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Dettes, mensonges, désespoir : Une production cambodgienne dévoile le visage moderne de la cupidité

Assise sous une lumière tamisée, une Cambodgienne montre sur l’écran d’un téléphone portable une liasse de faux billets de banque tout en vociférant les mérites d’une lotion blanchissante pour la peau qu’elle essaie de vendre en ligne.

Affiche promotionnelle du film Covid-19 Life Crisis de Huy Yaleng. Photo fournie
Affiche promotionnelle du film Covid-19 Life Crisis de Huy Yaleng. Photo fournie

« Mes chers amis, si cette lotion n’éclaircit pas votre peau, vous pouvez me la renvoyer dans la figure », dit-elle avec un enthousiasme proche du désespoir pour tenter de convaincre les acheteurs potentiels.

Ce genre d’argumentaire de vente est couramment entendu sur les médias sociaux de nos jours par des hordes de vendeurs en ligne intrigants qui colportent des produits de beauté à qui veut bien les entendre.

« Dépêchez-vous de vous la procurer ! Si cette lotion n’était pas efficace, comment aurais-je gagné tout cet argent ? » demande la jeune femme, bien que ses rêves de devenir millionnaire soient probablement encore loin — à moins qu’il n’y ait réellement des millionnaires qui crient toute la journée sur Facebook à propos de leur peau au lieu d’engager quelqu’un pour le faire à leur place.

Dans une autre session en ligne, son mari — qui a les cheveux gominés et porte un costume — prêche à ses adeptes les méthodes pour devenir riche.

« Jack Ma est un millionnaire chinois. Il a dit un jour que si vous restez toujours sur la terre ferme, vous n’apprendrez jamais à nager. C’est la même chose ici. Si vous ne faites pas d’investissements, comment pouvez-vous apprendre à gagner de l’argent ? Il faut se mouiller les pieds », dit-il.

Une foule de jeunes aspirants magnats de l’immobilier scandent alors : « Je peux le faire ! Je vais devenir millionnaire ! »

Il n’y a rien de mal à rêver grand, mais les pratiques commerciales douteuses et les boniments employés par ces vendeurs de produits de beauté en ligne et promoteurs immobiliers sont plus susceptibles de donner des cauchemars à quiconque suit leurs conseils.

Les acteurs Yem Sreypich (à gauche) et Huy Yaleng à la première de Covid-19 Life Crisis le 19 mai. Photo fournie
Les acteurs Yem Sreypich (à gauche) et Huy Yaleng à la première de Covid-19 Life Crisis le 19 mai. Photo fournie

« Covid-19 Life Crisis » est une histoire fictive qui aborde ce dilemme du monde réel. Dans le film, qui raconte l’histoire d’un couple qui poursuit le rêve de devenir millionnaire, la famille s’enrichit brièvement, mais gâche sa fortune par la cupidité, les mensonges et les fausses promesses. Leur vie prend des tournants inattendus, exacerbés par la pandémie.

Le film met en vedette Yem Srey Pich dans le rôle principal féminin et le producteur exécutif Huy Yaleng s’est attribué la vedette masculine.

« La raison pour laquelle j’ai produit ce film était en partie une réponse à la crise sans précédent du Covid-19 à laquelle tout le monde est confronté depuis 2019 et, bien qu’elle semble toucher à sa fin, je ne pense pas que nous devions l’oublier », explique l’acteur, réalisateur et producteur de 43 ans.

« Je voulais vraiment faire ce film pour que la prochaine génération se souvienne de la façon dont le Cambodge a lutté pour surmonter la crise du Covid. »

Plutôt que de couvrir les nombreux problèmes qui se sont produits pendant la pandémie, Yaleng a choisi de se concentrer sur deux tendances en plein essor dans le Royaume — les ventes en ligne et les investissements immobiliers, car, selon lui, une grande partie de l’activité impliquée dans les deux est trompeuse, frauduleuse et difficile à réglementer.

« Avec le soutien du public pour mon film dramatique précédent, Fathers, qui était basé sur l'histoire vraie d’un conducteur de cyclo désespéré dans la ville animée de Phnom Penh, j’ai voulu faire un autre film basé sur des histoires réelles.

« L’histoire est tirée d’histoires vraies de différentes personnes, dont des amis et des connaissances dans les secteurs de la vente en ligne et de l’immobilier. Il s’agit de problèmes dont beaucoup de gens ont conscience, dont ils parlent ou qu’ils ont rencontrés pendant la pandémie », explique-t-il.

Ce film de 130 minutes est réalisé en langue khmère et sera sous-titré en chinois et en anglais. Il a été produit par Kakthachey Films, la société appartenant à Yaleng.

Sreypich et Yaleng sur le plateau entre deux prises lors du tournage de Covid-19 Life Crisis. Photo fournie
Sreypich et Yaleng sur le plateau entre deux prises lors du tournage de Covid-19 Life Crisis. Photo fournie

« Récemment, la grande tendance dans le cinéma local était les films de fantômes ou d’horreur destinés à un public de jeunes, qui sont divertissants, mais ne laissent pas vraiment d’impact durable sur le public ou ne lui apprennent rien sur la vie. Je veux que les jeunes ressentent quelque chose en regardant mes films et réfléchissent à ce qu’ils viennent de voir », dit-il.

« Je tiens à remercier sincèrement le gouvernement royal du Cambodge qui a permis l’ouverture des cinémas et la reprise de la production cinématographique. À ce stade, l’industrie a besoin du soutien du gouvernement pour se développer », ajoute Yaleng.

Le producteur admet que, même avec des investisseurs et des ressources à sa disposition, il a dû faire face à des difficultés. La production du film a coûté environ 70 000 dollars, auxquels s’ajoutent 10 000 autres consacrés au marketing et à la promotion. Des sommes infimes comparées à la plupart des budgets hollywoodiens, mais un investissement considérable pour toute oeuvre réalisée au Cambodge.

« En tant que producteur, la pandémie me vidait les poches. J’avais des dépenses récurrentes, mais aucun revenu. Pour continuer à produire, je n’avais pas d’autre choix que d’emprunter de l’argent à la banque pour couvrir les coûts de production. Et quand nous avons fait cela, nous ne savions pas vraiment quand les cinémas allaient rouvrir. C’est une prise de risque importante : si le film est un flop, notre société peut faire faillite.

« Un autre défi est que nous ne pouvons pas présenter physiquement le film pour le projeter à l’étranger, même si nous allons nous joindre virtuellement à certains festivals de cinéma en Chine, aux États-Unis et en Malaisie, et à la fin de 2022, j’apporterai « Covid-19 Life Crisis » pour une projection à Busan, en Corée du Sud », dit Yaleng.

Yaleng, qui a produit et joué dans des films de fantômes et d’horreur par le passé, annonce qu’il en a fini avec ce genre pour le moment et révèle que son prochain projet sera un film dramatique avec une leçon de vie en filigrane, même si les profits potentiels de tels films sont inférieurs à ceux des histoires de fantômes.

La cupidité tourne au désespoir dans une scène mettant en scène Yaleng dans le film Covid-19 Life Crisis. Photo fournie
La cupidité tourne au désespoir dans une scène mettant en scène Yaleng dans le film Covid-19 Life Crisis. Photo fournie

« Je veux que plus de gens regardent ce genre de films sérieux, pour qu’ils ne pensent pas que le cinéma cambodgien ne se résume qu’à des films d’horreur. Nous pouvons faire quelque chose de mieux et de plus original », dit-il.

Yaleng — qui est souvent le scénariste, le réalisateur, le producteur et la vedette de ses propres films — exhorte également les sociétés de production locales à nouer des relations avec le département du cinéma du Cambodge afin de pouvoir présenter ensuite leurs œuvres dans des festivals internationaux.

« Pour élargir les possibilités de présenter notre travail, la qualité de notre production devrait être reconnue par le département du cinéma du Cambodge. Ils peuvent évaluer nos scénarios et juger de la qualité de notre travail pour déterminer si nous sommes prêts pour les festivals internationaux », dit-il.

Ce producteur né dans le Banteay Meanchey a projeté ses précédents films en Thaïlande, au Laos, à Brunei, en Malaisie, en Chine, à Hong Kong, en France et aux États-Unis, mais sa plus grande ambition est simplement de voir les Cambodgiens venir regarder ensemble des films réalisés localement dans les cinémas du Royaume, comme de grandes familles heureuses.

« Je veux vraiment que les familles cambodgiennes apprécient les films de leur pays, c’est le premier objectif. Mais si nous voulons aussi que les films locaux acquièrent plus de reconnaissance en Asie et attirent ensuite l’attention des studios et des distributeurs d’Hollywood, nous devons tous travailler ensemble avec nos collègues producteurs et réalisateurs du secteur ici et avec notre public, nous pouvons réaliser ce rêve », conclut Yaleng.

« Covid-19 Life Crisis » a été présenté en avant-première le 19 mai et est encore projeté au Legend Cinema, au Major Cineplex by Smart et au Prime Cineplex Cambodia.

Pann Rethea avec notre partenaire The Phnom Penh Post

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