Retour sur le parcours du directeur régional du Sofitel Phokeethra à l'occasion de la célébration des soixante ans de la marque emblématique de l'art de vivre à la française.
Cela fait vingt ans que l’actuel directeur du Sofitel Phnom Penh Phokeethra exerce ses talents en Asie. Alors que l’homme se destinait à une carrière bien différente, c’est dès son stage de fin d’études commerciales que le jeune Charles-Henri éprouvera un coup de foudre pour ce métier qu’il compare volontiers à une grande pièce de théâtre.
Entretien avec un passionné.
CM : Parlez-nous de vos origines et du début de votre parcours
Je suis originaire de Bretagne, de Rennes plus précisément. Je suis le fils aîné d’une famille de trois enfants. Je fais partie de la quatrième génération d’une famille française qui fabriquait des accessoires en cuir pour les voitures à chevaux.
Tout comme mes deux sœurs, je ne souhaitais pas rejoindre l’entreprise familiale. J’ai effectué mes études à Angers pour préparer une école de commerce. J’ai eu l’opportunité de suivre mon stage de fin d’études dans l’hôtel Sofitel de Roissy. Et cela a été le coup de foudre quasi instantané.
CM : Ce n’était pas tout-à-fait votre vocation première…
En fait, j’aurais aimé faire du théâtre. Et, finalement avec hôtel, je me suis retrouvé quelque part dans une grande pièce de théâtre. En effet, il y a la « scène », c’est-à-dire la partie visible au public et puis les coulisses, la préparation qu’on appelle dans notre métier le « back office ». Donc, quelque part, je me suis retrouvé dans un milieu où existaient une scène et des coulisses.
« Et, cela m’a tout de suite plu, en particulier à Roissy où l’activité était particulièrement intense et formatrice. »
Après mes six mois de stage, le directeur de l’époque, Claude Chevauché, m’a proposé une embauche. C’est ainsi que l’aventure a commencé en 1994, j’avais à peine 22 ans.
À l’époque, je ne manquais pas d’énergie et d’idées et puis j’évoluais dans un milieu où les équipes étaient fortement syndiquées et je pense que cela se répercutait sur le service client. Je vivais donc mes premiers challenges.
CM : Vous vouliez déjà améliorer les choses
J’étais responsable des réservations à mon embauche, mais mon stage m’avait permis appréhender plusieurs aspects du fonctionnement de l’hôtel et je souhaitais améliorer l’accueil et le suivi des clients. Je me suis énormément investi. Je ne regardais pas mes horaires et je continuais à travailler après les heures. Cela m’était relativement facile, car je vivais à l’hôtel.
Je voulais comprendre vraiment comment fonctionnait établissement et quelles étaient les attentes des clients. Et le standard fut une bonne école, car nous ne disposions pas à l’époque des outils technologiques d’aujourd’hui et beaucoup de choses passaient par le standard.
« Oui, cela m’a beaucoup plu. »
C’était également l’époque du « revenue management ou yield management », un concept tout nouveau inspiré des compagnies aériennes qui le pratiquaient depuis les années 70. En fait, il s’agit d’analyser l’offre et la demande et d’ajuster les prix en conséquence.
C’était nouveau chez Accor et cela m’a permis de me rendre aux États-Unis pour me familiariser avec cette technique et l’implémenter ensuite au Sofitel Roissy qui est devenu ainsi l’établissement pilote pour ce concept. Cela a été le début d’une aventure intéressante.
CM : Quelle étape après Roissy ?
Je suis resté trois années à Roissy. Ensuite, je suis parti au Sofitel Paris La Défense Centre, un cinq étoiles avec une clientèle d’affaires importante, jusqu’en 2002. J’étais d’abord chef de réception puis directeur « Food & Beverage ».
CM : Parlez-nous de votre enthousiasme et, peut-être, des difficultés ces premières années
À l’époque, nous n’avions pas encore les téléphones portables, nous utilisions le télex ou le fax et l’interaction humaine se trouvait logiquement bien plus vivace.
« Je trouvais mon travail très motivant, c’était vibrant et, oui, réellement enthousiasmant. »
Quant aux côtés moins amusants, je parlerais de la difficulté de trouver du personnel qualifié, un problème qui subsiste de nos jours. J’ai aussi eu la chance d’avoir des opportunités chez Accor et d’avoir pu travailler avec d’excellents directeurs. Ils m’ont bien sûr beaucoup appris, mais aussi supporté et encouragé.
C’est un métier où il faut avoir de l’énergie. Nous sommes à la tâche quand les autres sont au repos. Travailler dans ce secteur n’est pas toujours facile pour la vie privée et il y a malheureusement pas mal de divorces dans notre profession.
Pour ma part, j’ai eu la chance de rencontrer quelqu’un qui a compris et accepté les contraintes de mon métier dès le début. Je soulignerai que c’est très précieux, car cela peut s’avérer extrêmement stressant de savoir qu’on vous attend à la maison, mais pas de façon sereine.
CM : parlez-nous de vos premières années en Asie
En décembre 2002, je suis parti au Vietnam, au « Sofitel Legend Metropole ». J’arrivais comme tout jeune numéro deux de l’hôtel avec un directeur qui souhaitait redynamiser établissement et amener un peu de sang neuf.
Je passerai alors quatre ans dans cet hôtel historique qui date de 1901 et absolument magnifique.
Durant ces années, j’ai eu la chance d’accueillir de grands événements, de rencontrer stars et personnalités du monde entier, ce fut une expérience extraordinaire. J’ai pu approcher les rois et reines de Suède et d’Espagne, le président français et Mick Jagger.
CM : Aviez-vous quelques craintes pour cette première affectation à l’étranger ?
Honnêtement, non. Mon affectation s’est déroulée dans des délais très courts et je n’ai pas hésité. Vrai que c’était mon premier contact professionnel avec l’Asie, mais, j’étais assez familiarisé avec le milieu asiatique.
J’entretiens depuis longtemps un cercle d’amis vietnamiens en France. J’aime également cuisiner des plats asiatiques. Donc, le contact a été assez facile, je n’ai pas été totalement dépaysé. Et puis, Hanoï est une ville qui conserve un peu d’héritage et de parfum français.
Ensuite, après le Vietnam ?
Après le Metropole, j’ai travaillé pendant deux ans à Beijing où j’ai ouvert le Sofitel en tant que numéro deux de l’établissement. C’était un ensemble hôtelier géant comprenant 417 chambres, de grands espaces de réunion, quatre restaurants et un énorme complexe de spa.
C’était un défi et un certain stress car les Jeux olympiques se profilaient à l’horizon et nous voulions être sûrs d’être ouverts avant cet événement et nous y sommes parvenus. J’ai occupé ensuite les mêmes fonctions au Sofitel de Shanghai.
CM : Quel « bilan » de l’expérience chinoise ?
« Cela ne s’arrête jamais »… l’activité professionnelle est intense et, à titre privé, vous êtes aussi constamment invité en raison de vos fonctions. Ce fut un rythme exaltant.
CM : En 2009, vous prenez la succession de Didier Lamoot à Siem Reap
Après la Chine, le groupe Accor m’a proposé la direction du Sofitel de Siem Reap. C’était un hôtel absolument merveilleux pour cette première expérience de direction générale. C’était un établissement encore en phase de développement et de positionnement.
L’endroit est aussi magique et les propriétaires sont fantastiques, avec une vision sur le long terme et une approche qualitative.
C’est aussi un hôtel où nous faisons beaucoup de réseau, car beaucoup de gens souhaitent se rendre dans cette ville. Vous accueillez donc pas mal de personnalités, surtout en provenance d’Europe, qui souhaitent visiter la cité des temples.
« J’avais un parcours plus orienté vers les hôtels d’affaires et là, il s’agissait d’une destination plus loisirs. L’approche s’est avérée différente. »
J’étais déjà venu à Angkor en touriste et je connaissais un peu la ville. C’est vrai également que Siem Reap en 2009 ne vivait pas encore les belles années en termes d’activité commerciale en raison des retombées de la crise asiatique.
Je me souviens qu’en 2009 nous avions clôturé l’exercice avec 32 % d’occupation seulement. Mais ensuite, l’activité a bien démarré et nous avons pu insuffler un certain dynamisme à l’établissement et commercialiser le parcours de golf.
En juillet 2011, je me suis retrouvé à Phnom Penh, là aussi au poste de directeur général.
CM : Vous effectuez des missions-séjours bien plus longs qu’à l’accoutumée dans le groupe Accor…
Vrai que ce n’est pas tout-à-fait la logique habituelle. Les directeurs effectuent en général des missions de trois à quatre ans. Je pense que c’est important de disposer d’une certaine durée, en particulier pour un cinq étoiles.
Nous sommes quelques-uns à travailler dans le même établissement sur des durées bien plus longues. Dans la mesure où les choses se passent bien, que la dynamique ne faiblit pas et que les résultats sont excellents chaque année, il n’y a pas vraiment de raison de changer.
CM : À propos de la crise sanitaire… ?
2019 a été une année extraordinaire, 2020 était plutôt bien partie. Puis, le Covid est arrivé. Pour gérer au mieux, nous avons réduit les effectifs et négocié quelques départs.
J’espère sincèrement que les choses vont évoluer dans le bon sens, mais des inconnues demeurent notamment du côté de la Chine. On ne sait pas encore quand les mesures vont réellement s’assouplir de leur côté et cela a un impact important notamment sur les visiteurs étrangers se rendant à Phnom Penh.
Nous dépendons aussi de l’aérien et des mesures prises par les pays d’origine de nos visiteurs. S’il est aujourd’hui plus facile de se rendre au Cambodge, les retours peuvent être plus compliqués. Et cela, nous ne le maîtrisons pas.
CM : Quelle stratégie aujourd’hui ?
L’idée est de se montrer beaucoup plus actif sur le marché domestique, sur la restauration et sur les événements culturels et sportifs. Nous avons aujourd’hui rouvert tous nos restaurants avec quelques nouvelles cartes pour certains d’entre eux. Nous avons aussi de nombreuses expositions dans notre galerie et organisons beaucoup d'événement gastronomiques mais aussi sportifs, de loisirs et artistiques.
CM : Quels seraient le bonheur et les tracas du directeur du Sofitel Phnom Penh Phokeethra ?
Une belle journée est une satisfaction. Je parle de clients satisfaits. Je soulignerais que nous avons ici des équipes qui aiment leur travail et qui sont dévouées. Donc, une belle journée peut être un déroulement dynamique avec quelques petits challenges, mais où, au bout du compte, ces quelques difficultés ont été surmontées et le client est finalement content.
« Il n’y a pas vraiment de craintes… »
Pour illustrer mon propos, si quelqu’un me dit « je sais gérer les plaintes des clients s’il y en a », je ne trouve pas cela forcément positif. La bonne attitude consiste à anticiper et agir en amont pour qu’il n’y ait pas de plainte et donc pas de soucis.
L’un des éléments stressant ici pourrait être les coupures d’électricité. Même si elles sont bien moins fréquentes de nos jours, cela peut être ennuyeux d’avoir une coupure imprévue alors que l’hôtel accueille beaucoup de monde.
À l’inverse de certains hôtels qui peuvent être exposés aux catastrophes naturelles ou aux attentats, Phnom Penh est plutôt à l’abri. Nous n’avons jamais subi d’énorme tempête, d’attaque, d’inondation ou autre désagrément de ce genre.
CM : Votre avis sur l’environnement hôtelier dans le pays
C’est un marché assez dynamique. Mais il faut regarder le segment. Sur le cinq étoiles, je pense que l’offre est déjà bien présente et qu’il existe plutôt une forte demande sur le milieu de gamme à Phnom Penh. Je crois également que l’hôtellerie économique a encore un réel potentiel notamment dans les provinces.
CM : Un petit mot sur les soixante ans de la marque
Juin est un mois très important pour moi, car je célèbre mon 30e anniversaire au sein de Sofitel, après avoir consacré toute ma carrière à cette marque exceptionnelle. Je suis incroyablement fière du chemin parcouru par Sofitel et profondément honoré de contribuer à son héritage. Célébrer le 60e anniversaire de Sofitel en même temps que mon propre anniversaire me remplit d’une immense fierté et d’une grande gratitude pour le voyage que nous avons entrepris ensemble, en nous efforçant continuellement d’offrir un luxe et une expérience inoubliables à nos clients
CM : À propos de vos loisirs…
Je dors (rire). Ceci dit, nous travaillons six jours sur sept et à y réfléchir, notre temps de repos est précieux. J’aime bien lire, j’adore cuisiner également. J’aime aussi me balader dans la capitale, Phnom Penh est une ville assez agréable pour cette activité.
Comments