« Mettre fin à la collision des pandémies de VIH et de COVID-19 par une responsabilité partagée et une solidarité mondiale »...à l’occasion de la Journée mondiale du sida un peu occultée par le premier cas de transmission communautaire au Covid-19 dans le royaume, Vladanka Andreeva (directrice nationale de l’ONUSIDA au Cambodge) et W.Patrick Murphy (ambassadeur des États-Unis au Cambodge) s’expriment dans un édito sur la double difficulté de gérer les deux pandémies.
Une bonne nouvelle, le Cambodge, autrefois pays avec l’épidémie de VIH à la croissance la plus rapide de la région est devenu l’un des premiers pays du monde à parvenir à un contrôle de l’épidémie.
Le 1er décembre — Journée mondiale du sida — est l’occasion de se souvenir des vies perdues, de célébrer les progrès accomplis et de s’engager de nouveau à éradiquer le sida. L’année où les pandémies de virus de l’immunodéficience humaine (VIH) et de COVID-19 sont entrées en collision, le thème de la Journée mondiale du sida 2020 est :
« Solidarité mondiale, responsabilité partagée »
La pandémie COVID-19 a frappé le plus durement les plus vulnérables et a exacerbé les défis auxquels sont confrontées les personnes vivant avec le VIH. Ainsi, toutes les acteurs engagés dans la lutte contre le COVID-19 et le sida — gouvernements, donateurs, chefs religieux, universités, société civile, personnes vivant avec le VIH et population à risque — doivent travailler ensemble pour mettre fin à ce double fléau.
Héroïne méconnue
Theary So est l’une des nombreuses héroïnes méconnues au Cambodge qui se bat contre la double pandémie de VIH et de COVID-19. Elle vit avec le VIH et travaille comme conseillère auprès de l’Association des utilisateurs d’antirétroviraux à Phnom Penh.
« Dans le passé, j’étais une femme au foyer typique. Les gens m’appelaient “sœur aînée”, mais après avoir travaillé sur le site de traitement, les gens m’appellent maintenant “professeure” », déclare Theary avec un grand sourire.
« Je n’ai pas arrêté de venir travailler même si j’ai peur du COVID-19. Je veux m’assurer que les personnes vivant avec le VIH reçoivent leur traitement et leurs conseils. Il est important que nous prenions nos médicaments tous les jours, pour rester en bonne santé et être là pour nos familles »
On estime que 73 000 personnes vivent avec le VIH au Cambodge. Il y a cependant de bonnes nouvelles. Au total, 84 % des personnes vivant avec le VIH sont sous traitement vital et 81 % ont atteint la suppression virale.
Succès du Cambodge
Le Cambodge a atteint la couverture de traitement la plus élevée de tous les pays d’Asie-Pacifique. En 2019, il y a eu 780 nouvelles infections à VIH, soit une baisse de 62 % par rapport à 2010. Le Cambodge a inversé la tendance à ce qui était autrefois l’épidémie de VIH à la croissance la plus rapide de la région pour devenir l’un des premiers pays du monde à parvenir à un contrôle de l’épidémie de VIH.
Le succès du Cambodge en matière de VIH est enraciné dans l’innovation, l’engagement communautaire et les solutions communautaires, de solides partenariats internationaux dans le domaine de la santé et l’engagement politique du gouvernement royal du Cambodge. Ce succès a également jeté des bases solides dans la lutte contre d’autres maladies infectieuses. Cependant, ces gains sont fragiles. L’éradication du VIH nécessite un respect continu et accru des droits de l’homme et de l’égalité des sexes, en particulier pour les populations à risque et les organisations de la société civile qui les défendent et leur fournissent des services.
Stigmatisation
La pandémie COVID 19 a creusé les inégalités sociales et économiques qui accroissent la vulnérabilité des groupes marginalisés au VIH. La pandémie a aggravé le problème de la stigmatisation dans les communautés et reste un défi pour les personnes vivant avec le VIH. Comme pour le VIH, le COVID 19 a généré de l’anxiété chez les prestataires de services de santé et conduit les patients à éviter les centres de santé par peur de l’infection.
« La stigmatisation contribue à la perte de possibilités de travail, à la dépression et à une mauvaise observance des schémas thérapeutiques. Cependant, nous avons les outils pour lutter contre la stigmatisation associée au COVID et au VIH »
Un moyen consiste à renforcer la capacité des prestataires de services de prévenir et de contrôler les infections. Un deuxième exemple est la campagne mondiale « U = U » qui nous apprend que lorsque le VIH est indétectable, il est non transmissible. Les personnes vivant avec le VIH sous traitement qui ont atteint des niveaux indétectables de VIH dans le sang ne peuvent pas transmettre la maladie. Cela réduit la stigmatisation fondée sur la peur et donne de l’espoir aux personnes vivant avec le VIH. Cela peut également encourager les personnes à risque à faire des tests et à traiter rapidement.
Services communautaires innovants
Il existe un risque accru de transmission du VIH parmi certaines populations, en particulier les jeunes hommes ayant des rapports sexuels avec des hommes et les femmes transgenres. Comme ils sont déjà confrontés à la stigmatisation et à la discrimination, nombre de ces jeunes ne sont pas testés pour le VIH et d’autres infections sexuellement transmissibles qui les exposent à un risque plus élevé de contracter le VIH. Ils ne recherchent pas ou ne reçoivent pas de traitement ni de conseils appropriés.
Alors que les États-Unis célèbrent le 70 anniversaire de l’établissement des relations diplomatiques avec le Cambodge, et les Nations Unies marquent le 75e anniversaire de sa fondation, l’ONUSIDA et le Plan d’urgence du président américain pour la lutte contre le sida (PEPFAR) travaillent main dans la main avec le ministère de la Santé et les organisations communautaires locales pour les besoins de ces populations à risque.
Un exemple de cette collaboration est les services communautaires innovants comme l’autodépistage du VIH et l’utilisation de médicaments anti-VIH pour prévenir l’infection chez les personnes à haut risque (appelées prophylaxie préexposition ou PrEP). À l’échelle mondiale, là où la PrEP a été largement mise en œuvre pour les personnes à risque, les taux d’infection ont chuté de façon abrupte. Sept sites publics et privés à travers le Cambodge fournissent actuellement des services PrEP et onze autres sites le feront dans les prochains mois.
Opportunité pour un leadership audacieux
Éliminer la stigmatisation et la discrimination, placer les personnes clés au centre de la riposte et ancrer nos efforts dans le respect des droits de l’homme et des approches sensibles au genre sont essentiels pour minimiser l’impact de la collision des pandémies de VIH et de COVID-19. Les défis de 2020 doivent servir de rappel : une opportunité pour un leadership audacieux et pour faire les choses différemment, mieux et avec plus de collaboration. Notre succès dépendra de l’engagement et non de l’éloignement, de la solidarité et des approches non cloisonnées.
Par Vladanka Andreeva, Directrice nationale de l’ONUSIDA au Cambodge et W. Patrick Murphy Ambassadeur des États-Unis au Cambodge
Comments