Le ministère de l'environnement vient de lancer une initiative en faveur de la conservation : Installation de caméras, une étape préalable à la restauration des populations de tigres dans les montagnes des Cardamomes. Quelles sont les chances de réussite ?
Le ministère de l’Environnement prévoit d’installer des caméras supplémentaires dans les Cardamomes pour surveiller la présence des animaux sauvages, en particulier ceux qui sont la proie des grands tigres comme cerfs et sangliers.
Selon le ministère, il est prévu d’installer une caméra tous les kilomètres pendant une période de trois mois, à la fois pendant la saison sèche et la mousson. Ces caméras permettront d’analyser les espèces qui servent de sources de nourriture pour la restauration de grandes populations de tigres.
« L’installation de ces caméras dans la région nous permettra de recueillir des données précises sur les ressources fauniques, ce qui nous permettra d’évaluer s’il existe une base de proies adéquate pour les populations de grands tigres », souligne le ministère, ajoutant : « Ces informations aideront les défenseurs de l’environnement à élaborer des plans pour renforcer les populations de grands tigres, ce qui peut impliquer des mesures telles que l’élevage d’un plus grand nombre d’animaux sauvages ou la fourniture de bétail domestique ou de buffles. »
En outre, poursuit le ministère, elles faciliteront l’étude de la densité et de la répartition des espèces proies essentielles à la survie des grands tigres.
Le Cambodge et l’Inde ont signé un protocole d’accord sur la coopération en matière de conservation de la biodiversité, de gestion durable de la faune et de stratégies de restauration des tigres et de leurs habitats le 12 novembre 2022.
En outre, le ministère de l’Environnement et la Wildlife Alliance ont clôturé 90 hectares de terres forestières dans le sanctuaire de la faune sauvage de Tatai, dans les montagnes des Cardamomes, pour l’accueil initial des tigres transférés à leur arrivée d’Inde et avant leur libération dans la zone des Cardamomes. Cette zone est équipée d’une grande clôture, d’enclos et d’étangs.
Ce projet vise à rétablir la population de tigres au Cambodge après leur disparition en 2007. À l’échelle mondiale, la population de tigres a considérablement diminué, avec environ 3 200 individus restants en 2010, contre environ 100 000 au début du 20e siècle.
Documentaire : Le tigre d'Indochine au Cambodge
Alors que le World Wildlife Fund a longtemps encouragé le gouvernement à accepter un plan de réintroduction des tigres au Cambodge, principalement dans la région des Cardamomes, il est important de souligner à quel point l’entreprise est périlleuse et peut-être même utopique…
Le Cambodge ne serait certainement pas pionnier en la matière. Pourtant, si l’Inde peut se targuer d’avoir réussi à sauver et même accroître ses populations de tigres, les expériences conduites en Indonésie pour le tigre de Sumatra, sont bien moins concluantes, tout comme la plupart des programmes de réintroduction de prédateurs en Asie, mais aussi en Europe.
Vrai que le projet cambodgien n’est pas impossible techniquement, à la condition d’avoir suffisamment de financements, beaucoup de financements, une gestion rigoureuse des espaces et une vigilance toute particulière à l’encontre des contrebandiers. Ayant posé une fois la question de savoir s’il restait des tigres au Cambodge et s’ils pouvaient être réintroduits le cas échéant, Nick Marx, un spécialiste notoire du félin et de la conservation au Cambodge, avait poussé un grand soupir en disant : »… ils les ont tous tués en moins de dix ans… quelle garantie pourrait avoir une nouvelle population de tigres ? ».
Pourtant, l’initiative plait… réintroduire un prédateur tout en haut de la chaine alimentaire est un signe de qualité d’un écosystème et représentatif d’une politique de conservation efficace. Et, il y a aussi le charisme, le public aime les big cats, le tigre est beau, majestueux, et attire facilement les subventions. Mais l’entreprise est à haut risque. Les tigres ont besoin d’espaces, de beaucoup d’espaces, certains individus couvrent des distances allant jusqu’à deux cents kilomètres par semaine. Se pose aussi le problème des proies. Si le tigre n’a pas suffisamment de quoi chasser, il s’approchera des villages, attaquera le bétail et rencontrera probablement son principal ennemi : l’homme.
À savoir également quelles seraient les techniques de réintroduction. Il semble peu probable que des tigres élevés en captivité puissent survivre même dans une zone abondante en gibier. Ils ont été habitués à être nourris, à la présence de l’homme, et auraient des difficultés à s’adapter à une vie sauvage. En sus de cela, les tigres en liberté restent la proie potentielle des braconniers. Quels seraient les moyens mis en œuvre pour décourager la chasse illégale alors que cette pratique, liée au gout immodéré des Chinois pour les organes de tigre, a conduit à la disparition du félin dans le royaume et qu’aucune mesure, aucun programme n’ont pu empêcher le braconnage du tigre ? En 2007, les Chinois payaient jusqu’à huit mille dollars pour un tigre sauvage abattu. Cela représentait plusieurs années de salaire pour un petit agriculteur. Quels arguments pour contrer cette tentation, illégitime, mais malheureusement bien compréhensible ?
Alors même que l’idée semble bien ancrée d’importer des tigres depuis l’Inde pour les réintroduire au Cambodge, on se doute bien que le pays partenaire risque d’être exigeant quant à la qualité du programme et la sécurité des animaux.
À cela se greffent aussi les problèmes de déforestation qui, s’ils n’altèrent pas directement le territoire du tigre, menacent gravement la survie des espèces dont se nourrit le tigre. Si les cerfs et cochons sauvages disparaissent, le tigre ne peut pas survivre, c’est une évidence.
Un rapport datant de quelques années argumentait de la nécessité de réintroduire les tigres dans le royaume et mentionnait la présence d’une trentaine d’individus… Le chiffre semblait ambitieux alors qu’il n’existait aucune trace de tigre vivant depuis 2007. À l’époque, une caméra trappe avait pu surprendre un individu près de la frontière vietnamienne. Alors, tigre ou pas tigre au Cambodge ? Si le projet parvient à être financé, il faudrait pouvoir s’assurer de sa maintenance, de la préservation des forêts et de la faune… autant d’éléments qui ne plaident pas vraiment en faveur du royaume tant l’empiétement sur les zones protégées et le peu d'efficacité des programmes de conservation ont altéré l’image d’un pays pourtant autrefois richissime en matière de biodiversité.
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Le dernier tigre des Cardamomes
2009, Phnom Penh. Lors d’une conversation avec Nick Marx, le baroudeur qui connait la faune cambodgienne comme sa poche, la disparition du tigre dans le royaume est évoquée. « … ils les ont tous tués, il n’en reste plus un seul, peut-être un vieux mâle solitaire traîne-t-il dans les Cardamomes, mais cela risque de ne pas durer longtemps… », explique le vieux Nick, un peu dépité. Il adore les tigres, c’est lui qui, au sein de l’ONG WildLife Alliance s’occupe des quatre félidés pensionnaires de la réserve naturelle de Phnom Tamao. Un vieux mâle dans les Cardamomes… et si j’essayais de le filmer ?
1925 : souvenirs peu glorieux de chasse au tigre en Indochine
Dans son livre « Sur la Route Mandarine » publié en 1925, Roland Dorgelès démystifie le mythe, et raconte l’envers du décor des scènes de chasses appréciées des voyageurs fortunés… Pourtant, le tigre tue, c’est une réalité. C’est l’ennemi numéro un des postiers. Les villages, notamment dans le haut Tonkin, sont obligés d’édifier des fortifications contre lui, et de mettre en place des veilleurs sur des miradors, la nuit.
Décès de Jasper, le dernier tigre d’Indochine des forêts du Cambodge
C’est avec le cœur lourd que l’équipe de Wildlife Alliance a annoncé le décès du tigre Jasper, affectueusement surnommé Map, à Phnom Tamao. Jasper, le dernier tigre d’Indochine des forêts du Cambodge. Sauvé des braconniers qui l’avaient capturé en 1998 alors qu’il n’était âgé que de quelques jours, Jasper était considéré comme le dernier tigre d’Indochine des forêts du Cambodge.
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