Parmi les meilleures lectures de 2022 et en lien avec le pop-up de la CCIFC de demain, retour sur l'interview du directeur général de Decathlon Cambodge :
Le mot « sport » est un substantif qui revient très fréquemment lors d’un entretien avec le directeur de Decathlon Cambodge, Jean-Baptiste Prigent. Arrivé en 2018 pour ouvrir le premier grand magasin de l’enseigne, le Français à la quarantaine forcément sportive s’est attelé à promouvoir la pratique du sport dans le royaume, prendre soin de l’expansion cambodgienne de l’enseigne, mais aussi affronter les aléas liés à la crise sanitaire.
De quelle région venez-vous, comment avez-vous baigné très tôt dans le milieu du sport ?
Je suis originaire de Bretagne, de Guingamp précisément. C’est une ville de football. C’est comme cela que j’ai rapidement baigné dans le sport. Mon père était un joueur de foot également, toujours investi dans l’encadrement d’équipe réserve d’en avant pour occuper son temps libre de retraite.
Nous sommes une famille de cinq, j’ai deux grandes sœurs et c’est d’ailleurs l’une d’entre elles, Charlotte, qui m’a amené à me passionner pour le sport.
Elle était joueuse de tennis et au départ, je l’accompagnais pour ramasser les balles, je la suivais pour ses entraînements et tournois et cela m’a forcément donné envie. Et j’ai commencé à jouer dès l’âge de six ans tout en continuant le football.
Mais, à un moment, j’ai dû choisir, car pratiquer deux sports me prenait beaucoup trop de temps. Et, je me suis orienté vers le tennis.
À propos de votre formation et des raisons de votre choix ?
J’ai poursuivi ma scolarité jusqu’au baccalauréat à Guingamp. J’ai ensuite effectué une préparation HEC à Rennes. Ma maman, professeure de philosophie et de français m’a poussé à poursuivre des études. À la fin de mon adolescence, j’avais plutôt envie de devenir professeur de sports — de tennis.
« Et, mes parents m’ont finalement convaincu de me doter d’un bagage scolaire solide, qui me permettrait aussi de poursuivre la pratique de mon sport favori. Finalement, je les ai écoutés. »
Après la préparation HEC, j’ai intégré une école de commerce à Strasbourg. J’avais le choix entre plusieurs villes telles Marseille, Nice, Lille… j’ai finalement choisi Strasbourg, car, en tant que Breton, j’y éprouvais un réel dépaysement. Pour être franc, cette ville-là me paraissait fascinante avec son côté médiéval. De surcroît, cette école-là offrait un cursus international avec un an obligatoire à l’étranger. J’avais envie de voyager et ce choix s’avérait donc parfait.
J’ai eu la chance d’effectuer une partie de mon cursus aux États-Unis, à Milwaukee dans le Wisconsin plus précisément. Ce fut une très belle expérience de vivre dans un campus américain, une approche vraiment différente des habitudes européennes.
Aviez-vous le temps de joueur et quel type de joueur êtes-vous ?
J’ai très peu joué durant les deux années de préparation. Ensuite, je m’y suis remis durant mes années à l’école de commerce. J’ai eu une jeune « carrière » un peu en dents de scie. L’année du baccalauréat, je suis monté à 4/6 et depuis, j’ai toujours vacillé entre 15 et 4/6.
Je me définirais comme un gaucher « chiant à jouer » (rires). Je suis plus un joueur de fond de court qui mise sur la régularité. D’avoir commencé et beaucoup joué sur terre battue, cela m’a apporté pas mal de régularité et de sens tactique. Malheureusement, je n’ai jamais eu un grand service ni été un grand volleyeur.
Toutefois, ces dernières années, j’ai commencé à devenir un peu plus agressif à force de jouer en intérieur dans le nord de la France. Avec l’âge aussi, le physique s’émousse quelque peu donc on tend à raccourcir les échanges.
Qui serait votre joueur préféré ?
Pour moi, le talent absolu demeure Fédérer. J’ai eu la chance de le voir jouer plusieurs fois sur des grands chelems et à Bercy. Et, le public est en admiration permanente devant ce qu’il est capable de faire avec sa raquette. C’est un joueur très élégant, beau à voir jouer et doté d’une personnalité et d’un charisme que j’admire.
De façon anecdotique, nous sommes nés la même année, mais je n’ai pas eu la chance d’avoir le même talent (rires).
Quel a été votre premier emploi après vos études ?
Après avoir achevé mes études à Strasbourg en 2005, j’ai effectué un stage en entreprise dans le domaine du marketing et de la communication. C’est à ce moment-lé que je me suis aperçu que je souhaitais vraiment travailler dans le milieu du sport.
J’ai donc postulé dans toutes les grandes entreprises du secteur dans l’Est de la France. J’ai bien évidemment postulé chez Decathlon et tout est allé très vite. À ce moment-là, ils cherchaient un responsable de rayon « Sports de raquette et golf » dans la banlieue de Mulhouse et mon profil correspondait bien à ce qu’ils cherchaient. Ce fut le début de l’aventure chez Decathlon.
Et ensuite ?
J’ai eu la chance durant ces débuts de rencontrer des gens intéressants et de lier des amitiés. Et, l’entreprise m’a donné l’opportunité, la chance, d’occuper différents postes et donc de ne jamais m’ennuyer. Je suis rapidement passé au poste de responsable d’exploitation dans un autre magasin, ce qui est l’équivalent de sous-directeur. Ensuite, j’ai pris la direction d’un magasin près de Strasbourg, à Haguenau, en 2008.
« D’avoir des responsabilités et des challenges réguliers sur pas mal d’aspects professionnels a été — c’est ainsi que je le considère — une vraie chance. »
Puis, j’avais envie de travailler sur la conception de produits. Rappelons que Decathlon est un grand distributeur, mais aussi un concepteur d’articles et de matériel sportifs. Mon rêve était d’y participer sur les produits tennis. J’ai eu la chance d’y parvenir en 2013 après une période d’apprentissage de deux ans sur l’approvisionnement des produits de course à pied pour l’Europe.
Comment situez-vous Decathlon parmi les grands groupes du même secteur ?
Decathlon constitue un « business model » de par sa triple casquette, conception, production et distribution. Si on cite quelques concurrents, même s’ils ont une activité ou un réseau plus étendu, ne disposent pas de cette structure unique. Décathlon propose aussi une gamme extrêmement étendue sur soixante sports différents, avec une offre qui s’adresse à tous les niveaux, du débutant au professionnel.
« On peut donc affirmer que dans ce « business model » là, Decathlon est leader. »
Nous sommes présents dans soixante pays. Un vrai virage s’est effectué en 2015 alors que nous étions jusque là concentrés sur l’Europe et le BRIC (Brésil, Russie, Inde, Chine). À l’époque, notre directeur général, Michel Aballea, a décidé d’adopter une stratégie totalement différente : « Aller là où les gens font du sport, là où ils ont besoin de nous ».
Ce fut une idée porteuse, car aujourd’hui nous sommes présents en Afrique, en Amérique du Sud et quasiment dans toute l’Asie.
Dans quelles conditions avez-vous été choisi pour ce poste de direction au Cambodge ?
À ce moment-là, en 2018, j’avais déjà pas mal voyagé en raison de mes activités professionnelles, mais je connaissais peu le pays. Le responsable de Decathlon Cambodge de l’époque — qui était un pop-up (magasin provisoire) cherchait quelqu’un pour lancer l’activité de distribution - vente au détail qui n’existait pas encore.
J’ai postulé et cela s’est bien passé. Avec l’expérience acquise chez Décathlon ces quinze dernières années dans différents domaines, je me sentais plutôt prêt à relever le challenge pour cette ouverture d’un Decathlon « standard » dans la capitale cambodgienne.
Comment s’est déroulée l’ouverture ?
L’accueil de Decathlon au Cambodge a été très positif, au-dessus de nos espérances. Cela tient en partie à la qualité de nos produits et aux prix accessibles qui sont proposés.
« Le taux de sportifs au Cambodge est tout de même assez important, mais dans une approche plutôt ludique. »
La motivation des Cambodgiens pour le sport est tout de même assez différente de l’approche française. En France, tout est très structuré avec des fédérations, des compétitions et l’encadrement des jeunes.
Ici, c’est encore un chantier en construction, il existe pas mal de structures privées et la motivation principale, tout au moins à mon arrivée, restait sur l’aspect ludique. Une nouvelle motivation de pratique a explosé ces deux dernières années, être en
bonne santé, perdre du poids, le bien être sont devenue la principale motivation.
Quels sont les produits phares de Decathlon Cambodge ?
Au démarrage, nous avons vendu beaucoup d’articles de football, de marche (running), de natation et de badminton qui est un sport très ancré ici comme dans beaucoup de pays d’Asie.
En 2020, une période particulière en raison de l’arrivée de la crise sanitaire, les gens se sont beaucoup orientés vers la pratique du cyclisme. La raison est simple : c’est un sport plus sécurisant et moins risqué que le sport collectif compte tenu des conditions liées au Covid.
Ce qui est très nouveau aujourd’hui et qui fonctionne bien concerne la pratique du camping et de la randonnée. On constate aussi une certaine émergence des sports à domicile. Tout ce qui est équipement d’entretien physique, de musculation et d’exercices « cardio » se vend très bien.
Comment avez-vous affronté la crise sanitaire ?
Il y a eu des hauts et des bas. En 2020, cela s’est plutôt bien passé, car le Cambodge s’est trouvé relativement épargné. En 2021, nous avons fermé, mais cela nous a permis de développer des activités digitales, à savoir des services aux sportifs comme la livraison à domicile. Nous avons également lancé un nouveau concept de magasin : « Click and Collect »
Nous en avons trois, un à Aeon Mall 1, un autre dans le bâtiment RainTree et un dernier à Kmall sur le Boulevard Veng Sreng. Ce sont des points de vente de petit format avec une offre d’accessoires disponible en physique et la possibilité de commander l’ensemble de notre catalogue en ligne et d’être livré gratuitement dans la demi-journée.
C’est un concept qui a bien démarré en période Covid. C’est une formule mixte qui permet au client d’avoir plusieurs articles disponibles sur le champ et d’autres, éventuellement, en quelques heures.
Combien avez-vous d’employés et quelle est votre politique de recrutement et d’accompagnement des salariés ?
Nous avons aujourd’hui une centaine d’employés. Nous recrutons bien sûr en fonction de critères sportifs — c’est même le critère principal — et nous proposons un cursus de formation sur nos méthodes de travail, sur les articles que nous vendons et notre approche de l’interaction avec les sportifs.
C’est important de recruter des gens passionnés, motivés et dotés d’une envie d’apprendre, car nous allons poursuivre notre expansion en ouvrant de nouveaux magasins. Il y a donc des opportunités de poste pour ceux qui entrent chez Décathlon et souhaitent progresser.
Comment voyez-vous l’avenir ?
Je pense que nous allons poursuivre notre développement sous de bons auspices. Les Cambodgiens ont de plus en plus de temps libre, la classe moyenne accorde aujourd’hui bien plus plus d’importance aux loisirs et donc au sport, que ce soit après le travail, le weekend et durant les vacances.
Nous aidons plusieurs sports au travers de partenariats locaux avec le tennis et le badminton, avec des organisateurs de randonnée, avec la fondation Azhar qui forme des coachs de yoga et aussi avec des salles de « Fitness ».
Depuis 2018, nous soutenons les clubs et fédérations qui souhaitent promouvoir le sport au travers de partenariats, mais aussi d’événements que nous allons proposer à nouveau comme le Festival des Sports qui fêtera sa 4e édition le 1er mai dans le hall d’AEON Sen Sok.
Toujours le temps de jouer au tennis ?
J’essaye de trouver le temps de jouer au tennis avec les pratiquants de la communauté française, mais aussi les Japonais et Coréens qui ont aussi quelques joueurs très sympas. Mais, la difficulté est de rassembler ces gens pour créer une authentique ambiance tennis. Il y a déjà quelques initiatives encourageantes de la part du Cambodia Country Club avec l’organisation de tournois et de stages de tennis.
Votre famille est-elle sportive ?
J’ai deux petites filles, Nina et Lou qui sont toutes deux férues d’équitation, à l’image de leur maman Anne Céline, passionnée de ce sport et que j’ai rencontrée… chez… Decathlon alors qu’elle y travaillait en job étudiant (sourire).
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