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Diaspora & Photographie : le photographe Kim Hak immortalise la communauté khméro-japonaise

Des œuvres d’art qui racontent l’histoire peu connue de la vie des réfugiés cambodgiens au Japon seront exposées à « ALIVE IV » à Tokyo et Yokohama, au Japon, en août et septembre prochains.

Penn Setharin, une de ces Cambodgiennes qui ont reçu une bourse pour étudier au Japon en 1974, avant la chute de Phnom Penh. Photo KIM HAK
Penn Setharin, une de ces Cambodgiennes qui ont reçu une bourse pour étudier au Japon en 1974, avant la chute de Phnom Penh. Photo KIM HAK

Kim Hak, photographe cambodgien, a rassemblé des photos de cassettes de musique provenant de camps de réfugiés et de passeports datant de plus de 40 ans pour raconter les souvenirs de familles cambodgiennes au Japon.

« Le travail du projet ALIVE vise à préserver les souvenirs du peuple cambodgien qui a traversé l’ère des Khmers rouges en se concentrant sur les objets », explique le photographe.

Hak est né dans la province de Battambang, deux ans après la chute du régime génocidaire des Khmers rouges. Il s’intéresse à cette époque depuis sa plus tendre enfance et se souvient avoir entendu des histoires au sein de sa famille.

Kim Hak est passé d’une carrière dans le tourisme à la photographie, tant au niveau local que dans les pays de la région, en rêvant de sensibiliser la population régionale et mondiale à l’histoire de sa patrie.

Il a lancé le premier projet ALIVE au Cambodge en 2014, puis a poursuivi avec ALIVE II, tourné en Australie en 2015 et ALIVE III, réalisé en Nouvelle-Zélande en 2018. Pour cela, il a travaillé en étroite collaboration avec les Cambodgiens réfugiés à l’étranger.

Avec le soutien de l’Asia Centre de la Japan Foundation en 2020, il a passé trois mois à effectuer des recherches sur la communauté cambodgienne au Japon. Il s’est rendu dans le pays cinq ou six fois en collaboration avec des groupes artistiques japonais, mais il n’avait jamais rencontré le moindre Cambodgien.

« Lorsque les gens au Cambodge parlent de réfugiés, ils pensent généralement à trois pays — les États-Unis, l’Australie et la France. Nous entendons rarement parler de la Nouvelle-Zélande ou du Japon. Le Japon en particulier, nous n’y pensons même pas. C’est la raison pour laquelle j’ai voulu faire ce travail là-bas », dit-il.

Selon un rapport du Haut Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés, de 1975 à 1997, le Japon a accepté 1 223 réfugiés cambodgiens sur les 10 727 réfugiés indochinois.

  Hagiwara Kanna (photo sur le passeport) était l'un des 15 premiers réfugiés cambodgiens. Hak a pris des photos de passeports datant d'il y a plus de 40 ans pour raconter les souvenirs des familles cambodgiennes au Japon. Photo KIM HAK
Hagiwara Kanna (photo sur le passeport) était l'un des 15 premiers réfugiés cambodgiens. Hak a pris des photos de passeports datant d'il y a plus de 40 ans pour raconter les souvenirs des familles cambodgiennes au Japon. Photo KIM HAK

« Je me suis demandé s’il y avait des Cambodgiens vivant au Japon. J’effectue des recherches avant de commencer un projet, en rencontrant certaines des communautés khmères du pays de destination », ajoute-t-il.

Le projet « ALIVE IV » a été mené au Japon, où il a sélectionné les régions où vivent de nombreux Khmers : les préfectures de Kanagawa, Tokyo et Saitama. Il a rendu visite à 12 familles cambodgiennes pour discuter, a écouté leurs histoires et a ensuite pris des photos d’objets liés à leur histoire de survie.

« Au Japon, l’histoire des réfugiés cambodgiens s'avère un peu différente de celle des autres pays, car je me concentre sur les Cambodgiens qui étaient partis là-bas pour étudier. Lorsque les Khmers rouges ont pris le pouvoir, ils sont restés bloqués », explique Hak.

Selon lui, la plupart des discussions sur les victimes de l’époque des Khmers rouges portent sur celles et ceux qui ont vécu sous le régime alors que les étudiants coincés à l’étranger ont également été confrontés à des privations, des problèmes psychologiques et un avenir incertain.

« Lorsqu’ils ont quitté le pays pour étudier, ils s’attendaient à revenir après avoir obtenu leur diplôme. Pendant l’ère des Khmers rouges, ils n’ont pas pu revenir. Ils ont perdu toute communication avec leur famille, n’avaient aucune idée de ce qui se passait au Cambodge, de ce qui arrivait à leurs amis et à leur famille. Beaucoup d’entre eux ont souffert de maladies mentales en conséquence », explique-t-il.

Dans le cadre de ses recherches, Hak a également rencontré et photographié les familles des premiers anciens réfugiés cambodgiens arrivés au Japon après l’ère des Khmers rouges.

« Il y a un an, l’un des membres de la famille que j’avais photographié est décédé. J’ai l’impression d’être plus que jamais attaché à ce projet », dit-il.

Partager le passé et se connecter vers l’avenir

Comme le projet se poursuit de chapitre en chapitre, l’artiste a tenté de trouver des éléments différents sur lesquels se concentrer d’une exposition à l’autre. Lors de la fuite au Japon, par exemple, des objets tels que des montres, des photos de famille et des boucles d’oreilles ont fait office de « véhicules » des souvenirs de leur pays d’origine vers un nouveau pays.

« Nous essayons de trouver des choses qui n’ont pas été recherchées ou compilées en détail, comme la musique. Je sais qu’à l’époque des Khmers rouges, les gens n’avaient pas le droit d’écouter de la musique et que de nombreux artistes sont morts et ont disparu », explique Hak.

Comme les Cambodgiens aimaient encore la musique, une famille a vendu des disques et des cassettes à leurs compatriotes dans les camps de réfugiés. Les cassettes ont également voyagé avec eux lorsqu’ils ont quitté le camp et se sont rendus à leur destination finale.

« Quand ils sont arrivés au Japon, ils ne pouvaient plus faire de commerce. Les cassettes n’étaient donc plus utiles, mais ils les ont tout de même conservées », déclare-t-il.

Il y a d’autres objets inutiles, mais notables que certains Cambodgiens au Japon ont gardés, comme un passeport qui a été émis à l’époque de Lon Nol.

« Son passeport n’était plus valide, mais il l’a quand même gardé, car il fait partie de ses souvenirs historiques », confie le photographe.

Ces objets seront présentés dans l’exposition « ALIVE IV », qui est parrainée par la New Zealand Rei Foundation Limited. Elle vise à souligner l’importance du partage des souvenirs du passé et de la connexion avec l’avenir.

L’exposition donnera également l’occasion aux enfants cambodgiens du Japon d’engager un dialogue sur l’histoire de leur famille, et encourage les personnes de toutes nationalités à se comprendre et à s’accepter sans barrières culturelles.

Les documents de Sok Phorn, dont la famille a apporté plus de 300 cassettes musicales d'un camp de réfugiés au Japon en 1987. Photo KIM HAK
Les documents de Sok Phorn, dont la famille a apporté plus de 300 cassettes musicales d'un camp de réfugiés au Japon en 1987. Photo KIM HAK

« Les Khmers ont leur propre identité, leur langue, leur nourriture, leurs vêtements, etc. Mais ils acceptent aussi la culture du pays dans lequel ils vivent. Ainsi, la culture des familles cambodgiennes-japonaises au Japon est similaire à celle des Japonais », raconte-t-il.

L’exposition aura lieu du 19 au 28 août à Spiral Garden à Tokyo et du 9 au 25 septembre à Elevated Studio Site-A Gallery à Yokohama, avec la participation des exposants.

« À Tokyo, nous voulons que la communauté japonaise voie et entende parler de la diaspora cambodgienne sur place, et nous avons décidé de le faire dans la préfecture de Kanagawa parce qu’elle est si proche des nombreux Cambodgiens qui vivent à Yokohama. Nous inviterons les familles cambodgiennes au Japon, principalement parce que c’est un hommage qui leur est rendu. Nous voulons qu’elles participent autant que possible au jour d’ouverture des deux expositions », déclare-t-il.

Son troisième livre, « ALIVE III », a été acheté par l’Auckland War Memorial Museum et conservé comme une ressource importante pour les générations futures :

« Le Japon m’a demandé de publier un livre pour soutenir “ALIVE IV”, alors je l’ai fait. »

Le livre d’accompagnement d’ALIVE IV compte 264 pages. Il se concentre sur plus de 40 photographies prises au Japon, avec quelques images d’ALIVE III pour servir de pont d’un chapitre à l’autre.

Comme d’habitude, chaque fois que Hak fait une exposition à l’étranger, il essaie toujours d’apporter son travail au Cambodge :

« Avec le chapitre III, après l’exposition en Nouvelle-Zélande, je l’ai ramené au Cambodge, où il a été exposé au centre Bophana. Pour le chapitre IV, je ferai des plans une fois que le travail au Japon sera complètement terminé », explique-t-il, ajoutant :

« Mon objectif est de faire au moins sept chapitres. Le chapitre V sera en Europe, et nous choisirons un ou deux pays pour représenter l’Europe, car nous ne pouvons pas aller partout. Le sixième chapitre sera américain, et le Canada sera le septième. Une fois que tout sera terminé, nous compilerons le tout dans un grand ouvrage ».

Pan Simala avec notre partenaire The Phnom Penh Post

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