Le Tonlé Sap (ទន្លេសាប) est l’une des merveilles du Cambodge. C’est une réserve de biosphère reconnue par l’UNESCO, et qui abrite des milliers d’espèces sauvages.
Avec son courant qui s’inverse une fois par an, le lac constitue une curiosité hydrologique rarissime, un gigantesque bassin de pêche, l’un des plus importants au monde. C’est aussi un lieu de vie, puisque toute une population vit sur le Tonlé Sap, dans des conditions souvent précaires. Tombés sous le charme du lieu, Frédéric Goes et Nathalie Nivot décident dès 1999 de s’investir tant en faveur des habitants du lac que de son écosystème.
C’est ainsi que naît l’association Osmose. Et, depuis 20 ans, le combat n’a guère cessé.
Une biosphère à la fois riche et menacée
Nous sommes à Prek Toal, au cœur de la forêt inondée située sur la partie nord-ouest du Grand Lac. Ici, tous les éléments semblent fusionner dans une parfaite symbiose. Ciel, îlots, cimes des arbres et tapis de verdure se fondent dans le bleu des eaux du Tonlé Sap, dessinant un paysage tout droit sorti d’un tableau impressionniste. Ici, homme et nature se partagent les lieux, vivant chacun dans une alchimie à l’équilibre précaire, sans cesse menacé de se rompre.
Si le site a été inscrit par l’UNESCO sur sa liste des réserves de la biosphère, si la richesse de sa population ornithologique attire des visiteurs venus du monde entier, les nombreuses menaces pesant sur lui nécessitent une attention constante.
L’accroissement du défrichage, le braconnage, les techniques de pêche illégales et la prolifération des espèces invasives constituent des problématiques majeures, sans omettre la multiplication des barrages et l’augmentation alarmante des déchets plastiques. Autant de dangers qui impactent à la fois la faune et la flore, mais aussi les trois millions de Cambodgiens qui dépendent directement des ressources du lac.
Se mobiliser pour Prek Toal
C’est afin de préserver cet écosystème unique que l’équipe de l’association Osmose se mobilise depuis deux décennies. Menant des activités de sensibilisation à l’environnement, travaillant auprès des populations locales afin d’accroître leur implication dans la gestion des ressources naturelles, développant l’artisanat et promouvant un écotourisme responsable, l’association a, depuis sa création, été à l’origine de nombreux succès.
En 20 ans, des potagers flottants ont trouvé leur place auprès des habitations, l’installation de filtres à eau et le déploiement de cliniques mobiles ont permis d’améliorer les conditions sanitaires. Les écoles se sont aussi multipliées dans les villages de la réserve : en plus des matières habituelles, des classes d’éducation à l’environnement sont proposées au millier d’élèves qui y suivent des cours.
Des posters répertoriant les espèces menacées ainsi que des manuels de sensibilisation sont imprimés et distribués aux enfants, tandis qu’en parallèle des enquêtes régulières sont menées auprès des villageois afin de cerner les besoins les plus urgents.
Transformer un problème en solution
En plus de la protection de l’environnement, l’association développe plusieurs programmes d’aide aux populations locales. Parmi ceux-ci, l’atelier des jacinthes d’eau est l’une de ses plus belles réussites. Cette espèce invasive, considérée comme une menace pour la nature, sert de base à la confection d’une trentaine d’articles allant des éventails aux tapis, en passant par les hamacs et les paniers.
Le problème écologique constitué par les jacinthes d’eau s’est donc transformé, après quelques années d’activité, en une ressource économique non négligeable pour les trente artisanes groupées en communauté. Les revenus dégagés par les ventes de leur production permettent aux plus actives d’abandonner la pratique de la pêche, de moins en moins lucrative, le poisson se raréfiant dans les eaux d’un lac surexploité.
Une recette gagnante
En parallèle, Osmose a depuis ses débuts développé des activités d’écotourisme dans le village, permettant à des petits groupes de découvrir l’environnement humain et naturel exceptionnel du lac en compagnie d’un guide certifié. Cinq écotours, dont certains proposent de passer une nuit dans le village de Prek Toal, attirent chaque année un millier de touristes venus s’immerger dans cet endroit féerique, près de la moitié d’entre eux étant francophones.
En plus de contempler des espèces menacées, telles que le grand marabout, le tantale blanc ou encore le pélican à bec tacheté, les visiteurs contribuent au développement local grâce aux retombées économiques qu’ils génèrent. Bateliers, guides, restaurateurs, artisans, ce sont près de 70 familles qui bénéficient de cet engouement. Cela permet aussi à l’association de financer ses projets d’éducation et de développement.
Vingt ans plus tard
Dès ses premières années, le projet Osmose a suscité intérêt et curiosité. En 2005, Nicolas Hulot choisit de poser son hydravion à Prek Toal pour y tourner une séquence de son Ushuaïa Nature. C’est Nathalie Nivot qui le guide et lui fait découvrir la richesse du lieu.
Deux ans plus tard, l’association a l’honneur d’être conviée au Palais Royal pour une audience avec Sa Majesté le roi Sihamoni. Un site internet est créé en 2008, accroissant la visibilité d’une association dont les méthodes attirent les délégations internationales venant y piocher des idées.
20 ans après sa création, Osmose reste plus que jamais mobilisée. Nouveaux circuits, adoption d’une politique sans plastique et campagnes d’éducation sont au programme. Misant sur la qualité de ses écotours, l’association poursuit donc ses engagements tant en faveur de la faune locale que des habitants d’un lieu unique en son genre.
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