Na Vann: « Ne pas attendre, oser partir et divorcer quoiqu’en disent les gens, la soumission et la peur de réagir sont bien plus dangereuses ». L’histoire de Na Vann ressemble à celle d’autres Cambodgiennes malheureuses dans leur mariage. Elle a choisi un jour de réagir puis de confier son témoignage brut :
« Cela fait plusieurs années que j’ai divorcé. J’ai deux filles adorables, l’aînée a 23 ans, elle vit avec moi, la petite a 12 ans et vit avec son père. Peut-être suis-je une mauvaise mère, mais je n’ai pas le choix. Mes parents ont été tués par les Khmers rouges alors que je n’avais que deux ans. J’ai alors grandi avec ma sœur aînée. Quand j’ai eu 19 ans mon frère, qui était aussi mon tuteur légal m’a forcé à me marier. Je ne voulais pas, il m’a tabassée jusqu’à ce que j’accepte. Je n’avais jamais rencontré mon futur mari et j’avais la gorge nouée et un goût trop amer dans la bouche. La première nuit fut un terrible cauchemar que je ne peux effacer de ma mémoire. Avant ce mariage forcé, j’avais un petit ami qui était très amoureux de moi, mais cela déplaisait à mon frère qui le frappait régulièrement jusqu’à ce que, un jour, mon petit ami se réveille d’un tabassage avec des séquelles qui l’ont rendu infirme pour le restant de ses jours. Malgré ma tristesse et mon désespoir, une fois mariée, j’ai essayé de devenir une bonne épouse, mais mon mari était égoïste, ne pensait qu’à lui, il était jaloux, il m’insultait tous les jours.
« Après l’abus psychologique sont venus les coups, la violence, occasionnelle d’abord puis quasi quotidienne. Plus j’essayais de bâtir une carrière professionnelle, plus il me rabaissait, moralement, physiquement. Il me reprochait de ne pas ramener assez d’argent, il voulait plus et toujours plus »
« Un jour, je me suis dit que c’était assez. Je lui ai annoncé que je partirai à la moindre occasion. Ma fille aînée comprenait, était témoin de la violence et m’’encourageait dans ce sens. Comment ne pouvait-elle pas comprendre ? Mon mari me battait, m’insultait, me disait que j’étais moche et stupide et j’en arrivais à m’en persuader aussi. Ma fille ne pouvait plus supporter ces tortures mentales et physiques et me suppliait parfois de partir. Un jour, je suis allé en Indonésie, j’ai rencontré quelqu’un. Cela s’est bien passé, je suis tombée amoureuse, j’ai repris confiance en moi-même si mon corps était devenu sans réponse dans l’intimité. »
« Quand je suis revenue au pays, j’ai décidé de prendre les choses en main. Je ne concevais plus de vivre dans le doute et la violence le reste ma vie. J’ai décidé de divorcer sur le champ, quitte à tout perdre »
Je suis partie un jour, les mains vides, et je n’ai rencontré aucune aide en dehors du support moral de ma fille aînée. Bien sûr, mon frère ne m’a pas aidée, loin de là. Heureusement, quelque temps après, une amie m’a hébergée et s’est occupée de moi. Elle m’a aidé à retrouver un peu de confiance et ma dignité. Après quelques années, alors que ma carrière évoluait bien, j’ai pu constituer un petit capital et, à l’aide d’un emprunt immobilier en complément, j’ai pu acheter ma maison. C’était une étape essentielle de me sentir enfin chez moi et ma fille est alors venue habiter dans ma toute nouvelle maison. À partir de là, j’ai appris à être heureuse alors que j’ai passé la quarantaine. Je suis heureuse, mais des fois je me demande si j’aurais dû me battre un peu plus pour mon amour d’enfance. »
« Mon frère n’a jamais été puni pour ce qu’il a fait, ma vision de l’amour est aussi complètement altérée, sans penser à ce pauvre gamin devenu indigent, car il était coupable d’être amoureux…»
« Aujourd’hui, après avoir travaillé pour une ONG, j’ai un poste a responsabilité dans une entreprise de services. Malgré cette vie sentimentale gâchée, ces abus dans ma jeunesse, j’ai toujours gardé comme objectif de réussir professionnellement. Au cours des années, ce n’était pas facile, mais j’arrivais à compartimenter les problèmes et donner la priorité à ma carrière. J’ai un bon job aujourd’hui qui me permet de vivre à l’aise et, pour pouvoir rénover ma maison rapidement, je travaille aussi le weekend.
Pour conclure, je suis contente de partager mon histoire. Elle n’est pas exceptionnelle, mais pourrait peut-être servir de repères pour ces jeunes Cambodgiennes qui peuvent connaitre ce genre de situation d’abus au sein de leur mariage. Ne pas attendre, oser partir et divorcer quoiqu’en disent les gens. La soumission et la peur de réagir sont bien plus dangereuses.
Propos recueillis par Christophe Gargiulo
Bonjour et merci de répondre à ma question svp :
Lors d'un divorce entre khmers, parents, le père est il tenu à verser à la maman, une pension alimentaire pour les enfants ?
Merci pour votre réponse svp.
Cdt
Yvon Morvant