Cela ne s’est pas passé au Cambodge mais tout près. Parce qu’il faut se rappeler que la barbarie peut aller au-delà.
Parce qu’il faut se rappeler que plusieurs centaines d’hommes, femmes et enfants innocents sont morts sans raison, ou tout simplement pour divertir quelques GI assoiffés de sang. Parce qu’il faut rendre hommage à ces pauvres gosses mitraillés comme des fétus de paille. Parce qu’il faudrait qu’un jour, cette barbarie qui revient, et revient, cesse. Parce que c’est injuste, parce que les coupables ont été accueillis en quasi-héros…
Le massacre de Mỹ Lai est certainement l’un des plus choquants épisodes de l’histoire de la guerre du Vietnam qu’il m’ait été donné de découvrir. Il n’existe pas de documentaire en français en ligne mais un excellent travail de Barak Goodman, en anglais, décrit parfaitement ce massacre perpétué par des soldats américains sans aucune raison militaire, seulement pour la frustration de ne pas avoir découvert les repères de Viêt-Cong qu’ils pensaient trouver. En quelques heures, hommes, femmes et enfants seront abattus sans distinction…et, peut-être encore plus effrayant, l’un des soldats interviewés dans le documentaire, les larmes aux yeux, déclarait :
« On a totalement perdu le contrôle, mais je ne regrette pas…»
Le massacre de Mỹ Lai ou l’horreur gratuite
Le massacre de Mỹ Lai, survenu durant la guerre du Viêt Nam, a été perpétré le 16 mars 1968 par des soldats américains contre plusieurs centaines de civils vietnamiens, dont beaucoup de femmes et d’enfants, dans le hameau de Mỹ Lai. Le massacre a été caché par l’armée américaine et dévoilé seulement un an et demi plus tard dans un reportage du magazine Harper’s. L’indignation soulevée par ce massacre fut le point de départ d’un scandale international. L’opinion publique américaine pense que ce massacre est unique ou une exception mais en 2001 le journaliste Nick Turse a trouvé dans les US National Archives les dossiers d’un groupe de recherche secret le « Vietnam War Crimes Working Group » qui montrait que l’armée américaine avait trouvé les preuves de plus de 300 massacres, meurtres, viols ou tortures commis par des soldats américains.
Durant l’offensive du Têt, en janvier 1968, le 48e bataillon de l’armée du FNL (unité Việt Cộng) avait opéré dans la zone de Quảng Ngãi. Les services de renseignements militaires américains estimaient que des éléments de cette unité, battant retraite, s’étaient probablement repliés et avaient trouvé refuge à Mỹ Lai, un petit village côtier du golfe du Tonkin, au nord du Sud-Viêt Nam, pas très loin du Nord-Viêt Nam (dans l’actuelle province de Quảng Ngãi).
Une opération est donc décidée pour les éliminer : le 16 mars 1968, le lieutenant William Calley encercle Mỹ Lai. Les services de renseignements militaires américains l’ont prévenu que les villageois vont au marché ce jour-là. Calley pense donc que ceux qui restent sont des Việt Cộng. Il reçoit l’ordre (comme il le dira plus tard à son procès) de nettoyer la zone, « du vieillard au bébé ».
Il regroupe la population, fait incendier le village et donne l’ordre d’abattre toute la population : femmes, enfants, et vieillards.
Déroulement
Les troupes américaines pénétrèrent dans le village et parvinrent à le boucler totalement sans trouver un seul combattant vietnamien. Certains civils ont essayé de s’enfuir en courant, et même des femmes avec des enfants dans les bras, mais elles en furent empêchées à coup d'armes automatiques. Avant d’être tuées, certaines victimes sont agressées sexuellement, violées, battues, torturées ou mutilées. Le nombre de civils tués ne peut pas être établi avec certitude. Le mémorial bâti sur le site liste indique 504 noms (de 1 à 82 ans). Une enquête conduite par l’armée américaine comptabilise 347 morts. Les bilans universitaires retiennent plutôt 500 victimes. Un pilote d’hélicoptère de l’armée américaine, Hugh C. Thompson, Jr., et ses deux coéquipiers, qui survolaient la zone par hasard, tentèrent vainement d’intervenir pour mettre fin à ce massacre. Ils ne purent sauver qu’une douzaine de villageois en les embarquant à bord de leur hélicoptère. Un an plus tard, le soldat Ron Ridenhour, stupéfait par le témoignage d’un participant du massacre, révéla cette atrocité commise par les Américains.
Condamnations
En 1971, une enquête suivie d’un procès a abouti à la condamnation du lieutenant William Calley à la prison à vie pour meurtres prémédités. Cependant, deux jours après son incarcération, une intervention du président Richard Nixon a ordonné son assignation à résidence dans l’attente du jugement en appel. Après celui-ci, Calley a passé trois ans et demi assigné à résidence à Fort Benning, en Georgie. J. Robert Elliott, juge fédéral, a ordonné sa libération le 25 février 1974 après l’invocation par Calley de l’Habeas Corpus pour contester sa mise aux arrêts. Calley a toujours proclamé qu’il avait suivi les ordres de son capitaine, Ernest Medina. Ce dernier a toutefois nié avoir donné de tels ordres et a été acquitté dans un autre procès. La plupart des soldats impliqués dans le massacre ont quitté l’armée et, sur les 26 hommes initialement inculpés, seul le lieutenant Calley a été condamné. Cette affaire a contribué pour une large part à la montée en puissance du mouvement pacifiste aux États-Unis. Il a été largement évoqué au cours des séances du Tribunal Russell.
Pour l’intellectuel américain Noam Chomsky, Mỹ Lai n’était qu’une « banalité », un épisode dans « une opération militaire appelée Wheeler/Wallowa, qui était une énorme opération de génocide, au cours de laquelle les raids des B-52 ciblaient les villages ». Quarante et un an après les faits qui continuent de hanter William Calley, celui-ci a exprimé en privé des remords devant les membres du Club des Kiwanis de l’agglomération de Columbus (Géorgie) en 2009 :
« Il ne se passe pas un jour sans que je ressente des remords pour ce qui s’est passé ce jour là à Mỹ Lai. J’éprouve des remords pour les Vietnamiens qui ont été tués, pour leurs familles, pour les soldats américains impliqués et pour leurs familles. Je suis profondément désolé »
Au cinéma
Joseph Strick a réalisé en 1970 un court-métrage documentaire sur le sujet, « Interviews with Mỹ Lai Veterans », qui remporta l’année suivante l’oscar du meilleur court-métrage documentaire. Cinq soldats ayant participé au massacre y témoignent et tentent d’expliquer leurs actes. Une scène de Platoon (1986), du cinéaste américain Oliver Stone, comporte une allusion explicite au massacre. Oliver Stone envisageait de porter cet événement à l’écran dans un film intitulé Pinkville, mais la grève des scénaristes aurait fortement compromis l’aboutissement du projet. De même, dans le film Tigerland de Joel Schumacher (2000), le massacre de Mỹ Lai est évoqué par un soldat en réponse à son sergent qui lui ordonne de tirer sur tout ce qui bouge, « que ce soit une femme, un p’tit gosse ou Johnny le fils du voisin ».
Par allégorie, il faut aussi citer le western Soldier Blue (Soldat bleu) réalisé en 1970 par Ralph Nelson ; le 29 novembre 1864, une tribu cheyenne (plusieurs centaines de femmes enfants et vieillards) fut massacrée par les soldats du colonel John Chivington. Cette tuerie est connue sous le nom de massacre de Sand Creek. Comme à Mỹ Lay, il y eut un procès. Comme Calley partiellement libéré sur ordre présidentiel après avoir été condamné, le colonel fut seulement blâmé et destitué. Un film documentaire de Marcel Ophüls réalisé en 1970 a aussi pour sujet cet événement (La moisson de My Lai).
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