Les femmes au Cambodge, comme partout ailleurs, ont tendance à être blâmées pour les abus ou la violence qu’elles subissent. Soutenues par une ONG, certaines victimes ont choisi de réagir.
« This Life Cambodia » une organisation travaillant sur les questions de justice sociale, dirige le projet « Not Her Fault – pas de sa faute » dans le but de lutter contre la culture de la responsabilité des victimes au Cambodge. Hemmunind Hou, responsable de la communication de l’ONG, explique au journaliste Sao Phal Niseiy comment cette campagne contribuera à modifier la perception et les aprioris envers les femmes victimes d’abus et de harcèlement. Entretien :
Sao Phal Niseiy : Votre organisation mène une campagne pour mettre fin à la violence à l’égard des femmes « Not Her Fault ». En quoi consiste ce projet ?
Cette campagne de sensibilisation est centrée sur le blâme des victimes. Il est hélas de coutume dans la culture cambodgienne que les femmes soient blâmées pour toute violence ou harcèlement de nature sexiste qu’elles subissent. Ce sont souvent d’autres femmes ou des personnes en position d’autorité qui exercent ces violences, ce qui rend très difficile la lutte contre ces fléaux. Cette campagne appelle tous les Cambodgiens à soutenir les femmes plutôt qu’à les blâmer.
En raison de l’interprétation de plusieurs proverbes cambodgiens, le blâme des victimes s’est lentement ancré dans la culture cambodgienne. Le projet « Not Her Fault » se concentre spécifiquement sur le proverbe « Sans le crochet, le fruit ne tombe pas », il est utilisé pour suggérer ou suggérer que la femme a provoqué quelque chose pour amener l’homme à agir de cette manière. En d’autres termes, c’est la faute de la femme. Lorsque la culture traditionnelle est utilisée pour renforcer le blâme des victimes, il est très difficile de changer la façon de penser des gens. Pour renverser la situation, nous devons affronter de front cette culture du blâme et lutter contre la stigmatisation sociale associée à la violence et au harcèlement sexistes.
Sao Phal Niseiy : Cela est également lié au fait que les femmes sont maltraitées de nombreuses manières — qui n’ont pas été largement exposées et discutées. Alors, comment avez-vous encouragé celles-ci à partager leurs propres expériences ?
Dans le cadre de la campagne, les Cambodgiennes ont été invitées à soumettre des histoires décrivant comment elles ont été victimes de harcèlement, de violence ou d’abus via diverses plateformes en ligne. En plus de sa propre page Facebook, This Life s’est associée à l’Institut des langues étrangères de l’Université royale de Phnom Penh et à Rule Facebook Confessions Pages, ce qui leur a permis de rassembler des histoires en toute confidentialité. En plus de leur histoire, on a demandé aux femmes d’inclure une photographie ou une description des vêtements qu’elles portaient à l’époque. Tant de femmes que je connais, y compris moi-même, ont subi un jour une forme de harcèlement ou d’abus. Au lieu de partager nos histoires, nous les mettons de côté de peur d’être jugés et, pire, on nous fait croire que ce que nous avons vécu n’était pas si grave que cela. Alors, nous nous sentons coupables même à l’idée de le partager, même si nous sommes au final toutes des victimes. Je pense qu’il est important pour nous de parler ouvertement de cette question — pour montrer que nous ne sommes pas seules et à quel point la société est imparfaite, mais qu'il existe un espoir de la changer.
Sao Phal Niseiy : Comment voyez-vous la perception actuelle des Cambodgiens concernant la violence sexiste alors qu’il subsiste des barrières sociales et culturelles ?
Les Cambodgiens ont encore de nombreuses croyances culturelles et, en fait, sur certains aspects, nombre d’entre elles s’avèrent positives. Notre campagne et notre exposition remettent en question les croyances culturelles lorsqu’elles sont utilisées pour blâmer les femmes pour des crimes commis à leur encontre.
Sao Phal Niseiy : Comment pensez-vous que la campagne que vous menez changera la mentalité des Cambodgiens ordinaires ?
Nous espérons que les Cambodgiens verront que les vêtements que les femmes portent lorsqu’elles sont victimes d’abus et de violence ne sont pas provocateurs. Nous voulons enseigner à tous ceux qui voient notre exposition que les femmes ne doivent pas être blâmées lorsqu’elles sont victimes.
Sao Phal Niseiy : Alors, que pensez-vous pouvoir faire pour améliorer ou modifier ces perceptions et qui peut participer à cet effort ?
Quand quelqu’un entend parler d’un crime commis contre une femme, nous espérons qu’il ne demandera pas « quel chapeau elle portait » et demandera à la place que l’auteur soit tenu responsable de ses actes.
Sao Phal Niseiy : Pouvez-vous partager vos projets pour lutter contre ce problème de société ?
Nous prévoyons d’utiliser l’exposition virtuelle comme un outil pour enseigner aux gens de la communauté la violence, le harcèlement et la maltraitance des femmes. En interagissant avec l’exposition en ligne, les internautes apprendront qu’il n’est jamais acceptable de blâmer les victimes. L’exposition 360 en ligne dans le cadre de la campagne « Not Her Fault » se trouve ici.
Propos recueillis par Sao Phal Niseiy. Publié avec l’aimable autorisation de Cambodianess
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