La vérité n’a pas besoin de la loi pour être protégée ; de même, le mal ne devrait pas bénéficier d’une tribune pour être excusé, diminué ou justifié. La demande d’ordinateur de Khieu Samphan, et la défense de son avocat à cette fin, n’est pas une lutte pour le droit à la liberté d’expression ou d’autres droits de l’homme ; il s’agit plutôt d’un débat sur l’octroi de privilèges injustifiés à l’auteur d’un génocide.
Bien sûr, toute personne devrait être autorisée à lire, à écrire et à discuter de sujets et questions de son choix, mais Khieu Samphan n’est pas n’importe qui, et sa demande n’est pas un simple accommodement au nom de la liberté d’expression. Il a eu amplement l’occasion de s’exprimer devant un tribunal sur les accusations qu’il souhaite ardemment exposer, et il a été condamné par ce tribunal pour ces accusations spécifiques. Il n’est pas privé du droit de parler, d’écrire ou de publier ;
« il revendique plutôt le droit à une commodité technologique, ce qui semble tellement éloigné de la privation barbare que lui et d’autres ont supervisée pendant qu’il dirigeait le régime des Khmers rouges. »
Il semble presque ridicule de devoir dire que le peuple cambodgien qui a été forcé de travailler sous la terreur de la mort perpétrée par les hauts dirigeants des Khmers rouges, dont Khieu Samphan, n’aurait même pas pu imaginer avoir les discussions que nous avons aujourd’hui sur le droit ou le privilège ainsi revendiqué par Khieu Samphan. La demande de Khieu Samphan n’est pas le plaidoyer d’un homme potentiellement innocent. Ce n’est pas non plus le plaidoyer d’un homme qui cherche véritablement à éduquer ou à apporter de la valeur à la société civilisée.
« C’est le plaidoyer d’un vieux despote dont les demandes de dignité, de décence et de droits de l’homme atteignent les sommets de l’hypocrisie dans le contexte des millions de personnes qui sont mortes sous le régime de Pol Pot. »
Il revendique le statut de victime, alors que les survivants mutilés physiquement, mentalement et spirituellement par ses actions et inactions et celles des autres luttent pour satisfaire les besoins humains les plus élémentaires.
Les perspectives d’un monde meilleur exigent un engagement sans équivoque en faveur de la liberté d’expression, des droits de l’homme, de la démocratie et de l’État de droit, mais le fait que Khieu Samphan ait besoin d’un ordinateur pour terminer son autobiographie n’est pas un exemple de cette lutte. En fait, il s’agit d’une parodie qui ne devrait pas être prise à la légère, et encore moins soutenue.
Youk Chhang est directeur du Centre de documentation du Cambodge (DC-Cam). Le DC-Cam a deux objectifs principaux. Le premier est d’enregistrer et de préserver l’histoire du régime des Khmers rouges pour les générations futures. Le second est de compiler et d’organiser les informations qui peuvent servir de preuves potentielles dans le cadre d’une procédure judiciaire (le Tribunal des Khmers rouges) pour les crimes commis par les Khmers rouges. Ces objectifs représentent notre promotion de la mémoire et de la justice, qui sont toutes deux des fondements essentiels de l’État de droit et d’une véritable réconciliation nationale au Cambodge.
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