Né à Kandal il y a 37 ans, An Sopoi grandit au sein d’une famille assez pauvre, d’un père qui était infirmier et d’une mère qui vendait des pâtisseries.
Ils sont six enfants, quatre filles et deux garçons. Avec un père difficile, qui le traite de ‘’face de c…’’, An Sopoi confie volontiers que son enfance n’a pas été vraiment heureuse, qu’il se sentait un peu comme la bête noire, le vilain petit canard, le mal aimé de la famille. Quant à sa rencontre avec la langue française, elle aura lieu très tôt…
« J’ai commencé à apprendre le français à l’âge de 7 ans, à l’initiative de mon père qui me faisait prendre des cours avec les enfants des médecins. Il voulait que je sois comme les Français, c’était une référence pour lui. Mais, à cette époque-là, j’étais turbulent, et mon père devait souvent m’enfermer à la maison pour que je cesse de faire des bêtises…fuguer, vivre dans la rue…. Il a vite fallu me renvoyer à Kandal, au lycée Jayavarman VII. Là-bas, le français y était enseigné, mais le niveau n’était pas très bon »
C’est en 1998 que le jeune homme retourne dans la capitale et s’inscrit aux cours de l’Institut français.
« Tous les élèves rigolaient car j’avais un accent provincial…», confie-t-il alors que son père insiste ensuite pour qu’il devienne médecin.
Las, il ratera le concours à quatre reprises et s’orientera alors vers le département d’études francophones au sein de l’Université Royale de Phnom Penh. Il en profitera pour s’adonner en même temps à sa passion, la musique, et montera le groupe Véalsrè, première formation de musique fusion mélangeant les influences khmères et occidentales. Viendra ensuite le groupe Tom Tom, plus rock et plus engagé, avec des chansons en français, qui connaîtra lui aussi un petit succès d’estime.
Ironiquement, la faculté de médecine, cette institution dont il n’avait jamais réussi à franchir les portes, lui offre un travail d’enseignant en langue française. Il accepte, mais au même moment le Service de Coopération et d’Action Culturelle (SCAC) de l’Ambassade de France lui propose le poste responsable du studio son.
La proposition financière est plus intéressante que la faculté et le jeune homme acceptera. Ce sera le début d’une belle carrière au sein de la représentation française. Il sera l’homme de la radio 103 FM, celui qui traduit et double les séries françaises en langue khmère pour la télévision d’état cambodgienne, qui joue les ingénieurs du son, filme, enregistre et monte tous les évènements de l’Institut français, produit les spots TV et radio de l’établissement.
Si le travail le passionne, la tâche n’est pas si facile, le département cinéma du ministère de la Culture cambodgien est pointilleux sur les traductions et An Sopoi doit jongler entre les subtilités des deux langues pour garder l’humour français d’une production, l’Astérix de Chabat par exemple, sans offusquer la sensibilité et la susceptibilité khmères dans sa traduction.
A partir de 2008, il s’occupera du cinéma itinérant, un divertissement très populaire dans les provinces, avant que le programme ne s’arrête en 2013. C’est aussi cette année-là qu’il se marie,
« tentant par tous les moyens de ne pas reproduire le schéma paternel, mon père était dur mais aussi volage, et cela était aussi dans ma nature, mais je me contrôlais », déclare-t-il.
An Sopoi devient ensuite intendant général, celui qui gère tous les petits soucis de l’Institut, assure la maintenance et dirige les équipes d’entretien.
Il trouvera le temps de co-réaliser le film Chhem, Mon Fils, tout en interprétant le rôle principal. Chhem, Mon Fils est un drame tentant d’aborder les profondes, mais trop discrètes, souffrances des enfants des survivants du régime khmer rouge.
« Quelque part, je me suis reconnu dans ce scénario, dans ce portrait tourmenté et finalement triste de cet homme qui cherche à comprendre…il veut savoir pourquoi il souffre, je crois que j’aimerais savoir pourquoi mon père m’a traité de la sorte ».
CG
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