Plusieurs travailleurs migrants cambodgiens, installés en Corée du Sud ou de retour dans le pays, ont réuni leurs capitaux et leur savoir-faire pour lancer Veha Juice, une entreprise qui transforme les fruits cultivés localement en boissons, confitures et friandises.
Keo Kosal, l’un des cofondateurs de Veha Juice, a terminé son contrat de travail en Corée du Sud et est rentré au pays en 2020, durant la pandémie de Covid-19.
« Nous sommes sept cofondateurs. Nous avons appris à nous connaître lorsque nous travaillions en Corée, et c’est à ce moment-là que nous avons décidé de créer cette entreprise », confie le trentenaire à nos partenaires du Post.
« Actuellement, deux d’entre nous gèrent les affaires au Cambodge, les autres travaillant toujours en Corée du Sud », précise-t-il.
À l’origine, le groupe d'amis avait l’intention de créer une société d’importation de voitures d’occasion. Mais cette activité étant trop chronophage, ils ont cherché une autre opportunité.
« Nous savions que les cultures agricoles du Royaume avaient besoin de débouchés et que le pays voulait les promouvoir. Nous avons décidé d’ouvrir la Veha Juice Company en partie pour soutenir le secteur agricole », ajoute-t-il.
L’entreprise a été créée en 2019, et dispose d'une licence pour traiter toutes sortes de fruits et légumes. Le groupe a commencé à commercialiser ses produits à la mi-2020, lorsqu’il a introduit le longane séché et les confitures de longane.
L’ananas, le fruit du dragon et la mangue ont été produits sous forme de confitures entre fin 2020 et 2021. À la mi-2022, l’entreprise a lancé son dernier produit — le longane de Pailin en bocal, élaboré à partir de sirop de longane frais.
« Par exemple, un jour nous produisons de la confiture de fruits du dragon, puis nous passons à la mangue. Nous les traitons à la chaine. Cela signifie qu’ils ont du travail presque tous les jours », déclare Kosal. L’usine du village Nimitt 1 de la ville de Poipet est supervisée par un autre cofondateur, Sum Savong, tandis que les autres cofondateurs travaillent en Corée du Sud.
« Notre entreprise est très jeune. Nous ne savons pas s’il y a assez d'activité pour justifier que nous y travaillions tous les sept ! » ajoute-t-il.
Aujourd’hui, ils gagnent juste assez pour couvrir les frais de personnel et les dépenses de l’usine. L’entreprise tente d'aller au-delà de son seuil de rentabilité. Cela permettrait ainsi d’augmenter la quantité de produits susceptibles d'être achetées aux agriculteurs locaux.
« Nous ne sommes pas encore présents sur un grand marché international, mais nous essayons de trouver des débouchés dans le pays et à l’étranger. Une fois que la demande existera, nous serons en mesure de passer des commandes beaucoup plus importantes aux agriculteurs », dit-il.
Sur le marché local, leurs confitures et conserves sont disponibles dans quelques supermarchés, notamment dans les stations-service de Tela.
Surmonter les difficultés
Le fait que la production de leurs produits soit saisonnière et la demande encore imprévisible des détaillants sont deux complications. Des tonnes de produits à base de longanes ont été produites au début de la saison et se sont rapidement écoulées, ce qui reste toutefois prometteur.
« Parce que nous visons des produits naturels purs, nous ne voulons pas utiliser de conservateurs. Cela signifie que nous ne voulons pas avoir de produits en attente de commandes. Nous fabriquons en fonction des commandes des clients. Avec seulement quelques jours de préavis, nous pouvons produire les produits les plus frais possible », explique-t-il.
Contrairement à beaucoup d’autres produits en conserve, il affirme que très peu d’édulcorants sont utilisés, ce qui signifie qu’il s’agit d’un produit plus sain que ceux de beaucoup de leurs concurrents.
La confiture de fruits était initialement vendue au prix de 6 000 riels, mais plus tard, le prix a été réduit à seulement 3 500 riels. Les produits, comme le sirop de longane frais, coûtent de 4 000 à 4 500 riels par bocal, selon l’endroit.
« Nos produits ne sont pas chers. Ils sont proposés à des prix similaires à ceux de nos concurrents, à des prix abordables », déclare Kosal.
Il admet qu’ils doivent faire face à une forte concurrence de la part des produits importés. Une autre difficulté consiste à trouver des moyens d’accroître la demande. Les confitures et les conserves de fruits n’étant pas des produits de première nécessité — et ne faisant pas non plus partie des repas quotidiens — elles nécessitent un marketing plus important, comme il se doit pour les produits de luxe.
« Certains produits sont des produits dont tout le monde a besoin, donc une promotion modérée suffit. Nous, par contre, nous vendons quelque chose qui est un luxe. Il existe également de nombreuses importations et même des produits nationaux qui nous font directement concurrence », ajoute-t-il.
Il a reconnait aussi que leur processus de fabrication n’est pas à la hauteur de ce qu’il devrait être. L’entreprise cherche des partenaires pour introduire l’énergie solaire et des machines à peler et à sécher.
« Actuellement, nous épluchons nos fruits à la main, ce qui n’est pas aussi efficace. Nous utilisons également un four électrique pour sécher nos fruits, ce qui rend nos frais généraux très élevés », dit-il.
« Une fois que nous utiliserons l’énergie solaire, nous pourrons nous installer dans un local plus grand et la chair des fruits que nous séchons sera de meilleure qualité », précise-t-il.
L’entreprise prévoit donc de modifier sa stratégie en passant de la production saisonnière à la production de masse, en proposant une gamme de produits plus large.
Débloquer les marchés internationaux
Avec l’aide de l’USAID, Veha Juice a été invité à présenter ses produits dans 10 pays, dont la Chine et la Corée du Sud.
« Nous avons également collaboré avec une entreprise locale pour fournir des fruits entiers à la Chine. Ils n’ont pas pris les fruits emballés, mais commandent des tonnes de longanes pour les emballer là-bas », explique Kosal.
Le distributeur exclusif de Veha Juce à Siem Reap, Sam Chaiwong, âgée de 25 ans, annonce que le longane frais en bocal se vend mieux que les confitures, car il est fabriqué à partir de sucre naturel.
« Les nôtres ne sont pas très sucrées, car nous n’utilisons que des quantités très modérées », dit-elle.
Elle confie que pendant le Nouvel An khmer, beaucoup de clients ont acheté des longanes frais comme cadeaux lorsqu’ils se rendaient dans leur ville natale.
Elle a aussi observé une augmentation de la demande pour la consommation de fruits à domicile, grâce au soutien de plusieurs organisations et ministères qui ont contribué à promouvoir les produits et à organiser des expositions.
Pan Simala et Hong Raksmey avec notre partenaire The Phnom Penh Post
Comentários