Beaucoup connaissent le succès de la ferme de Kampot La Plantation. Derrière ce projet se trouve le couple Nathalie Chaboche et Guy Porré pour qui la réussite cambodgienne vient de la création d’une entreprise dynamique et d’un projet social qui s’intègre parfaitement dans le paysage local. Entretien flash réalisé lors de la récente ouverture de leur boutique de Tuol Tom Poung et du Musée du Moulin à Poivre à Phnom Penh.
Parlez-nous un peu des débuts de La Plantation à Kampot
Nous nous sommes installés en 2013 et avons très rapidement commencé à acheter les terrains, près une cinquantaine d’hectares. À l’époque, ce n’était pas très cher. Nous l’avons fait en plusieurs fois et avons démarré la mise en place de La Plantation la même année. Et en parallèle à la mise en place de la ferme, nous avons commencé aussi à construire nos maisons, car nous habitons sur place. Donc en 2013, installation de la plantation, construction de nos maisons et début de la plantation de 40 000 pieds de poivrier.
Quelle était votre activité auparavant ?
Nous habitions à Londres et travaillions dans l’informatique.
Pour quelles raisons êtes-vous venus au Cambodge ?
Nous avons eu envie de vivre en Asie. Aussi, après une longue carrière dans un autre secteur, nous avons eu envie de bâtir un projet à caractère social. C’est un peu ce qui nous a attirés. Nous avons aujourd’hui une école avec une centaine d’enfants.
C’était un peu vague évidemment, mais nous avons voyagé, trouvé ce point de chute au Cambodge qui nous a beaucoup plu et qui nous plaît toujours. Et, nous nous sommes installés là, près de Kampot.
Pourquoi Kampot ?
C’est une ville qui a beaucoup de charme, dans une région qui est extrêmement belle et proche de la mer en plus. Nous avons déniché ce terrain magnifique et avons décidé de nous installer là. C’était au cœur de la région du poivre, donc il y avait une seule chose à faire, c’était le poivre.
Nous n’étions pas en retraite et souhaitions rester actifs. Et du coup, nous avons lancé ce projet.
Cela suggère pas mal d’investissement tout de même
Oui, nous avons investi quelques millions de dollars. Ça s’est fait au fil de l’eau en fait. Le projet s’est construit au fur et à mesure. Même si nous étions très loin des secteurs où nous évoluions auparavant, nous avions déjà créé des entreprises dans le passé. Donc, c’est quelque chose que nous connaissions bien.
Vous avez évolué très rapidement pour une jeune entreprise
Nous nous sommes vite rendu compte que la ferme, c’était bien, mais que nous pouvions aller beaucoup plus loin en lançant une marque, en faisant connaître le poivre de Kampot en développant une activité aussi bien locale qu’internationale. Et là, c’était parti ! Du coup, nous nous sommes dit :
« Il faut construire pour transformer le poivre et aussi proposer une activité touristique avec tout ce qui va avec. »
Comment a débuté la commercialisation ?
Notre premier client à l’export fut la star des épices en France : Rœllinger. Ça s’est fait un peu par hasard. Nous l’avons démarché, il a aimé le produit, il a acheté tout de suite. Cela a constitué un petit tremplin.
De 2016 à 2017 nous commençons donc à commercialiser puis, en 2018, nous voyons une forte progression de nos ventes. Nous commençons vraiment à nous installer.
Notez que c’est quand même cinq ans après que les ventes démarrent. Il a donc fallu que nous tenions le coup pendant cinq ans. Et, même aujourd’hui nous ne sommes pas encore parvenus à un équilibre.
Donc, 2018, une année sympathique, 2019, nous démarrons très très fort. Et puis arrive la crise du Covid que nous avons pu surmonter en injectant un million de dollars pour tenir le coup.
Avez-vous avez gardé tous vos employés ?
Oui, tous les Cambodgiens. Quasiment tous. Ceux qui étaient dans l’activité touristique et ceux qui travaillaient à temps plein avec nous. Pour des questions sociales, nous avons un choix, celui de garder les Cambodgiens qui avaient besoin de ressources pour vivre. Cela représente près de 150 personnes à temps plein.
Qu’est-ce qui est le plus gratifiant dans cette activité ?
Ce sont les retours que nous avons de « nos enfants cambodgiens ». Par exemple, nous en avons un que nous prenons en charge depuis 10 ans dans le cadre de notre projet social « les Écoles de La Plantation » et qui vient de rentrer à l’université, c’est une grande source de fierté, car c’est le tout premier.
Aussi, concernant la reconnaissance de notre poivre : dès que nous allons voir des chefs, des gourmets ou dès qu’on fait goûter les produits, les gens ouvrent le tube et ils deviennent « dingues ». La qualité des épices cambodgiennes est absolument extraordinaire.
Vous avez aujourd’hui une gamme impressionnante de produits, poivre et épices, sauces, etc. Qui est le créatif de l’entreprise ?
Nous sommes Nathalie et moi les deux créatifs, c’est quelque chose que nous adorons : innover. Nous avons ainsi inventé des produits qui n’existaient pas, notamment le poivre fermenté au sel, c’est nous qui avons mis au point cette formule.
Nous avons également créé d’autres produits, comme le cuir de poivre long. Oui, nous avons développé beaucoup de produits et de dérivés.
Qui s’occupe de la communication ?
Ça, c’est notre fille, basée à Londres, qui s’occupe de toute la communication de la marque. « La plantation reste une affaire familiale, à taille humaine, avec un but social ». Cela pourrait nous définir en une seule phrase.
Aujourd’hui, vous ouvrez une boutique à Phnom Penh, pourquoi ?
Il s’agit de la troisième, nous avons déjà La Plantation, et une boutique dans la ville de Kampot, qui est d’ailleurs dans un style un peu similaire à celle-ci. Et c’est à partir de ce modèle de point de vente que nous espérons pouvoir en créer d’autres.
Mais, nous avons également une activité commerciale en France et en Europe. Nous n’avons pas de boutique en France, mais nous travaillons avec 450 vendeurs et sommes en train de regarder éventuellement l’acquisition d’une petite chaîne de boutiques existantes.
Souhaitez-vous conserver le caractère familial de l’entreprise tout en vous agrandissant ?
Nous qui avons vécu dans des entreprises cotées, n'avons n'a pas spécialement envie d'avoir des investisseurs avec nous. Nous n'avons pas envie d'être sous une forte pression. Bien évidemment, il y a la pression de tous les jours, celle du chiffre d'affaires et des coûts, mais cela, nous le vivons depuis 40 ans, ça ne nous dérange pas trop.
Qu'est-ce qui vous pousse à continuer ?
(Guy) Je pense que je suis encore très jeune et mon épouse également, nous sommes en pleine jeunesse !
Un "poète" ce Porré, toujours prêt à virer quelqu'un si l'envie lui prenait.