Les Smart Cities étaient à l’honneur parmi les thèmes choisis lors de ce Forum ASEAN 2019 qui s’est tenu à Phnom Penh du 5 au 7 Juin dernier. Deux sessions y étaient consacrées, durant lesquelles se sont succédés des intervenants souvent passionnés représentant des sociétés tels que Schneider, Engie, Legrand, Sirea, Archetype ou Inagora et qui ont montré les diverses facettes de l’expertise à la française dans le domaine.
Si la ville fait bel et bien partie du programme ASEAN Smart Cities, les priorités ont été données à des actions telles que la création de transports en commun, l’accès aux espaces publics, l’amélioration de la marche en ville ou de l’accès aux handicapés
Au-delà des prouesses technologiques qui font rêver se trouvent des réalités toutes simples et des vérités qu’on ne devrait pas oublier. Les smart cities décryptées, c’est par ici :
Le Contexte : une urbanisation en pleine essor
En Asie, il est estimé que 64% de la population sera urbaine en 2050 engendrant des défis considérables en terme de gestion et surtout de développement durable : logement, circulation, pollution, gestion des déchets, sécurité, trafic, changement climatique. Les contraintes sont immenses. Les smart cities, c’est d’abord la nécessité vitale de reconsidérer la Ville autrement avec à l’origine quatre bouleversements majeurs dans nos sociétés modernes : 1)la croissance exponentielle de la demande en énergie électrique 2) la digitalisation (et tout particulièrement la 2e révolution digitale qui voit les objets être connectés entre eux) 3) la décarbonisation avec la volonté de mieux utiliser les énergies renouvelables et 4) la décentralisation : chaque utilisateur pourrait à l’avenir générer, stocker et consommer son énergie.
C’est aussi une réalité déjà bien présente en Asie du Sud-Est : une quarantaine de ville ont déjà engagé des projets. Chaque projet Smart City est donc un projet spécifique, qui évolue autour d’un écosystème qui lui est propre.
Conférence Smart Cities en ASEAN
Smart Bricks et Objets connectés
Une smart city, c’est une combinaison de smart bricks. Traditionnellement, les villes nécessitent des infrastructures concrètes. On y rajoute les smart bricks qui sont, elles, liées à l’infrastructure digitale. Tout peut être rendu plus « intelligent » : la gestion des eaux, les transports, l’énergie… grâce aux objets connectés et à l’internet des Objets (Internet of things). Ces objets, munis d’une puce, vont capter une donnée brute et l’IdO va la transformer en donnée intelligente. Dans le cadre d’un projet particulier tels qu’un Smart Building, il faut s’assurer que les différents objets puissent fonctionner ensemble dans un même éco-système. Ce sera le rôle des architectes de solutions : ceux-ci vont prendre le meilleur des objets connectés, s’assurer que le choix sera le mieux adapté aux besoins du client, les combiner et les restituer à travers une plateforme IdO avec une interface utilisateur relativement simple dissimulant, en revanche, une énorme gestion des données à maîtriser
L’exemple des Smart Hotels :
Les hôtels constituent un bon exemple car ils peuvent être considérés comme des mini-villes (espaces verts, loisirs, shopping…), de plus l’optimisation des coûts y est en général extrêmement poussée et l’expérience client au cœur de leur métier. La collecte des données sur le comportement et les habitudes de la clientèle pourra permettre l’optimisation de l’éclairage, la climatisation ou la consommation d’eau chaude. Chaque client aura son identité numérique et on pourrait imaginer à l’avenir des stratégies permettant d’identifier et de récompenser les clients les plus éco-responsables.
Efficacité énergétique
En effet, l’un des objectifs principaux des smart cities, c’est aussi la gestion efficace des ressources énergétiques : interrupteurs intelligents, utilisation de climatisation uniquement aux endroits où se trouvent des personnes, automatisation pour un impact environnemental réduit, un meilleur confort pour les utilisateurs et surtout des économies d’énergie substantielles. Les solutions smart peuvent également permettre d’alimenter des villages isolés comme avec les stations énergie de SIREA : pilotées à distance avec une interaction centrale, elles permettent par exemple de lisser les appels de puissance lors de pics de consommation en stockant l’énergie et par la même améliorer la gestion des réseaux nationaux en les complémentant.
Gouvernance, risques et solutions possibles ?
Le succès de ces smart cities ne sera possible que grâce à une collaboration étroite entre les gouvernements, la ville et le secteur privé. Comment mettre en place une gouvernance efficace, qui protégerait les données collectées ? Céline Zapovsky d’Inagora milite sans relâche pour des solutions alternatives, pour construire une 3e voie numérique qui ne serait ni celle des américains ni celle des chinois (avec leurs géants respectifs tels que Amazon, Google ou Tencent, Xiamin…) mais une version « open source » des smart cities, qui favoriserait l’indépendance technologique grâce à une « open » innovation et créerait un nouvel écosystème, plus pérenne, avec au centre les citoyens. Un projet pilote est sur le point d’être mis en place au Vietnam : « le Hanoi Sustainable Living lab » pour travailler sur ces problématiques.
Phnom Penh, la capitale cambodgienne
Le Cambodge : un terrain d’expérimentation par excellence
A l’opposé de Singapour qui est la Smart City par excellence, les problématiques liées à la ville de Phnom Penh peuvent sembler bien basiques comme l’explique M. Vannak Seng, secrétaire général de la municipalité de Phnom Penh. Si la ville fait bel et bien partie du programme ASEAN Smart Cities, les priorités ont été données à des actions telles que la création de transports en commun, l’accès aux espaces publics, l’amélioration de la marche en ville ou de l’accès aux handicapés. Il s’agit de repenser la réglementation urbaine et de pouvoir l’appliquer de façon plus « intelligente » grâce à l’utilisation des dernières technologies (calcul de trajectoires, vidéosurveillance etc…).
Conférence Smart Cities en ASEAN
Au niveau des bâtiments, les plus récents incorporent tous des systèmes de gestion intelligents. Le problème cependant réside surtout dans le manque de capacité des opérateurs locaux à tirer pleinement parti de ces objets connectés : un meilleur accompagnement serait utile. En outre, l’investissement, certes non négligeable, reste rentable : les coûts prohibitifs de l’électricité permettent un amortissement très rapide du surcoût lié à la technologie. De nouvelles réglementations sur l’efficacité énergétique et sur les standards de construction sont attendues. Elles devraient permettre l’essor des smart buildings.
Des méthodes de financement alternatives pourraient aussi se développer tels que celles proposés par les ESCO (Energy Services Companies) qui investissent dans l’équipement et proposent une rémunération basée sur les économies d’énergie effectives. Le Cambodge est un terrain d’expérimentation idéal ; la pénétration des smartphones dans le pays en fait une économie très connectée et l’efficacité énergétique va devenir prochainement un objectif prioritaire du gouvernement.
Comme le souligne très justement Frantz Vaganay, directeur d’ATS et modérateur de la session, cette dimension technologique ne doit cependant pas faire oublier qu’une Smart City vise d’abord à créer un monde meilleur pour ses habitants : un monde plus confortable mais aussi plus respectueux de l’environnement. La clé du succès passera obligatoirement par un changement collectif de mentalité et par une attitude plus responsable des citoyens.
Par Ratana Phurik-Callebaut
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