Chers lecteurs, dans notre série de portraits de Khmers atypiques à travers le monde, nous retournons aujourd’hui en France pour parler du journaliste et présentateur TV Raphal YEM. Connu pour son engagement contre les inégalités en tout genre, ce Khmer de France à la personnalité solaire n’hésite pas à se mettre en scène pour dénoncer le racisme (notamment lors de la cérémonie nationale lanceuse d’alerte Y’a Bon Awards).
Auparavant à la radio Radio Nova. France Culture, France Inter, mais aussi animateur TV sur MTV dès 2011, nous le retrouvons actuellement dans l’émission Culturebox sur France 4, dans 2H2L sur France 2 et sur le réseau France 3.
« RAPHAL YEM est LE SEUL KHMER représentant notre communauté sur un réseau national.»
Découvrez ou redécouvrez cet homme au parcours et à la famille hors du commun.
L’histoire de votre famille est passionnante. Feu votre grand-père était un homme puissant au Cambodge. Décrivez-nous ses activités en quelques mots
Mon grand-père était entrepreneur, il possédait des plantations de caoutchouc. Il a voulu rester au Cambodge auprès de ses ouvriers quand mes parents en sont partis précipitamment. Il pensait les rejoindre, ça n’est jamais arrivé : je ne l’ai évidemment jamais connu.
Votre mère de ce fait évoluait dans un milieu privilégié. Pouvez-vous nous en dire plus sur ses fonctions au Srok ?
Issue de la bourgeoisie, elle était entre autres une danseuse Apsara du Ballet Royal du Cambodge. Elle a aussi été mannequin, et surtout, hôtesse de l’air.
Les Khmers rouges envahissent la capitale. Une anecdote incroyable se passe alors qu’elle essaye de rejoindre votre père, alors professeur, avec un taxi : racontez-nous
Elle vit que les couloirs aériens fermaient, puisqu’elle travaillait pour la compagnie aérienne nationale. C’était le signal pour fuir le pays d’urgence. Sa famille l’a rejoint, mais pas mon père, bloqué de l’autre côté de Phnom Penh. Elle a alors donné tous les bijoux qu’elle avait sur elle à un chauffeur de taxi pour qu’il aille le récupérer… «
Arrive alors leur exode en France et l’installation en Normandie. Comment se déroule leur nouvelle vie ?
Ce fut un changement que l’on pourrait qualifier de radical. Mes parents pour survivre devinrent ouvriers et durent, comme beaucoup, s’adapter aux us et coutumes locaux, totalement nouveaux pour tous, et bien sûr apprendre une nouvelle langue.
Vos parents grâce aux fruits de leur dur labeur, deviendront précurseurs de certains commerces. Lesquels ?
N’ayant cesse de travailler, ils réussirent alors à mettre en place la première épicerie asiatique de Caen, puis plus tard ils ouvriront le premier restaurant asiatique de la ville, tenu par des Cambodgiens.
De votre côté, vous connaissez une enfance principalement imprégnée par la culture française. Quels en sont vos principaux souvenirs ?
Nous communiquions uniquement en français, le khmer étant réservé à mes parents, plutôt lors de leurs disputes (rires)
En quoi retrouverez-vous la culture khmère dans votre foyer ?
Principalement dans la présence d’un autel dédié à la mémoire de nos aïeux, et dans nos assiettes.
On vous parle peu de cette période noire au Cambodge. Quand surviennent vos premières interrogations sur le sujet ?
Les mêmes interrogations reviennent de façon récurrente chaque été, étant curieux de découvrir mes racines, et motivé notamment par les exemples de mes amis rentrant dans leurs pays d’origine respectifs durant les deux mois de vacances. Et à chaque fois, la même réponse : « l’année prochaine ». Mes demandes n’aboutiront jamais… Raison pour laquelle plus tard, je m’envolerai seul pour Phnom Penh, en sac à dos.
Plus tard, vous tomberez sur des lettres jusqu’alors plutôt secrètes de correspondance entre votre mère et des personnes au Srok khmer. Racontez-nous l’idée incroyable qui vous vient alors à l’esprit ?
Probablement insatisfait de ne pouvoir fouler le sol de mes ancêtres, je décidais de manière aventurière de partir en quête du lointain expéditeur de ses lettres et de découvrir un visage derrière ces signatures : le temps de découvrir le Srok khmer était venu.
Lors de votre atterrissage au Royaume, votre corps et votre esprit ressentent alors un bien être particulier. Quel est-il ?
« Je sors de l’avion, un premier pas sur les marches de l’escalier métallique sur le tarmac, et je suis comme immédiatement enveloppé par une moiteur familière, que je ne connaissais pourtant pas ».
Quels seront les moments forts de votre premier séjour ?
Sans hésitation, être entouré de personnes ressemblant aux miens et entendre parler le khmer de façon incessante et pour la première fois de ma vie.
« C’est un sentiment à la fois perturbant, pour l’Occidental que je suis, et rassurant, pour l’Oriental que je découvre être. »
Votre fer de lance reste la diversité, les inégalités sociales, mais aussi le vivre ensemble. Quelles en sont vos expériences les plus marquantes ?
« J’ai grandi, dans tous les sens du terme, dans un quartier populaire, en banlieue. C’est mon identité la plus forte, je suis donc marqué par les combats qu’elle porte en son sein : inégalités sociales, discriminations, relégations. On m’a souvent présenté comme un “Chinoir”, un barbarisme, comme pour associer mon ''asidentité'', et tout le reste, de la négrophobie à l’islamophobie, contre lesquelles je me suis toujours opposé. »
Votre implication pour la communauté asiatique se solidifiera réellement avec un projet commun suite à un triste événement d’actualité. Racontez-nous ce projet
Ce fut suite à un appel du collectif nommé Asiatiques de France, afin participer à un clip dénonçant le racisme anti-asiatique, et mettant en scène des personnalités médiatiques originaires de toute l’Asie.
Votre notoriété vous permet désormais de pouvoir mettre en avant nombre de causes. Y en a-t-il une en particulier que vous pourriez mettre en avant pour le Cambodge ?
Possiblement mettre à profit mon expérience dans les médias en direction des jeunes Khmers, sur place. Ce qui se passe là-bas en termes de culture, voire de pop culture m’intéresse et me bluffe au plus haut point.
Sinon, j’accompagne quand elles me le demandent les actions d’associations comme Samaki Kon Khmer ou PSE ici en France, au service de la communauté.
Enfin, un prochain retour au Srok de prévu ?
Lorsque ma fille sera en âge, mon souhait serait de l’amener : « fouler la terre de sa grand-mère, suivre le Mékong ou le Tonlé Sap, s’émerveiller de la magnificence des temples d’Angkor…».
Par Chantha R (Françoise Framboise)
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