Une réunion de professionnels et officiels du secteur touristique s’est tenue mardi 27 octobre 2020, détaillant les éléments d’un plan directeur amené à modifier en profondeur le visage de la cité des temples.
La salle de conférence du Malis Siem Reap, en ce mardi 27 octobre 2020, était pleine. Plus de 100 professionnels exerçant dans le secteur du tourisme s’y sont retrouvés afin de prendre connaissance des nouveaux projets qui présideront à l’avenir de la ville durant les 15 prochaines années. Rassemblés autour de S.E. Pov Piseth, vice-gouverneur de Siem Reap, les membres du CHA (Cambodia Hotel Association) et du CTF (Cambodia Tourism Federation) ont longuement abordé les problématiques inhérentes à la crise sans précédent qui touche la ville et sa région. Si le constat est alarmant, un train de réponses concrètes et planifiées permet néanmoins d’entrevoir le rebond tant espéré.
Une baisse de fréquentation dépassant les 99 %
2019 a été marqué par une baisse inattendue de la fréquentation touristique. Siem Reap avait ainsi perdu en l’espace d’une année près de 400 000 visiteurs, soit 14,8 % de touristes en moins. Si les autorités ainsi que les professionnels misaient sur un retour à la normale en 2020, l’apparition dès janvier dernier des premiers cas de Covid-19 et la propagation fulgurante de la maladie ont mis fin à tout espoir d’amélioration à court terme. À mesure que la pandémie gagnait du terrain, les statistiques plongeaient de manière dramatique, accusant en avril une différence de 99,64 % par rapport au même mois de l’année précédente. Seulement 654 visiteurs ont alors été dénombrés en ville, contre 185 400 en avril 2019.
La situation ne s’est depuis guère améliorée, même si le tourisme domestique a permis à la ville de connaître un léger regain d’activité. Un assouplissement des conditions d’accès au royaume a aussi contribué à attirer quelques rares touristes. Malgré cela, les temples d’Angkor, inscrits au Patrimoine mondial de l’UNESCO et régulièrement élus comme « Meilleure destination touristique et culturelle », restent désespérément vides. Tout comme les hôtels et restaurants de la ville, qui éprouvent les plus grandes difficultés à faire face à la situation. Sur les 476 établissements hôteliers recensés à Siem Reap, seuls 170 demeurent en activité. Les restaurants subissent eux aussi la crise, tout comme les salons de massage, les musées, les attractions culturelles et artistiques ainsi que les chauffeurs de bus et de tuk tuk. Sans omettre les 5 816 guides qui se trouvent souvent contraints de changer d’activité.
Se tenir prêt pour l’après-Covid
Même si de nombreuses incertitudes demeurent, les perspectives pour 2021 se montrent assez sombres et laissent peu de place à l’espoir : seulement 24 000 touristes sont attendus dans une ville qui en accueille d’habitude cent fois plus. Pourtant, cette crise prendra un jour fin, et le Cambodge entend bien être prêt pour faire valoir tous ses atouts. C’est dans ce cadre que le plan directeur 2020-2035 entre en jeu, proposant son lot de projets destinés à rendre la ville et ses alentours plus attractifs que jamais. Les représentants du CHA et du CTF, qui ont participé à l’élaboration de ce plan aux côtés des autorités locales, se sont succédés à la tribune afin d’en détailler les points les plus stratégiques.
Au nord de la région, des zones telles que les monts Koulen et Banteay Srei permettront de jouer la carte d’un tourisme vert qui compte de plus en plus d’adeptes. Ce dernier district, qui abrite l’un des plus admirables temples angkoriens, devrait bientôt voir se développer un écotourisme basé sur l’agriculture et l’artisanat. Chambres chez l’habitant, mise en valeur des produits locaux et séjours à la campagne devraient attirer de nouveaux types de visiteurs avides de nature et de culture. Le même axe de l’écotourisme est abordé dans les monts Koulen, en y rajoutant les thèmes de l’aventure, de l’archéologie et de la méditation.
La création d’un réseau de sentiers permettra d’effectuer des randonnées dans ce berceau de la civilisation angkorienne. À ce titre, les recherches archéologiques en cours pourraient elles aussi intéresser toute personne désireuse d’assister aux fouilles ou de comprendre des aspects encore peu connus de l’histoire du Cambodge. Ce lieu sacré, qui compte une multitude d’édifices religieux, sera le cadre idéal pour les retraites bouddhistes et les centres de méditation.
Un nouveau visage pour Siem Reap et ses environs
Culture, patrimoine religieux et écotourisme auront aussi la part belle dans les temples d’Angkor, dont les voies d’accès sont en cours d’agrandissement et adaptées à la pratique croissante du cyclisme. L’accent sera mis sur la découverte de temples jusqu’à présent peu fréquentés, permettant ainsi de susciter des séjours plus longs. Siem Reap se trouve quant à elle au cœur du nouveau plan directeur, qui transformera durablement le visage de la ville. La question avait déjà fait l’objet de discussions en 2019, lorsque le tourisme avait connu une première saccade. Le manque de propreté, ainsi que la faiblesse des infrastructures, avaient été soulignés.
« Le plan directeur tient compte de ces remarques et tout sera mis en œuvre pour que Siem Reap redevienne attractive », a assuré le vice-gouverneur, SE Pov Piseth.
« L’accent sera mis sur l’embellissement de la ville et de son environnement. Des zones sans plastique seront mises en place, de nouveaux offices du tourisme seront installés, et tout sera fait pour que les visiteurs conservent le meilleur souvenir possible de leur séjour. Le premier effet visible de cette volonté se déroule actuellement dans 38 rues de Siem Reap, dont les travaux d’agrandissement de la chaussée et la création de trottoirs se termineront dans un an. Une enveloppe budgétaire de 150 millions de dollars américains a été débloquée pour mener à bien ce projet. » Une ville à la fois plus verte et plus soucieuse de la mise en valeur de son patrimoine devrait donc voir le jour au terme de ce schéma.
Au sud, les villages flottants du Tonlé Sap feront l’objet d’une attention particulière, faisant là aussi valoir leur potentiel écotouristique. Les voies d’accès menant aux berges du lac seront agrandies, et les embarcadères améliorés. Pour terminer, une nouvelle zone prendra naissance à l’est de la ville actuelle, autour du futur aéroport, créant ainsi un « grand Siem Reap » capable d’attirer et de retenir les futurs visiteurs en quête d’un tourisme offrant plus d’options qu’autrefois, et dont la qualité sera revue à la hausse.
« Cambodia is waiting for you »
D’autres projets pourraient se rajouter à ce schéma directeur, qui est en cours de finalisation. « Nous y voyons une occasion particulière pour débattre, analyser les problèmes et tenter d’y apporter les meilleures solutions possible. Un échange s’est créé avec le secteur privé, qui a apporté de nombreux éléments que l’on retrouve sur ce plan », a déclaré SE Pov Piseth au cours de son intervention.
Les efforts porteront aussi sur une campagne de communication qui s’affichera sur plusieurs médias, notamment les réseaux sociaux. Le lancement de cette campagne, dont le slogan sera « Cambodia is waiting for you », est néanmoins suspendu au retour du tourisme international. Or, à l’heure actuelle, personne n’est en mesure de prédire quand ce dernier regagnera en vigueur. Trois scénarios sont envisagés, mais même le plus optimiste ne table pas sur une véritable reprise avant 2022/2023.
En attendant, comme l’a répété M. Luu Meng dans son allocution :
« Il est primordial de rester unis et de travailler ensemble à l’avenir du pays. Si nous avons l’occasion de penser sur du long terme, il ne faut pas oublier non plus les épreuves que les Cambodgiens traversent actuellement »
Pour le chef bien connu, qui est aussi président de la Cambodia Tourism Federation, « Siem Reap est touchée de plein fouet, mais d’autres provinces le sont aussi. Il faut que tout le monde reste solidaire. Celles et ceux qui vivent ici devraient en profiter pour sortir au restaurant, pour visiter les endroits fabuleux qui parsèment le pays. C’est le meilleur moyen de soutenir un tissu social et économique qui en a besoin plus que jamais . »
Texte et photographies par Rémi Abad
Kommentare