À l’occasion des vacances toutes proches du Nouvel An khmer, retour sur les destinations proposées par Cambodge Mag :
Autrefois centre de traitement et de commerce du bois durant le protectorat français, la région abrite de beaux spécimens de résineux, Chhlong est ensuite tombé dans l’oubli sans qu’on sache vraiment pourquoi, même si le commerce du bois y fut toujours plutôt actif.
Ouvert depuis quelques mois seulement, le Relais de Chhlong est aujourd’hui une splendide demeure de maître
Le village de Chhlong se trouve à une heure de route de Kratié et environ quatre heures depuis Phnom Penh. Pendant de longues années, Chhlong demeura essentiellement un lieu de pause romantique où s’arrêtaient les touristes se rendant dans le Ratanakiri ou à Kratie, pour ceux qui avaient entendu parler de ces demeures coloniales, témoignages d’un passé un peu jauni et évoquant immanquablement cette nostalgie de la douce et regrettée Indochine française.
Il y eut bien quelques tentatives d’ouvertures de maisons d’hôtes pour attirer un peu plus de visiteurs vers ces témoignages du passé, louable, mais rien qui ne puisse justifier un véritable séjour, jusqu’à ce qu’ils osent… Ils, ce sont trois Français, dont un Franco-khmer qui ont acheté l’une des plus belles demeures coloniales du village et ont entrepris de lui redonner son faste et sa beauté d’antan. Coup de cœur ? Probablement. Ouvert depuis quelques mois seulement, le Relais de Chhlong est aujourd’hui une splendide demeure de maître nichée au milieu d’un parc verdoyant et proposant plusieurs suites pour les amoureux de l’autre tourisme, celui qui vous apprend, celui d’ailleurs, celui qui remonte le temps.
Téa Barang… Notini (la maison française ici…) explique un villageois tout souriant montrant du doigt une entrée discrète sur une allée menant vers un parc où fleurissent insolemment frangipaniers, palmiers royaux et autres plantes tropicales tellement propices à cette ambiance si particulière.
Des endroits vous émerveillent, d’autres vous rappellent vos rêves d’enfant, mais celui-là est différent, douce ambiance particulière avec des parfums de mousson et de Mékong, de cartes sépia et de gramophone. De carte postale, c’est bien de cela qu’il s’agit, d’un moment figé au nitrate d’argent qui se serait décidé à bouger, frémissant, magique et inattendu, telle cette rose pourpre qui emportait Mia Farrow vers ses rêves.
Dès le franchissement de l’entrée, les objets parlent : contre l’un de ces énormes piliers, des valises d’époque attendant l’embarquement de leur propriétaire négociant probablement une cargaison de bois auprès d’un commerçant chinois ; au plafond sculpté, des ventilateurs équipés de vieilles hélices d’avion et défiant les lustres de fer forgé, brassent l’air inlassablement, perturbant à peine secrétaires, guéridons et bibelots impeccablement lustrés comme l’exigeaient les maîtres de la Belle époque.
La vieille demeure centenaire a rajeuni telle une Gloria Swanson de l’architecture qui aurait décidé qu’il y avait et qu’il y aura toujours de belles maisons au bord du Mékong. « … il est difficile de savoir ce qu’était ce bâtiment autrefois… il n’y a pas de littérature précise… », explique Élise qui avait pris en main les destinées de l’hôtel en compagnie de Pierre-Olivier en 2018, tous deux Français, professionnels de l’hôtellerie et tombés forcément sous le charme.
« … je connais cette maison depuis 2007, elle a été le sujet de mon mémoire de fin d’études… », raconte Pierre-Olivier, ajoutant que le concept développé pour redonner vie à cette demeure tient plus du tourisme culturel et de l’art de vivre que du divertissement traditionnel, même si un séjour au Relais peut aussi être sportif avec des promenades en kayak, des randonnées en bicyclette ou la visite des dauphins de l’Irrawaddy, l’attraction clé de la ville voisine, Kratié.
En attendant de pouvoir proposer des croisières de luxe sur le Mékong avec Chhlong en point d’orgue d’une immersion bien coloniale, il est toujours possible de chiner vers le marché voisin avec ses agitations matinales et, là aussi, découvrir quelques bâtiments de l’époque du protectorat.
Las, beaucoup de ces imposants vestiges manquent de passionnés pour envisager une réhabilitation. Certains servent de gargote, d’autres sont tout simplement inhabités et seuls les rez-de-chaussée accueillent les foulards colorés des jolies Cham vendant leur poisson pêché la veille. Chhlong était la capitale du bois, c’est aussi l’abri de nombreuses communautés de pêcheurs.
À l’opposé du marché, à cinq minutes de marche le long du fleuve bordé par d’élégantes maisons khmères traditionnelles, une petite forêt de Dipterocarpaceae ou quelques groupes de lycéens s’amusent en souriant aux rares visiteurs, de ces sourires bien plus spontanés que ceux de la capitale.
Ici la vie maîtrise encore le temps, la langueur de jadis semble avoir survécu à l’effervescence qui agite les autres villes du royaume. Et, c’est un peu cela qui rend un séjour à Chhlong si particulier, il y a la nostalgie, un livre d’histoire, le majestueux Mékong, les authentiques couleurs khmères et une certaine idée du temps…
Maisons khmères le long du Mékong
Le Relais de Chhlong
Texte et photographies par Christophe Gargiulo. Pour consulter plus de photographies, cliquer ici…
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