Au cœur de la province de Battambang, des œuvres d’art émergent d’un support improbable : le tronc d’un palmier. Atteignant plus de deux mètres de haut, cet arbre d’apparence ordinaire abrite les dessins saisissants de Keo Sobin, un artiste local.
Âgé de 33 ans et habitant le village de Wat Kandal, dans la ville de Battambang, Sobin a d’abord étudié l’électronique à l’Institut national polytechnique du Cambodge (INPC). Cependant, après avoir obtenu son diplôme, il s’est consacré à sa passion de toujours : les arts. Il a passé une année à apprendre le dessin, enrichissant ses compétences par des recherches assidues et l’étude des murs des temples anciens.
« Bien que j’aie acquis des compétences en électronique, c’est mon désir profond de dessiner qui m’a conduit sur cette voie. J’aspire à vivre à travers mon art, en promouvant les arts et la culture cambodgiens », confie Sobin.
Malgré ses racines familiales dans le village de Banang, dans la commune de Sdao, il a opté pour la solitude au sein du Wat Kandal. Il gagne sa vie en exprimant ses talents artistiques par des sculptures et des dessins.
Revenant sur son parcours artistique de six ans, Sobin révèle que ses œuvres ornent des espaces publics dans certaines parties de la province de Battambang. Toutefois, nombreux sont ceux qui ignorent que ces dessins et sculptures sont le fruit de ses efforts créatifs.
Pour créer une œuvre, Sobin commence par choisir une souche de palmier, généralement longue de 2,5 mètres et d’un diamètre de 0,70 mètre. La souche est ensuite transformée en une toile où les styles artistiques traditionnels khmers donnent vie à des récits du Grand Empire khmer, avec des personnages légendaires comme Indra Devi et Jayavarman VII.
Ses compétences englobent non seulement la peinture, mais aussi la sculpture. Ses créations vont des peintures sur bambou aux lanternes ornées de sculptures florales. Ces œuvres seront exposées lors de la prochaine exposition « Clean City » à Battambang, un événement qui présentera l’art de différents pays, dont la Thaïlande, le Myanmar, l’Indonésie et la Malaisie.
Les œuvres de Keo Sobin trouvent leur place sur diverses surfaces, même sur des calebasses et des coquilles d’œuf. Ses thèmes traditionnels khmers ajoutent une valeur artistique à ce qui est habituellement mis au rebut, une initiative qui contribue à la durabilité environnementale.
« En transformant des objets jetés en pièces de valeur, nous réduisons les déchets environnementaux. Ces matériaux sont faciles d’accès et il suffit d’être habile pour les remodeler », commente M. Sobin.
L’artiste estime que son rôle de créateur consiste également à nourrir les futures générations. Il souhaite enseigner aux jeunes afin de leur faire apprécier l’héritage des ancêtres khmers.
Le processus artistique de Keo Sobin commence par le polissage du tronc de palmier choisi afin d’en atténuer les aspérités. Il polit ensuite la surface avant de commencer à dessiner des motifs en trois dimensions. Il utilise le noir pour accentuer les formes ébauchées.
L’artiste tire l’essentiel de ses revenus de la vente de lanternes sculptées dans des coquilles de noix de coco, dont le prix est de 5 dollars pour les sculptures standard et de 15 pour les plus complexes. Il vend également des lanternes en bambou, dont le prix varie entre 15 et 30 dollars, en fonction de leur complexité. Il compte désormais parmi sa clientèle des boutiques de souvenirs et des restaurants qui lui commandent des lanternes en noix de coco et en bambou.
Sa première œuvre d’art sur le palmier a été vendue à un Français pour 500 dollars afin d’être exposée dans un hôtel de Battambang. Cependant, Sobin révèle qu’il avait l’intention de faire don de sa deuxième œuvre d’art sur palmier à une institution publique, plutôt que de la vendre.
Prak Sonnara, directeur général du patrimoine et porte-parole du ministère de la Culture et des beaux-arts, n’émet aucune objection quant au choix unique du matériau utilisé par Sobin pour son œuvre. Selon lui, les sculptures de héros cambodgiens tels qu’Indra Devi ou le roi Jayavarman VII ne posent aucun problème, même si elles sont sculptées sur des surfaces non conventionnelles telles que le bois, la pierre ou le métal.
M. Sonnara souligne l’importance de l’endroit où l’art est exposé :
« La statue d’une divinité, par exemple, doit être placée dans un endroit désigné pour la prière et le culte. Si elle est mal placée, elle nuit aux efforts de conservation ».
Le parcours artistique de Keo Sobin, marqué par le croisement unique de la tradition et de l’innovation, se poursuit sur les troncs des palmiers de Battambang. En se taillant une place dans le monde de l’art, Keo Sobin contribue également à assurer un avenir meilleur à l’héritage culturel du Cambodge.
Kim Sarom avec notre partenaire The Phnom Penh Post
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