Fidèle parmi les fidèles de notre magazine, Pierre-Yves Clais a choisi tout naturellement nos colonnes pour parler de ses nouvelles activités destinées à générer des revenus supplémentaires face à une situation touristique encore morose.
Comment va Pierre-Yves Clais en 2024 ?
Il faut bien avouer que nous avons connu des périodes plus fastes… les effets du Covid sont toujours présents, car la reprise du tourisme a été fort décevante.
Étonnamment, le Cambodge a de réels problèmes à attirer le tourisme international, tandis que nos voisins immédiats, Thaïlande, Vietnam… semblent tous revenus à la normale ! Il y a certainement là un déficit en termes d’image et de promotion qui ne peut être comblé que par le Ministère du Tourisme…
Quelles raisons pour cette nouvelle activité ?
Au début de la pandémie de Covid, poussés par le besoin de trouver de nouveaux revenus, il fallait se réinventer un peu, professionnellement parlant. Nous est alors venue l’idée de développer autrement la ferme que nous possédons à Kep et qui au départ était surtout une idée de mon épouse. Ayant grandi à la campagne, Chenda adore faire pousser ses propres fruits et légumes. À une époque où les produits chimiques sont omniprésents dans les denrées vendues au marché, il est bon d’avoir sa propre source d’approvisionnement, cependant, nous produisons beaucoup plus que ce dont la famille a besoin et la commercialisation n’est pas aisée.
En effet, tout le monde produit des mangues ou des ananas à la même saison et les prix du marché sont donc très bas. Si vous n’êtes pas capable de transformer ces produits, donc de réinvestir pour les sécher, les transformer en jus de fruits ou en confiture, tout en payant une électricité hors de prix, vous vendez à perte ou bien vous les donnez à la famille, à des associations s’occupant d’orphelins et de personnes handicapées ou encore à nos éléphants, qui en raffolent.
« Ce n’est pas vraiment la formule magique pour remonter financièrement la pente… Seul le poivre de Kep est vraiment profitable, mais nous n’en produisons pas assez. »
Nous avons donc complété notre offre en développant des gélules de bien-être avec nos diverses épices : curcuma, curcuma & poivre, curcuma, poivre & gingembre, gingembre noir, galangal… et puis nous commercialisons également des produits venus de Ratanakiri : noix de cajou, avocats, etc.
Parlez-nous plus en détail de vos nouvelles activités
Si mon épouse aime les plantes, de mon côté je préfère les animaux. J’ai donc commencé à diversifier le poulailler en ajoutant des oies et des pintades, dont j’adore le goût.
Mais, si les premières sont très robustes et ne posent aucun problème particulier, les dernières ne sont pas simples à élever… Les pintades pondent un peu partout, il faut donc trouver leurs œufs et les mettre en couveuse jusqu’à ce que les petits éclosent puis les placer dans des cages le temps qu’ils grandissent. De plus, ces animaux divaguent fort loin, souvent jusque chez les voisins, et nous avons beaucoup de pertes. Parfois 15 pintades manquent à l’appel, puis 25…. En trois ans nous avons dû en manger deux, beaucoup moins, au final, que nos voisins…
Ceux-ci demandent souvent si rien ne nous manque de la France, ce à quoi je réponds invariablement :
« Rien, nous avons tout ce que nous voulons ici, des amis et du vin du monde entier, de la cuisine de France et de tous les pays de la région ; et depuis l’avènement d’internet on peut allègrement télécharger films, musique et bouquins. Une seule chose me manque, le ragoût de mouton de ma maman ! »
De fait, importé d’Australie ou de Nouvelle-Zélande, le mouton est généralement hors de prix au Cambodge. On voit parfois des chèvres dans les campagnes khmères, mais on n’y aperçoit quasiment jamais d’ovins. Il a donc fallu qu’une amie musulmane nous emmène dans un quartier cham à une quarantaine de kilomètres au nord-ouest de Phnom Penh pour que nous puissions faire l’acquisition d’une dizaine de moutons plutôt malingres, de tailles et d’espèces variées.
Quelles sont les difficultés de cette entreprise ?
Ces moutons se sont très vite adaptés à leur nouvel environnement de bord de mer, ils ont rapidement pris du poids et commencé à faire des petits. Le principal problème a été les chiens des voisins qui rentraient chez nous et égorgeaient nos bêtes, nous avons immédiatement contre-attaqué et amené nos propres chiens qui nous ont certes débarrassé des prédateurs, mais ont ensuite fait exactement la même chose qu’eux, n’est pas chien de berger qui veut…
Le second problème est que, s’il n’a pas l’agilité d’une chèvre, le mouton n’en est pas moins assez destructeur…
« J’avais l’image d’un animal broutant le nez au ras de l’herbe autour de Marie-Antoinette et des dames de la cour, grossière erreur ! »
Un mouton sait se mettre debout et dévorer tous les arbres qui n’ont pas atteint une taille suffisante. Le petit troupeau a donc fait des ravages en mangeant des centaines de durians fraîchement plantés, au grand dam de mon épouse !
Le climat tempéré de Kep et les pâturages de notre ferme leur permettent de se promener et de brouter de l’herbe fraîche et locale, comme le veut la nature. Ils vivent dans des conditions naturelles tout au long de l’année, ce qui favorise leur bien-être et limite le stress.
Cette alimentation à l’herbe signifie que notre mouton est naturellement tendre et maigre et qu’il a une saveur pure et douce, la viande est plus pauvre en graisses saturées, mais plus riche en vitamines A et E et en acides gras oméga-3 que la viande nourrie au grain, elle contient également plus de protéines.
Ceci dit, avant de pouvoir déguster nos premières côtelettes, il a bien fallu apprendre deux ou trois choses sur les moutons, en particulier à tondre les plus hirsutes de nos bêtes. Et comme rien n’est disponible localement pour les ovins, nous avons au départ utilisé des ciseaux de bureau. Il fallait alors deux heures avec mes filles, et quelques ampoules aux doigts, pour déshabiller complètement un mouton adulte !
La caudectomie et la castration des jeunes mâles au moyen d’un élastique faisaient également partie du programme… Heureusement, à notre époque, un petit tour sur YouTube suivi de l’envoi de quelques outils de France et le tour est joué !
Arrive ensuite le délicat moment où l’on fait passer son mignon mouton à l’état de viande de boucherie, il faut encore opérer soi-même, et là aussi, YouTube et un ami de bon conseil permettent, petit à petit, de faire un travail convenable !
Vos ambitions - espoirs ?
La qualité du produit est maintenant notre meilleure alliée, alléchés par quelques publications sur Facebook, des amis commandent pour goûter, puis en parlent autour d’eux, quelques restaurants de renom nous ont fait confiance également.
Notre troupeau grandit, nous avons construit une deuxième bergerie beaucoup plus grande, la première servira de nurserie, et nous avons bon espoir d’atteindre 150 moutons d’ici environ un an.
Pour conclure, notre petit élevage local est un processus artisanal et respectueux de l’environnement, en diversifiant un peu l’économie locale, il permet de mettre en valeur autrement ce fabuleux terroir de la région de Kep-Kampot qui est déjà connu pour plusieurs produits phares tels que le poivre, le crabe, la fleur de sel et le durian.
Nos moutons de « pré-salé » permettent maintenant une alternative aux produits importés à travers un circuit court et écologique qui pourrait se résumer ainsi : « du pré à votre assiette ! »
Contact
Tel : 012214468
Hate de tester
Merci pour cette interview !
Quelle bonne nouvelle pour les locaux !
Bravo, produits excellents