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Photo du rédacteurChristophe Gargiulo

Le Meilleur de 2023 & Parcours : Ky Santy, « fier de notre médecine de qualité chez Kantha Bopha »

Dernière mise à jour : 30 juil.

Après Yay Chantana et Denis Laurent, le professeur cambodgien Ky Santy évoque ses débuts à l’hôpital pour enfants Kantha Bopha et explique à quel point il est fier que le royaume puisse proposer aujourd’hui une médecine de grande qualité.

le professeur cambodgien Ky Santy
Le professeur cambodgien Ky Santy

Cambodge Mag : Pouvez-vous vous présenter en quelques mots et nous raconter vos débuts à Kantha Bopha ?

Ky Santy : J’ai été embauché par le docteur Beat Richner, le fondateur de l’hôpital, en 1995. Je venais tout juste de terminer mes études de médecine à la Faculté d’État et effectuais mon internat à Kantha Bopha, qui avait été créée à peine trois ans auparavant. Le docteur Richner m’a accordé un entretien d’embauche qui s’est déroulé en présence de Yay Chantana, qui est maintenant le directeur de l’établissement Jayavarman VII de Siem Reap.

J’ai été questionné sur mes connaissances en médecine, en pédiatrie, mais aussi en français. J’étais alors un tout jeune étudiant, et l’entretien s’est assez bien passé pour que je sois sélectionné. J’ai donc rejoint les 10 étudiants tout juste sortis de la faculté, 10 jeunes médecins faisant partie des tout premiers recrutements.

« Nous avons commencé en février 1995, alors que l’hôpital était encore une petite structure et n’assurait que la médecine générale et la réanimation. »

Ma première année à Kantha Bopha s’est déroulée dans ce que l’on nomme le Service C, destiné aux enfants un peu plus âgés. Ce n’est qu’ensuite que j’ai rejoint le service de radiologie, mais il n’y avait alors aucune formation académique pour cette spécialité. C’est au sein de l’hôpital que j’ai appris les notions de base de l’imagerie médicale. Cela m’a immédiatement intéressé et j’ai décidé de poursuivre dans cette voie. L’hôpital possédait l’une des seules machines d’échographie, c’était quelque chose de merveilleux ! Un an plus tard, en 1996, a été ouverte l’annexe de Kantha Bopha juste à côté du Palais Royal, sur un terrain offert par le Roi Père Norodom Sihanouk. J’ai rejoint Kantha Bopha II, qui était doté du tout nouveau matériel : nouvelle machine à échographie, doppler, et même un scanner, le premier au Cambodge.

C.M. : Comment se passait le travail avec le docteur Richner ?

K.S. : C’était quelqu’un de très sérieux pendant le travail, strict, mais toujours juste. Il passait me voir tous les jours, comme il le faisait avec le reste de l’équipe lors de sa tournée des services. Il veillait au bon fonctionnement du scanner, car les pannes sur ce type de machine étaient difficiles à résoudre. Le moindre problème nécessitait de faire appel à un ingénieur spécialisé qui se trouvait à Bangkok.

Il fallait que l’appareil fonctionne, car il était l’outil-clé pour les diagnostics, notamment celui de la tuberculose, qui était à cette époque endémique. Cette maladie, qui peut être très grave, est pourtant très difficile à détecter sans outils performants. Les premiers signes se manifestent par de petits ganglions au niveau des poumons, d’où l’intérêt du scanner qui se montre dans ce cas beaucoup plus efficace que les examens biologiques.

C.M. : La tuberculose représentait un fléau au Cambodge dans les années 1990. Comment cela s’explique-t-il ?

K.S. : La maladie est due à un germe qui se transmet par la toux ou les crachats et va infecter les plus faibles. Pendant très longtemps, la tuberculose infantile n’existait simplement pas. Non qu’elle n’était pas présente, mais par le simple fait qu’elle n’était pas diagnostiquée.

Les enfants étaient pour cela totalement oubliés. Dès son premier passage à Kantha Bopha en 1974/1975, le docteur Richner avait remarqué la prévalence de la maladie. Il était donc particulièrement sensible à ce problème lors de son retour en 1992. Plus de 30 % des enfants admis à l’hôpital dans les années 1990 l’étaient à cause de formes chroniques de tuberculose, une maladie qui peut malheureusement s’avérer mortelle faute de traitement.

C.M. : Quels sont les principaux problèmes de santé auxquels vous êtes confronté au quotidien ?

K.S. : Infections respiratoires, encéphalites, méningites, malformations cardiaques ou gastro-intestinales chez le nouveau-né, accidents et traumatismes sont les plus fréquents. Il y a énormément d’accidents de la route, qui peuvent être très graves, notamment lorsque l’enfant ne porte pas de casque.

« Nous sommes aussi confrontés à des cas désespérés, qui ont été pris en charge par des cliniques privées pendant plusieurs jours et qui n’ont pas été correctement soignés ou diagnostiqués. »

Lorsque l’état des patients ne cesse d’empirer, on nous les envoie en urgence, mais il est parfois trop tard. L’aspect positif de ces dernières années, c’est que la qualité des infrastructures routières s’est grandement améliorée. Nos centres de Phnom Penh ou de Siem Reap peuvent être atteints en quelques heures depuis n’importe quelle province du pays, ce qui permet une prise en charge beaucoup plus rapide qu’autrefois.

C.M. : Comment se passe la prise en charge des enfants accidentés ? Est-ce qu’ils peuvent bénéficier d’une rééducation post-traumatique par exemple ?

K.S. : Oui, nous avons des services aptes à prendre en charge les traitements et la rééducation sur le long terme.

C.M. : Il me semble qu’en plus d’être des centres de soins, les hôpitaux Kantha Bopha sont aussi des centres de formation ?

K.S. : Absolument, nous sommes aussi des hôpitaux universitaires. Le professeur Chanty, par exemple, est professeur à la Faculté de médecine. Chaque année, 1 000 étudiants fréquentent nos établissements hospitaliers pour s’y former. Nous sommes reconnus comme centres d’excellence et avons, à part en ce qui concerne la cancérologie, rattrapé pour tout le reste les centres hospitaliers de Singapour ou Bangkok.

Pendant longtemps, le système médical cambodgien a eu mauvaise réputation, et ceux qui en avaient les moyens partaient à l’étranger dès lors que le problème était jugé sérieux. Cette perception est en train de disparaître peu à peu, d’autant plus que nous avons cherché justement à proposer ici ce qui n’était auparavant réalisable qu’à l’étranger. Je pense par exemple à la chirurgie cardiaque ou aux soins intensifs.

C.M. : Pour en revenir à vous, pourquoi avez-vous choisi ce métier ?

K.S. : Je pense à la médecine depuis le lycée, même si les études sont longues et pénibles. Et il fallait en plus apprendre le français, puisque c’est la langue prédominante dans ce domaine. Cela fait maintenant plus de 27 ans que j’exerce à Kantha Bopha aux côtés des enfants et je suis fier de cela.

« Fier de moi, mais aussi fier de pouvoir montrer que le Cambodge est capable de produire une médecine de qualité. »

Avoir contribué à cela, avoir donné du temps et de la connaissance au service de la médecine me remplit de joie.

C.M. : Un mot sur le docteur Beat Richner ?

K.S. : Oui, il y a une chose qui restera toujours dans mon cœur, c’est l’aventure qu’il a entreprise. Créer non pas un, mais plusieurs hôpitaux pour enfants, en faire des références internationales et mener à bien ces combats en faveur de tous les enfants, et avec une telle rapidité, c’est quelque chose d’inimaginable.

Je n’oublierai jamais non plus qu’il m’a fait confiance afin de former le service radiologie de Kantha Bopha-Siem Reap, car il a toujours souhaité que les prestations soient identiques dans tous les établissements. Pas un jour ne passe sans que je ne pense au docteur Richner. C’était notre patron, mais aussi, quelque part, une figure paternelle. Beat et son successeur, Peter Studer, ont laissé un immense héritage.

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