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Photo du rédacteurChristophe Gargiulo

Cinéma : Patrick Pittavino, « l'homme aux 500 films » amoureux du Cambodge

« Je vous préviens, si vous me laissez parler, nous sommes encore là ce soir », annonce d’emblée Patrick Pittavino, notre invité chez Khéma La Poste et qui compte à son actif environ 500 participations au cinéma comme dresseur de chiens, animalier ou encore « psychologue canin » selon les appellations qui doivent convenir aux tendances de notre époque. C’est au cours du tournage du film « Deux Frères » de Jean-Jacques Annaud, qui sortira sur les écrans français en 2004, que Patrick Pittavino tombera définitivement amoureux du Cambodge.

Vrai que l'homme est prolixe, jovial et se trouve apparemment ravi de pouvoir partager mille et une anecdotes de tournage. Il nous citera ses rencontres avec Kirk Douglas, Alain Delon, Johnny Depp, Gérard Depardieu, Alain Chabat...et bien sur pléthore de réalisateurs prestigieux qui ont fait appel à ses services tant la réputation de l'homme est établie depuis plusieurs décennies. Le secret de cette réussite, dit-il, « aimer les animaux bien évidemment, savoir les préparer et rester à l'écoute de ce qu’attendent les réalisateurs ».

 

Entretien avec une légende du cinéma

 

Parlez-nous un peu du tournage qui vous a amené la 1re fois au Cambodge au début des années 2000

Cela venait d’une demande de Jean-Jacques Annaud, avec qui j’avais déjà travaillé, notamment sur L’ours. Quand il préparait le film Deux Frères, il cherchait des chiens pour celui de l’enfant qui se fait tuer par le tigre et le chien du chasseur.

Donc on se voit, on discute un petit peu et Jean-Jacques me montre des dessins, c’est sa méthode de travail, il me dit, « tiens regarde, si tu trouves quelque chose qui ressemble à ça ». Je regarde, trouve les chiens qui correspondent et il me dit, après une présentation que c’était exactement ce qu’il attendait. Il fallait ensuite effectuer une sélection et je prends un chien, lui fais faire quelques exercices et Jean-Jacques me dit en désignant un des chiens :

« OK, c’est lui parce ce n’est pas un chien, c’est un acteur. »

Et c’est ainsi que mon équipe et moi avons atterri sur ce tournage.

Puis, j’ai rencontré le dresseur de fauves Thierry Le Portier, qui devait s’occuper des deux tigres. Je le connaissais un peu et c’était donc assez sympa de travailler de nouveau avec lui. Thierry avait aménagé un grand terrain, une espèce d’arène pour l’entrainement des animaux. C’était important, car nous ne savions pas comment ces derniers allaient réagir aux conditions de tournage, c’est-à-dire une chaleur assez lourde et beaucoup d’humidité.

Chacun avait ses horaires et je dois dire qu’il y avait du beau monde, les meilleurs je crois, pour les 37 espèces différentes, oiseaux, éléphants…, qu’il fallait faire jouer dans le film.

« Lorsque je me rends sur le terrain avec un assistant, je m’aperçois que tous ces dresseurs, les meilleurs du monde, observent ce que je fais avec les chiens. Ce fut un grand moment de fierté. »

En fait, c’était très instructif pour chacun d’entre nous de voir comment il fallait travailler avec des espèces totalement différentes. Mais, nous avions tous un point commun : la rigueur dans le travail.

Vous travaillez également avec d’autres espèces que les chiens

Effectivement, j’ai travaillé pour la publicité Dior — le lancement du parfum Elixir to Life — avec Johnny Depp et nous nous occupions des loups. C’est un clip dont beaucoup de monde se rappelle, mais le tournage n’a pas été exaltant comme certains autres.

Les assureurs avaient de telles exigences que Johnny Depp était totalement inaccessible en dehors des prises de vue.

Ce sont donc mes seuls domaines d’intervention, car je crois fermement que c’est une profession où il ne faut pas se disperser. Un vieux dresseur disait : « dans la vie, quand on fait une chose, on peut espérer être très bon. Quand on en fait une, deux ou trois, on s’en fout et, quand on en fait énormément, on ne peut être que médiocre. »

Et dans le dressage, en particulier les chiens, il faut beaucoup de temps pour arriver à réaliser des choses très précises et correctes. J’ai eu la chance de travailler avec Thierry Le Portier et d’autres spécialistes pour des espèces différentes. C’était super intéressant, mais si je prends du temps pour faire ça, le travail avec les chiens va baisser en niveau. C’est obligatoire, tu ne peux pas, ou il faudrait plusieurs vies.

C’est un métier où il y a beaucoup de demandes avec un gros potentiel en France et même en Europe. C’est différent aux États-Unis ou un seul dresseur s’occupe de tout, ce qui n’est pas la bonne méthode à mon sens et fausse la perception du métier, tant en termes de qualité que de coûts.

Comment êtes-vous arrivé dans le cinéma ?

Avant le cinéma, je faisais du dressage et organisais des compétitions. C’était un métier, une authentique passion. Puis, un jour, on est venu me demander de préparer une scène avec Anthony Perkins. Mais, dans ce temps-là, je préférais encore le dressage au cinéma. Et j’ai participé au tournage de l’Ours de Jean-Jacques Annaud et là, je me suis fait un nom dans le milieu. C’était quand même sympa. Et après, tout s’est enchaîné. Aujourd'hui, mon équipe et moi avons participé à plus de 500 films.

Existe-t-il des formations dans ce domaine très particulier ?

Alors, aujourd’hui, il y a énormément de formations, toutes aussi mauvaises les unes que les autres. C’est impossible de faire ce boulot si tu n’apprends pas sur le tas. Les animaux, ça ne s’apprend pas, sinon en travaillant avec des professionnels.

« En fait, dans ce milieu, tu trouves les bons, tu travailles avec eux et tu apprends. Et après, il y a quelque chose qui se passe. »

J’ai aussi formé des gens, notamment ceux en charge de la sécurité du métro parisien ou des aéroports. Aussi, je souhaiterais préciser que le ressenti est aussi important que la formation technique. Tu te rends compte quand tu formes des gens que, de temps en temps, tu as beau leur donner toutes les techniques nécessaires, ils avancent, ils avancent… mais il manque quelque chose que tu ne peux pas leur donner : une certaine complicité avec l’animal, un sixième sens, un truc… en fait, il faut « lire » l’animal.

C’est-à-dire que quand tu vois l’animal qui arrive, par sa façon de bouger, sa façon de se mouvoir, tu sais ce qui va se passer avant lui. Donc, là, c’est merveilleux.

Vous avez travaillé sur des petites productions, mais aussi sur des films à succès, dites-nous en un peu plus

J’ai fait des films, tout le monde me dit, ah, tu as fait ça ou ça. Oui. Mais pour moi, ce n’était pas exceptionnel. Effectivement, on ne se rappelle que des succès, mais surtout des films qui ont nécessité beaucoup de travail et d’énergie, comme la série des Astérix.

Sur Astérix, Idéfix est là en moyenne 50 à 60 jours de tournage, ce qui est énorme. Tu dois le préserver parce que c’est un petit chien qui fait moins de cinq kilos. Dans les Astérix, il se passe énormément de choses, il y a plusieurs milliers de figurants, beaucoup de bruit, et tu dois être attentif en permanence.

Quand tu fais des scènes, par exemple les Jeux olympiques où tu as 1000 figurants, la mise en place de l’arrivée des Gaulois dure six heures. C’est difficile et il faut une doublure pour le chien lors de la mise en place lumière et mécanique et, tu dois utiliser une doublure pour ne pas fatiguer « l’acteur principal », en l’occurrence Idéfix.

Comment êtes-vous crédité au générique d’un film ?

Animalier, car, les mots ont changé au fur et à mesure des années. Au début, c’était dresseur et maintenant, il est de bon ton avec les associations de ne pas utiliser ce mot… ça fait méchant. Alors nous sommes tour à tour éducateurs ou même psychologues… cela n’est qu’une question de mots, mais bon… c’est toujours la même profession avec les mêmes personnes.

Travaillez-vous en équipe ?

C’est compliqué. Ça dépend des périodes, mais en préparation, oui. Quand j’ai commencé, j’étais tout seul, puis les demandes se succédant, parfois trois tournages en même temps, j’ai dû constituer une équipe qui sache travailler sur des longs métrages, car ce n’est pas forcément évident. Pour apprendre un métier comme ça, je ne parle pas du dressage, je parle du cinéma, il faut une bonne dizaine d’années.

« Il faut savoir discuter avec un réalisateur ou un producteur, lui proposer des choses. Tu ne connais pas le cinéma, tu ne peux rien proposer. »

Parlez-nous du Cambodge

C’est un peu comme un vaccin, chaque fois que je viens, cela me fait une bonne coupure avec la France. Surtout, je reviens avec des amis, ceux avec qui j’ai travaillé sur le tournage de Deux Frères. Certains se sont même mariés au Cambodge. Donc, ça a été un coup de cœur partagé. C’est un sentiment très présent dans beaucoup d’équipes de film, quelque chose de très particulier. Tous les gens qui ont travaillé sur Deux Frères, quand je les croise, on a « la banane ».

Ce film est plein de bons souvenirs, en raison des décors fabuleux et de la présence d’excellents techniciens du cinéma qui m’ont permis d’apprendre beaucoup sur ce milieu.

Donc, j’essaye de venir dans le pays régulièrement pour des séjours de deux semaines. Même si le pays a beaucoup changé, je garde en mémoire le Cambodge des années 2000, une expérience « dingue », formidable.

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