Sous le soleil d’Asie du Sud-Est, le palmier nain de mangrove (Licuala spinosa), ou Ph'av en khmer, s’épanouit dans les eaux douces et saumâtres. Chéri par les familles cambodgiennes, il joue un rôle essentiel dans la médecine traditionnelle khmère : il apaise les fièvres, renforce la santé prénatale et servirait même de remède contre la tuberculose.
Dans le district historique d’Angkor Thom, à Siem Reap, environ 400 familles des trois villages de la commune de Leang Dai tressent encore le palmier Ph'av pour en faire de magnifiques nattes. Cette tradition séculaire, héritée de leurs ancêtres, parvient à survivre au milieu du monde moderne.
Sur les terres balayées par la poussière du village de Ta Prok, on peut voir cette histoire en mouvement à l’ombre d’une maison en bois sur pilotis. Une femme âgée, le visage sillonné par le temps, tisse méticuleusement une natte Ph'av. Elle s’appelle Nam Vern, tisseuse de nattes âgée de 68 ans et fière habitante du village.
« L’art de tisser des nattes Ph'av est une chose à laquelle les villageois de Ta Prok sont très attachés. Je l’ai appris à 14 ans, mais c’est un métier en voie de disparition. La jeune génération n’a pas la patience nécessaire », confie Vern.
Malheureusement, révèle Vern, le palmier à éventail de la mangrove, autrefois abondant à Siem Reap, est aujourd’hui pratiquement introuvable dans la province. Pour s’approvisionner en tiges de palmier, il faut se rendre dans les forêts denses de la province voisine de Kampong Thom.
Selon Vern, les tiges sont achetées en paquets, râpées, trempées et séchées. Elles subissent une deuxième phase de séchage, suivie d’une immersion dans diverses teintures naturelles avant d’être finalement tissées en nattes, un processus qui s’étend sur plus de quinze jours.
« La fabrication des nattes de Ph'av demande de la patience, de l’habileté et du dévouement. Je crains qu’il n’y ait personne pour hériter de cette précieuse tradition », souligne Mme Vern.
Malgré ces difficultés, Vern vend avec succès ses nattes sur Facebook, le prix variant en fonction de la taille de la natte.
Le chef de la commune de Leang Dai, Koeun Kerb, révèle quant à lui que la diminution du nombre de palmiers à éventail de la mangrove menace cet artisanat séculaire.
« Il fut un temps où les palmes de mangrove étaient abondantes ici. Mais leur survie dépend de nos forêts. Sans forêts, il n’y a plus de palmiers », dit-il.
Malgré les obstacles, il réaffirme que le tissage de nattes Ph'av améliore considérablement les conditions de vie des villageois.
Faisant écho aux sentiments de Kerb, Tea Kim Soth, directeur du département provincial de l’agriculture, des forêts et de la pêche de Siem Reap, confie que les zones autrefois riches en Ph'av ont été progressivement envahies par le développement urbain, ce qui a entraîné une forte diminution de la disponibilité du palmier.
« Les nattes de Ph'av sont particulièrement populaires à Siem Reap en raison de la durabilité, de la douceur et de la facilité d’utilisation du palmier. Dans les régions où le Ph'av est rare, d’autres variétés de palmiers sont utilisées comme substitut, mais elles n’atteignent pas la qualité du Ph'av », explique Kim Soth.
Kim Sarom avec notre partenaire The Phnom Penh Post
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