le nom du pays par République Populaire du Kampuchéa
alors qu'en toute honnêteté, ils auraient dû, comme au temps de la colonisation, traduire le nom កម្ពុជា kampouthïr par : Cambodge.
Nota : កម្ពុជា kampouthïr latinisé kampuchea, est le nom du Royaume depuis sa création en 1445.
Ainsi, il est plus facile de faire croire que le Cambodge d'hier n'existe plus, d'autant plus que le Cambodge est soutenu par des pays communistes. Cette appellation falsifiée a introduit une confusion dans l'esprit des gens. Confusion qui existe encore de nos jours.
Dès lors, Norodom Sihanouk ne cesse de dénoncer l’invasion de son pays devant l’Assemblée des Nations Unies, à New York, puis à Paris… Sa volonté, son sens politique, son courage et sa ténacité, font de lui, au regard du monde, le seul homme capable de retrouver la voie de la réconciliation nationale. Cela arrange bien les Occidentaux. Norodom devient l'homme qui veut écraser les Vietnamiens, au nom de la revanche...
Ainsi, un terrible bras de fer commence entre, d'une part, le libérateur Hun Sen soutenu par le Vietnam et l'URSS et, d'autre part, le destitué Norodom Sihanouk soutenu par le reste du monde.
Peu importe les dégâts collatéraux et les milliers de morts qui en résulteront ; il faut anéantir cette nouvelle république et ses nouveaux dirigeants. Et c'est ainsi, que, fin septembre 1979, les Khmers rouges siègent officiellement à l'ONU. Les bourreaux deviennent les représentants de leurs anciennes victimes. Un scandale au sein des Nations Unies.
Début de la seconde guerre civile et blocus des Occidentaux (1979 - 1987)
En février 1979, l’accès à Phnom Penh demeure interdit, pendant plusieurs mois. Les anciens habitants doivent camper en périphérie. Pendant que le gouvernement tente de rétablir au minimum les infrastructures afin d'accueillir la population.
Dans les camps alentour, les nombreux rescapés racontent les terribles épreuves qu'ils ont traversées. Dans certains secteurs, la directive de l’Angkar, « écraser la classe bourgeoise », fut interprétée par certains : « On tue toutes les personnes qui ne sont pas d’origine paysanne », et par d’autres : « l’obligation de la classe bourgeoise à vivre comme les paysans ».
Ainsi, la dureté du régime a été totalement différente d’une province à l’autre, d’un camp à l’autre, fort heureusement. Cela permet aux cinq millions de survivants de reprendre progressivement goût à la vie. Les sourires d’autrefois illuminent à nouveau les visages meurtris. Mais la vie peut-elle s’accommoder de cet environnement empli de détritus, d’odeurs nauséabondes, de rats, dans le dénuement et la maladie ?
Comment la vie peut-elle seulement exister dans une si grande pauvreté ? Combien sont-ils maintenant dans la capitale ? Des centaines de milliers, peut-être le million déjà, et rien pour leur permettre de vivre décemment. Et lorsque les nuages déversent leurs torrents impétueux, que l’inondation s’abat sur la ville, charriant la boue, les détritus mêlés aux odeurs d’excréments… Comment survivre, sans le minimum vital, sans un minimum de soutien ? soutien qui n'arrivera jamais.
En septembre 1979, les Occidentaux (Français, Américains, Britanniques) ainsi que les Chinois exercent leur influence à l’Assemblée générale des Nations Unies. Ils imposent de voter une nouvelle fois en faveur de l’octroi du siège du Cambodge au régime déchu des Khmers Rouges et mettent fin à une enquête de l’ONU sur les crimes de Pol Pot.
Les Occidentaux, principalement la France, les États-Unis et la Grande-Bretagne ont deux possibilités :
La première, reconnaître la fin du régime de Pol Pot et forcer les Vietnamiens à rentrer chez eux, en mettant une force internationale en place pour empêcher le retour des Khmers Rouges au pouvoir
La seconde, condamner l’intervention vietnamienne et soutenir les Khmers Rouges, en imposant un blocus total du Cambodge
La deuxième option est privilégiée.
Les Occidentaux veulent écraser l’envahisseur et, surtout, renverser le jeune gouvernement de Hun Sen tout en légitimant leur embargo via l’ONU, sans se soucier du sort des cinq millions de Khmers et de ces milliers d’enfants qui perdront la vie, faute de soins et de médicaments. C’est à ce peuple victime, que Giscard d’Estaing, Brzezinski et Thatcher veulent punir un Cambodge moribond, parce que son libérateur, le Vietnam, est communiste et, surtout, soutenu par l’URSS.
Les Khmers rouges deviennent les alliés des Occidentaux et des Chinois, avec la bienveillance de l'ONU, constituant une force de 30 000 à 35 000 soldats.
À partir de cette date, les Khmers rouges utilisent les camps de réfugiés en Thaïlande comme bases arrières. Ces camps sont également investis par des agents du SDECE, de la CIA, ou des forces spéciales SAS. La Chine fournit directement les armes, tandis que la France (tout comme les États-Unis, la Belgique et le Royaume-Uni) œuvre discrètement, apportant son soutien financier et militaire, par l’intermédiaire d’une organisation humanitaire.
Ce n’est pas n’importe laquelle, celle-ci a son siège à l’ambassade américaine de Bangkok. Les responsables de cette organisation sont tous d’anciens membres des services secrets, dont de nombreux agents des services d’espionnage français et anglais. Ainsi, tout un réseau est mis en place. Les armes, les munitions, les aides financières, venant d’Europe et des États-Unis, transitaient régulièrement via Singapour avant d’arriver en Thaïlande. Ensuite, les généraux Thaïs, non sans avoir dérobé des centaines d’armes et recruté des milliers de dollars pour leur usage personnel, se débrouillaient pour tout acheminer vers les camps de réfugiés, où les Khmers Rouges régnaient en maîtres.
L’histoire, malheureusement, se répète. Comme en 1970, Occidentaux et Chinois veulent renverser le nouveau gouvernement khmer, en s'appuyant sur les Khmers rouges.
En novembre 1979, face à cette situation totalement insensée et dramatique, des milliers de Khmers préfèrent s'enfuir vers la Thaïlande, afin d’échapper aux combats, aux représailles et à la famine qui sévit sauvagement. Beaucoup par peur, (les anciens bourreaux), d’autres pour fuir le pays qui replonge dans la guerre rejoignent les camps de réfugiés à la frontière entre la Thaïlande et le Cambodge. Ils sont nombreux à être réquisitionnés par les Khmers rouges. D'autres ont la chance d'être transférés vers des pays d'accueil... France, Canada, Australie et USA.
Le 21 mars 1981, Norodom Sihanouk, en exil à Pyongyang, en Corée du Nord, se manifeste enfin, et crée une organisation de défense du Cambodge, afin de donner une composante monarchiste à la lutte contre le régime pro-vietnamien de Phnom Penh.
Comme à son habitude, il lui donne un acronyme compliqué (FUNCINPEC) - Front Uni National pour un Cambodge Indépendant, Neutre, Pacifique et Coopératif), cherchant à exprimer sa pensée au regard du monde. Norodom Sihanouk évite de citer les Khmers Rouges, le spectre d'une nouvelle alliance contre nature et forcée revoit le jour.
La situation politique du Cambodge devient encore plus confuse. Certains pays du monde libre accentuent leur pression sur les chefs de la résistance, pour qu’ils s’allient avec les Khmers Rouges. Cette alliance contre-nature se réalise.
Cette union de façade, entre des leaders que tout oppose, ne peut lutter efficacement contre les Vietnamiens et les troupes gouvernementales dirigées par Hun Sen. Malgré l’accord, et dans la plus grande confusion, des heurts continuent à se produire entre les différentes factions de la coalition.
Pour se protéger, les Khmers rouges posent des mines par milliers. Mais pour se défendre, les forces vietnamiennes font de même. À un rythme effréné, toute la zone frontalière avec la Thaïlande est minée.
Le 25 décembre 1982, l'Assemblée générale des Nations unies se prononce sur un amendement présenté par le Vietnam demandant de ne plus reconnaître la délégation des Khmers rouges comme représentant du Cambodge. L'amendement est repoussé par 90 voix contre 29 et 26 abstentions. Les États-Unis, la Grande-Bretagne et la Chine ont voté contre, la France s'étant abstenue. Le résultat de ce scrutin est un succès pour le prince Sihanouk, président de la coalition.
De 1985 à 1987, les champs de mines prolifèrent dans l'ouest du pays, dont le plus connu, le K5, également appelé le « Mur de bambous », fait de palissades doublées de barbelés et de champs de mines sur une profondeur de 5 km, sur une longueur de plus de 100 km ; bordant la frontière thaïlandaise, où chaque pas peut être fatal.
Dans l'est du pays, les soldats vietnamiens reçoivent l’ordre d’occuper les terres abandonnées et d’y faire venir leur famille. Les Khmers rouges réagissent, montent des expéditions punitives et détruisent plusieurs villes occupées. C'est une grande victoire pour Pol Pot. Mais, les Vietnamiens ripostent violemment, infligent à leur tour de lourdes pertes. Malgré une cuisante défaite, les Khmers rouges peuvent se replier vers les camps de réfugiés, au nord-ouest du pays. Très rapidement, ils réorganisent une armée, avec le soutien de l’ONU, des Chinois et des Occidentaux dans le seul but d’écraser le Cambodge. Sans le soutien des Chinois et Occidentaux, les Khmers rouges aurait probablement cessé la guerre depuis longtemps.
Les Occidentaux avaient la possibilité de mettre fin à cette guérilla et faire confiance à Hun Sen qui, depuis huit ans, devait faire face aux pires difficultés. Impuissant sous la pression des Vietnamiens, victime de l’embargo imposé par l’ONU, affaibli par rapport aux Khmers Rouges « soutenus » par l'Occident.
Les premières tentatives de paix
En décembre 1987, première rencontre, à Fère-en-Tardenois près de Paris, entre le prince Norodom Sihanouk et le Premier ministre Hun Sen. Cette rencontre concrétise enfin les actions menées par Son Excellence Hun Sen en faveur de la paix depuis plusieurs années.
L'objectif de cette initiative est de rechercher un règlement politique au conflit qui divise le Cambodge depuis la libération par l'armée vietnamienne en janvier 1979.
Le 4 décembre 1987, les négociations se terminent par la signature d'un communiqué commun, où il est souligné que le problème khmer doit être nécessairement réglé par le peuple Khmer lui-même.
Le 5 avril 1989, à la demande de Hun Sen, le Vietnam annonce le retrait total, d'ici au 30 septembre, de ses troupes, évaluées à cinquante mille soldats par Hanoï et à environ soixante-dix mille par les Occidentaux. Ce retrait devrait mettre fin à plus de dix ans d'occupation militaire vietnamienne au Cambodge.
Le 29 avril 1989 voit la création de l'État du Cambodge. Alors que Norodom Sihanouk, chef de la résistance, s'apprête à rencontrer à Djakarta le Premier ministre Hun Sen, ce dernier fait adopter une révision de la Constitution afin de satisfaire une demande faite par Norodom Sihanouk.
La « République populaire du Cambodge » cède la place à l'État du Cambodge, qui devient un pays neutre, pacifique et non-aligné. La Constitution abandonne toute référence au socialisme et rétablit le bouddhisme comme religion d'État. Cela satisfait Norodom Sihanouk, mais n'accélère pas, pour autant, le processus de paix. Malgré tout, un nouveau drapeau est créé et devient porteur d'espoir et de reconnaissance.
Le 30 août 1989, la conférence internationale de Paris sur le Cambodge suspend ses travaux en constatant « qu'il n'est pas encore possible de parvenir à un règlement global ». Les factions khmères et leurs alliés n'ont pas réussi à s'entendre sur la participation des Khmers rouges à un gouvernement de transition qui serait installé avant l'organisation d'élections générales.
Le gouvernement de Phnom Penh exclut tout partage du pouvoir avec les Khmers rouges, alors que l'ONU continue de l'exiger.
Le 26 septembre 1989, officiellement, les dernières unités vietnamiennes quittent le Cambodge en présence de nombreux journalistes étrangers.
Le 27 septembre 1989, alors que les différentes factions de la coalition tentent de consolider leurs positions sur le terrain face aux troupes gouvernementales, Norodom Sihanouk estime que des milliers de soldats vietnamiens n'ont pas quitté le pays.
Norodom Sihanouk refuse de reprendre les négociations, et la guerre civile continue.
Pour cause, la communauté internationale freine les démarches et essaye d'écarter Hun Sen de ces négociations au profit de l'autre coalition.
Le 23 octobre 1991, dans l'espoir de mettre définitivement fin à la seconde guerre civile, les principaux partis procèdent à la signature d'un accord de paix, à Paris, en présence de témoins de 18 pays, dont le Secrétaire général de l'ONU. Les principaux acteurs de cet accord étaient :
Le Premier ministre Hun Sen pour le gouvernement Khmer
Le Prince Norodom Sihanouk pour le mouvement FUNCINPEC
Son San pour le Front de libération nationale
Khieu Samphan pour le mouvement des Khmers rouges toujours en poste à l'ONU
Malgré l'accord de paix de Paris du 23 octobre 1991, la guerre civile au Royaume se poursuit, provoquée par les Khmers rouges toujours soutenus par le FUNCINPEC et les Occidentaux.
Échec de l'APRONUC (février 1992 - septembre 1993)
Février 1992, suite à l’accord de paix de 1991 et dans le cadre d'une opération de maintien de la paix, l’Autorité Provisoire des Nations Unies au Cambodge (APRONUC) administre le pays, sous la tutelle de l'ONU.
Elle a reçu tous les pouvoirs nécessaires pour sécuriser le pays, remettre en place une administration, organiser des élections générales et former un nouveau gouvernement.
Donc faire table rase de tout ce qui a été construit depuis 1979.
Au centre du drapeau le nom du pays កម្ពុជា que l'on prononce Kampouthïr. Le nom officiel du pays devient : Autorité provisoire des Nations unies au Cambodge. ( អាជ្ញាធរ អន្តរកាល សហ ប្រជាជាតិ នៅ កម្ពុជា se prononce Aït'gna'thô Antarrakal Sä'hä Prrotièrthïèrt neuw Kampouthïr).
De mars 1992 à septembre 1993, bien que les Khmers rouges fussent signataires des accords de paix, ils refusent toujours de déposer les armes. On feint de l'oublier, mais l'arrêt des hostilités et le désarmement des forces en présence constituaient le premier et le plus important objectif des « Accords de paix ».
Comme les Khmers rouges n'ont pas appliqué une seule des dispositions des Accords, l'APRONUC manifeste de l'hésitation, de la faiblesse, de l'impuissance, et finalement échoue. On peut considérer cela comme un échec politique mais, les forces militaires de l'APRONUC ont été efficaces sur le terrain, par leurs actions de déminage, et de protection de la population…
L’APRONUC, avec ses quatre mille fonctionnaires, a fortement brisé et assombri les esprits dans tout le pays. En prenant la place des Khmers, pleins de bonne volonté, ils les ont découragés et, une fois leur travail terminé, ils sont partis en laissant un vide total alors qu’ils auraient dû les former, favorisant malheureusement un certain enlisement, corruption et prostitution.
La guerre des clans & Les larmes du Peuple
En septembre 1993, les Khmers rouges s'opposent aux élections ; empêchant même les gens de certains villages de voter, notamment dans le nord-ouest du pays. Contre toute attente, la participation est un franc succès. Mais, à l’issue du scrutin, aucun parti politique ne dispose ni de la majorité absolue, ni de la majorité des deux tiers requise pour l’adoption de la Constitution.
Cependant, le FUNCINPEC, parti royaliste, fort de son pourcentage, s’auto-proclame vainqueur, réinvestissant Norodom Sihanouk dans sa fonction de chef d’État. Une crise politique ne tarde pas à éclater. Certains membres du Parti du Peuple Khmer, arrivés en seconde position, dont Hun Sen, et Norodom Chakrapong l’un des fils du Roi, menacent de faire sécession pour créer une république dissidente dans l’est du pays, où ils sont majoritaires. Le roi Norodom Sihanouk, afin de permettre à tout le monde de sauver la face, propose :
« Il n’y a qu’à partager en deux chaque administration, chaque ministère, jusqu’à la fonction de chef du gouvernement... »
Le prince Norodom Ranariddh, fils aîné de Sihanouk et dirigeant du Funcinpec, devient « premier Premier ministre », Hun Sen, à la tête du Parti du Peuple Cambodgien est nommé « deuxième Premier ministre ». La paix semble sauvée.
En réalité, les hostilités sont simplement retardées, car les effectifs de l'armée, de la police et de l'administration sont réellement coupés en deux, générant des conflits permanents et retardant d'autant la capacité du pays à se rétablir de ces longues années de guerre.
Le 24 septembre 1993, la Monarchie est rétablie. L’Assemblée constituante redonne au pays son statut de « Royaume », et reconnaît la souveraineté du Roi Norodom Sihanouk. Ainsi, le pays retrouve enfin son nom d'origine : Royaume du Cambodge.
Un nouveau drapeau flotte dans les rues, en espérant que ce soit le dernier pour des décennies.
Malheureusement, il faut encore attendre plusieurs années pour que la guerre civile cesse totalement. Certaines zones du pays sont toujours sous domination des Khmers rouges.
Le 6 juillet 1994, l'Assemblée nationale royale khmère décrète que les Khmers rouges sont « hors-la-loi ». Mais Pol Pot demeure actif au sein du mouvement et l’insécurité règne sur l’ensemble des provinces.
Le 8 août 1996, Ieng Sary annonce sa rupture avec Pol Pot et, avec environ 4 000 hommes, il défie le FUNCINPEC en se rangeant dans le camp de Hun Sen. Les hommes de Ieng Sary sont intégrés aux troupes gouvernementales, malgré l'hostilité de Sihanouk et de son fils, Ranariddh.
La défection de Ieng Sary porte un coup décisif aux Khmers rouges qui, à la fin de l'année 1996, ont perdu presque toutes leurs bases à l'intérieur du pays et se trouvent confinés dans la jungle. Pol Pot envisage alors un retour à l'action politique légale : les Khmers rouges annoncent la création de deux nouveaux partis politiques, un « Parti paysan » et un « Parti de la solidarité nationale » dirigé par Khieu Samphân.
Mais, ils ne sont plus en situation de revenir dans le jeu électoral. Une partie des troupes abandonne leur idéologie et dénonce leurs anciens chefs. Ils se reconvertissent dans les affaires, voire le crime organisé, et continuent de détenir le pouvoir économique dans la région de Pailin, près de la frontière avec la Thaïlande.
Attention : il ne faut pas confondre les anciens Chefs militaires qui participèrent à la libération du pays, et formèrent un gouvernement pour reconstruire le pays et protéger le peuple, avec les idéologues sanguinaires Khmers rouges. Ce sont ces derniers qui sombrèrent dans le crime organisé, le banditisme et continuèrent à détruire le pays. Précision qui a son importance eu égard à l'amalgame et la confusion sur cette période.
En 1997, le FUNCINPEC continue ses négociations avec la faction khmère rouge basée à Anlong Veng, (Pol Pot, Ta Mok et Khieu Samphân), mais l'issue est dramatique. Lorsque l'hélicoptère des négociateurs du FUNCINPEC se pose en zone khmère rouge, il est pris d'assaut, apparemment sur ordre de Pol Pot qui n'a pas été informé de la raison de leur arrivée. Les quinze émissaires sont enfermés dans des cages de fer et seuls quatre hommes survivent à leurs cinq mois de captivité.
Le 1er juin 1997, des contacts directs sont finalement établis et, Norodom Ranariddh rencontre Khieu Samphân pour convenir d'un front uni. Norodom Ranariddh commet alors l'erreur d'annoncer publiquement, sans en avoir référé auparavant à Khieu Samphân, que l'accord prévoit l'exil de Pol Pot, Ta Mok et Son Sen.
La radio khmère rouge dément aussitôt l'accord. Norodom Sihanouk, de son côté, publie une déclaration affirmant qu'il exclut d'accorder son pardon à Pol Pot et Ta Mok. Alors qu'il l'accorde à Son Sen. Se considérant trahi, Pol Pot fait exécuter Son Sen et toute sa famille.
Le 11 juin 1997, Ta Mok, craignant pour sa vie, prend les devants. Il rassemble ses troupes et réalise un coup de force contre Pol Pot, qui prend la fuite. Les dernières troupes favorables à Pol Pot se dispersent.
Le 28 juin 1997, Khieu Samphân annonce la fin définitive du mouvement khmer rouge, sa rupture avec Pol Pot et son soutien sans condition au FUNCINPEC.
Le 5 juillet 1997, la signature d’un accord entre Khieu Samphân et Norodom Ranariddh, afin d'intégrer les restes des Khmers rouges dans le front uni du FUNCINPEC, précipite les événements. C’est l’embrasement.
Les derniers pas vers la paix
Alors, les forces des deux Premiers Ministres s'affrontent dans la capitale Phnom Penh. D'un côté, les forces de Hun Sen (CPP) et de l'autre, les forces du Prince Norodom Ranariddh (FUNCIPEC). Chacun ayant ses propres forces de police et son armée, les escarmouches entre les deux partis reprennent, les affrontements sont de plus en plus fréquents, suivis d’exécutions arbitraires. Les combats en différents points de la capitale font plus d’une centaine de morts.
C'est dans ce contexte qu'en juillet 1997, dans l'esprit des accords de paix et afin de garantir la sécurité du pays, Hun Sen réalise un coup de force contre Norodom Ranariddh, en évinçant ce dernier du pouvoir. Selon les diplomates occidentaux en poste à Phnom Penh, Le prince Ranariddh est largement responsable de son sort.
Et, selon l'ambassadeur d’Australie Tony Kevin :
« Il y avait un consensus entre les ambassadeurs de France, des Etats-Unis, du Royaume-Uni et de l’Australie, soutenus par ceux de l’Indonésie, de la Malaisie, du Vietnam et de la Chine, selon lequel Ranariddh et les Khmers rouges voulaient défier les accords de paix, alors que Hun Sen les défendait. »
Dans leurs câbles diplomatiques, les ambassadeurs ne font pas mystère de leur préférence pour Hun Sen. « Cela ne vaut-il pas mieux que de revenir au jeu stérile consistant à soutenir Ranariddh ? », écrit encore Tony Kevin.
Pas question, pour eux, de dénoncer un « coup d’Etat » – et c’est le terme « coup de force » qui s’impose rapidement pour décrire les événements. La communauté internationale, condamne l’initiative de Hun Sen et plusieurs pays suspendent leur aide et l’adhésion du royaume à l’Association des nations d’Asie du Sud-Est est repoussée, sine die.
La France, néanmoins, se distingue des autres pays, en appuyant explicitement Hun Sen. L’analyse de l'ambassadeur de France, Gildas Le Lidec, est pragmatique :
« Nous avons décidé de ne pas évacuer les Français de Phnom Penh et de ne pas interrompre notre aide bilatérale. Jusqu’en 1997, nous nous efforcions de garder une équidistance entre le CPP et le FUNCINPEC. Mais après le 5 juillet, il était évident que Hun Sen était l’homme fort du Cambodge et qu’il représentait son avenir. Même Norodom Sihanouk le reconnaissait. »
La situation dans le pays est compliquée. Dès la tombée de la nuit, l’État de droit balbutiant n’existe plus que sur le papier. La liste de traînes-misère, qui vivotent de rapines, est longue : estropiés, soldats déserteurs ou démobilisés, Khmers rouges en rupture de ban, réfugiés sans toit ni travail, orphelins shootés à la colle… L’insécurité est de retour, et de nombreux habitants fuient la capitale.
Le 25 juillet 1997, lors d'une réunion publique, Pol Pot est condamné à la « prison à vie ». Gravement malade, il est dans les faits assigné à résidence. Ses trois commandants militaires sont exécutés. Ta Mok, désormais chef officiel des Khmers rouges, demeure à la tête de quelques centaines d'hommes, qui se livrent au brigandage pour survivre.
En septembre 1998, grâce à la politique gagnant-gagnant, Son Excellence Hun Sen est élu « l’Unique » Premier ministre, et met fin à la seconde guerre civile. Les affrontements cessent. Le pays retrouve enfin une paix complète ainsi que la prospérité. Enfin, le Roi Norodom Sihanouk gracie les derniers rebelles. Les jours suivants, Pol Pot meurt d’une crise cardiaque. Selon plusieurs sources, son médecin personnel l’aurait aidé à faire le grand saut.
Le 29 décembre est déclaré « jour de paix au Cambodge », afin de célébrer cette paix enfin retrouvée. Car depuis les fameux accords de paix de 1991, les politiques de l’ONU, des Occidentaux et des Chinois ont mené à sept années d’incertitudes, d’instabilité, retardant d’autant les capacités du Cambodge à retrouver son économie.
Musée du génocide S21 - Un symbole ambigu
La prison de sécurité 21 (S-21) des Khmers rouges, aujourd'hui devenue musée du génocide, est située dans l'ancien lycée Tuol Sleng. Elle fut créée en avril 1975 aux fins d'obtenir des renseignements sur l’armée de Lon Nol et les liens que pouvait avoir la bourgeoisie et la noblesse avec des puissances étrangères.
Mais son activité principale repris au printemps 1977, en devenant le principal centre de torture pour les membres de l'Angkar et les chefs militaires soupçonnés de trahison, de collusion avec les Vietnamiens.
Dans ce lieu terrifiant, la machine à torturer, à tuer, s’est emballée d’elle-même. Qu'ils fussent d'anciens bourreaux, responsables de camps, simples exécutants, ou familles proches, ils furent tous obligés, sous la torture, à avouer un crime imaginaire avant d’être envoyés au camp de « Choeung Ek » pour y être assassinés.
Dans une maison proche du lycée, des milliers de dossiers, contenant les aveux et les photographies de chaque détenu, permirent de comprendre l’étendue du désastre. Car il fallait sans cesse rendre compte à Pol Pot du travail de purification. Il fallait faire remonter les preuves, les photos et les confessions signées des ennemis de la vraie nation khmère. Il fallait des noms, des dates, des aveux, et il en fallait toujours plus.
On estime qu'environ 18 000 membres de l'Angkar et chefs militaires ont été emprisonnés et torturés au S21 sur la période de juin 1977 à fin 1978. Ainsi, des générations de bourreaux massacrèrent, sur ordre, leurs prédécesseurs, et furent à leur tour assassinées par leurs remplaçants, sous le regard amusé de Kang Kèk Leu, alias « Douch », le directeur de la prison.
C'est toute l'ambiguïté de ce musée qui, vu par les Occidentaux, est considéré comme le musée du génocide (ce qui est vrai), tandis que de nombreux Khmers survivants le considèrent, beaucoup plus, comme le musée du fratricide perpétré par Pol Pot contre les chefs militaires et membres de l'Angkar qui s'étaient rebellés.
Nota : Angkar = nom donné à toute organisation, et par extension à l'organisation khmère rouge.
Témoignage de Kroussar
Pour ceux qui souhaitent découvrir les détails de cette histoire méconnue du Royaume, les preuves de l'implication des Occidentaux et connaître ce qui s'est vraiment passé dans l'ambassade en avril 1975, vous trouverez : Mon récit GRATUIT - Cambodge-La longue quête "ICI".
Ce roman nous plonge au cœur de secrets bien gardés et cachés depuis très longtemps par les États Occidentaux. Selon les lecteurs : « Plus qu'un roman, c'est d'abord un témoignage bouleversant, une histoire d'amour pour un peuple, un récit qui surprend par la force qu'il porte, et lève le voile sur la honteuse géopolitique occidentale ».
Ou l'on se rend compte qu'entre les bribes d'informations distillées auprès du grand-public et des "bien pensants" et la réalité crue, il y a parfois un univers. Merci de participer au rétablissement de la Vérité.
Bjr JC. Peut on avoir cet article en anglais pour le faire lire aux jeunes Cambodgiens
Excellent article, riche, factuel et précis. Bravo Jean-Claude Kroussar