La Cambodgienne Reaksmey Chhorpon a réalisé un rêve qui semblait impossible. Elle voulait devenir une scientifique. Aujourd'hui, en tant que fondatrice de HathKal Lab, elle utilise le génie chimique pour transformer des cultures cambodgiennes en plusieurs variétés d'huiles essentielles pures.
Les huiles essentielles de citronnelle, de feuille de kafir et de curcuma ne sont que quelques-uns des produits qu’elle fabrique, créant ainsi des opportunités d’emploi pour les agriculteurs cambodgiens et développant le génie chimique et la technologie alimentaire du Cambodge sur la scène internationale.
Chhorpon a été diplômée en génie chimique et technologie alimentaire de l’Institut de technologie du Cambodge en 2016 et a obtenu une bourse pour étudier aux États-Unis, avant de créer son laboratoire en 2018.
« Il y avait beaucoup de gens autour de moi qui disaient que les produits khmers étaient pauvres et que nous ne pourrions peut-être pas y arriver. Pour faire taire les rabat-joie, j’ai créé le laboratoire avec mon propre argent », confie la fondatrice de 28 ans à nos partenaires du Post.
La jeune chimiste avait observé que les produits cambodgiens étaient de très bonne qualité, mais pensait qu’il serait difficile de leur ajouter de la valeur. Pour elle, l’un des principaux problèmes de l’agriculture au Cambodge se résumait à : « certains produits ont un marché trop étroit et sont vendus trop peu cher ».
« Donc maintenant, non seulement je fais quelque chose que j’aime, mais je tente de trouver une réponse à un problème plus large, trouver des marchés pour mes produits », dit-elle.
Si elle avait entendu parler du célèbre poivre de Kampot, qui a acquis une reconnaissance mondiale, elle n'était toutefois pas certaine de la qualité des autres produits agricoles du Royaume.
« Lorsque j'ai commencé à effectuer mes propres recherches, j'ai découvert que les terres cambodgiennes sont vraiment fertiles. Les produits khmers sont vraiment bons et uniques et la qualité de mes huiles reflète cela », confie-t-elle.
Des années de planification
Chhorpon avait très peu de capital disponible et il lui a fallu trois ou quatre ans avant de pouvoir fabriquer un produit prêt à être commercialisé. Elle a dû rassembler des données dans différentes provinces pour déterminer quelles régions - et quelles saisons - lui donneraient les rendements nécessaires pour produire ses huiles :
« Il m'a fallu beaucoup de temps pour mener mes recherches. Je produis à présent 11 sortes d'huiles, mais ce ne sont que celles qui ont été retenues tout au long du processus - j'ai exploré bien d'autres options. Au début, je me suis concentrée sur la recherche, puis j'ai commencé à acheter des équipements et à demander la reconnaissance du ministère de l'industrie, de la science, de la technologie et de l'innovation. »
Avec un logo qui combine les arts martiaux khmers et la science créative, le nom de l'entreprise est dérivé des mots khmers « Hath » et « Kal », qui signifient respectivement « mains nouvelles » et « uniques ».
« J'espère que lorsque ces produits seront un jour exportés partout dans le monde, les gens reconnaîtront qu'ils appartiennent au Cambodge, rien qu'en regardant le nom et le logo », ajoute Chhorpon.
Aujourd'hui, HathKal Lab vend des bouteilles d'huile de 10 millilitres pour un prix compris entre 10 dollars (citronnelle) et 30 dollars (citron vert). Elle vend également diverses huiles de massage.
« Le Cambodge importe beaucoup d'huiles - mais la plupart sont des huiles parfumées, qui ne sont pas pures. Mes huiles sont pures et de très bonne qualité », dit-elle.
« Quand on me demande si nous pouvons concurrencer les huiles essentielles importées, je peux dire que oui. Je parle d'huiles essentielles de haute qualité, pas d'huiles parfumées au rabais »,ajoute-t-elle.
La majorité des clients achètent ces huiles pour parfumer leur maison, les utilisent comme huile de massage ou les mélangent à des produits cosmétiques.
« Pendant la période de fermeture de Covid-19, j’ai reçu beaucoup de commandes », précise-t-elle.
L’avantage de l’huile
Certaines de ces huiles sont utilisées de la même manière que leurs plantes d’origine. De nombreux clients achètent des huiles de plantes alimentaires, comme l’herbe de rizière ou le citron vert, car les plantes elles-mêmes sont chères et difficiles à trouver à l’étranger. « Un bouquet d’herbes peut coûter un ou deux dollars, mais une bouteille d’huile contient l’essence de 20 kg d’herbes et peut être conservée pendant longtemps », explique-t-elle.
Il faut un mois pour que la plupart des herbes soient plantées et récoltées, et une fois ramassées, elles se fanent en quelques jours. Après des années d’expérimentation, ses huiles ont une durée de conservation d’au moins deux ans.
« Cela signifie que les huiles sont bien plus pratiques que l’alternative fraîche. Je prends des produits qui se conservent longtemps et je peux les vendre en toute saison », ajoute-t-elle.
Les huiles essentielles d’herbe de rizière et de citron vert sont les plus difficiles à produire, mais elles sont uniques à Hathkal — personne d’autre ne les produit au Cambodge :
« Pour moi, le citron vert kafir est comme l’or — il est difficile à trouver. De plus, nous avons besoin d’une grande quantité. Je dois en acheter au moins 100 kg pour produire mon huile », dit-elle.
« La plupart du temps, je les vends pour gagner de l’argent afin de poursuivre mes recherches. Jusqu’à présent, la plupart de mes clients sont cambodgiens. Je veux sécuriser le marché local avant de me développer à l’étranger », ajoute Chhorpon.
HathKal Lab a obtenu le soutien de l’USAID Cambodge par le biais du réseau Women in Tech Network, de l’ONUDI et du PNUD Cambodge.
Un site web a été mis en place pour les commandes en ligne, en plus des ventes sur les médias sociaux. Les huiles sont également disponibles au centre commercial Chip Mong et à Plus Pharmacy.
Rêves d’avenir
L’ambition d’Hathkal Lab n’est pas seulement de produire des huiles essentielles. Sa prochaine étape comprendra la production de thés et de savons avec différents parfums et saveurs.
« Nous avons commencé par produire des huiles essentielles, car elles sont la clé de la création d’innombrables autres produits agro-industriels. Elles servent d’arômes, de parfums et de conservateurs pour les cosmétiques et les aliments. Elles peuvent également servir d’analgésiques », déclare la jeune entrepreneure, ajoutant :
« Je veux créer un laboratoire de cosmétiques naturels où les gens pourront personnaliser les produits à leur guise. Par exemple, ils pourraient vouloir une crème pour la peau au parfum de citron vert kafir. »
HathkalLab achète des produits agricoles à une centaine de familles dans dix régions différentes du pays. Bien que l’entreprise soit encore jeune, elle considère que son laboratoire a une influence positive sur la communauté agricole :
« Nous devons rendre nos entrepreneurs forts, afin qu’il y ait un meilleur marché pour nos agriculteurs — nous pourrons alors commencer à offrir plus de valeur à la chaîne agricole. Mon ambition est de transformer tous les produits agricoles de toutes les provinces pour donner plus de travail aux agriculteurs. Cela semble ambitieux, mais c’est la voie que je suis en train de suivre », dit-elle.
Reaksmey Chhorpon encourage la jeune génération à penser de manière large et à prendre le chemin des sciences et de l’ingénierie pour développer la filière :
« Les compétences pratiques sont très utiles pour les entrepreneurs au Cambodge. C’est un pays agricole avec beaucoup de potentiel, mais ce qui nous manque, ce sont les compétences scientifiques pour développer ces produits et les amener sur le marché. Lorsque nous commencerons à produire localement des articles à forte valeur ajoutée, non seulement nous valoriserons les produits de nos agriculteurs, mais nous rehausserons le profil du Royaume tout entier », conclut-elle.
Pan Simala avec notre partenaire The Phnom Penh Post
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