L’entreprise EcoBatt vient de signer un important protocole d’entente avec le ministère de l’Environnement, permettant une meilleure prise en charge des déchets dangereux. Sébastien Ung, responsable du développement des affaires et de la stratégie, détaille cet accord et les enjeux qui lui sont liés.
Cambodge Mag : Pouvez-vous tout d’abord nous présenter l’entreprise ?
Sébastien Ung : Depuis sa fondation en 2019, EcoBatt Energy Cambodia se consacre à la protection de l’environnement par la gestion des batteries usagées, dont les déchets peuvent s’avérer très dangereux s’ils ne sont pas traités correctement.
D’abord basée à Siem Reap, la crise Covid a comme beaucoup d’autres secteurs entraîné un sérieux impact dans notre activité. Nous avons avec les anciens propriétaires cherché un investisseur afin de délocaliser l’entreprise dans la capitale.
EcoBatt Energy a été rachetée en janvier 2022 et appartient désormais à un groupe cambodgien. Nos locaux sont maintenant basés à Phnom Penh et notre équipe est composée d’une vingtaine de personnes. De nouveaux recrutements sont à venir d’ici la fin de l’année.
En tant qu’entreprise citoyenne, notre activité principale consiste à lutter contre l’obsolescence des piles et batteries au Cambodge, qui ne dispose pour cela d’aucun centre agréé de recyclage et souffre des effets négatifs provoqués par ces déchets sur l’environnement et la santé publique.
C.M. : Quels procédés mettez-vous en œuvre pour y parvenir ?
S.U. : Nous proposons un modèle d’économie circulaire complet pour les batteries au plomb-acide, en utilisant un processus de régénération unique, non invasif et entièrement électronique. Cela nous permet aussi de fournir des batteries industrielles de qualité avec un service de maintenance et une garantie plus longue que toute autre marque. Ce processus facilite et prolonge l’usage des batteries et concerne de nombreux domaines, notamment l’automobile, les véhicules commerciaux, les voitures électriques, les voiturettes de golf, les chariots élévateurs et toute une panoplie d’utilisations industrielles. Nous proposons aussi d’autres prestations dans le stockage d’énergie telle que la mise en place de data-centers ainsi que l’installation de systèmes photovoltaïques.
C.M. : Pourquoi le recyclage des piles et des batteries est-il si important ?
S.U. : Les problématiques liées au recyclage des piles et des batteries sont nombreuses. Le risque d’incendie tout d’abord, car les piles peuvent prendre feu. Les batteries lithium-ion, par exemple, sont très dangereuses, car elles peuvent s’enflammer si elles sont endommagées ou si elles surchauffent. Une fois hors d’usage, les bornes des piles et batteries doivent être protégées en scotchant les extrémités. Il ne faut surtout pas jeter les piles ou batteries à la poubelle, car elles pourraient déclencher un incendie dans le camion ou dans la décharge.
Il s’agit aussi d’isoler les substances toxiques, comme le mercure, le cadmium et le plomb. Les piles boutons constituent un grand danger en cas d’ingestion, car elles peuvent entraîner des brûlures, voire la mort.
En règle générale, toutes les piles et batteries doivent être manipulées avec précaution, car elles peuvent être plus ou moins toxiques selon leur type. Elles ne doivent pas être conservées longtemps à la maison ou dans une entreprise afin d’éviter tout accident.
La protection de l’environnement est aussi un enjeu majeur, la plupart des piles et batteries contenant des matières dangereuses. Elles peuvent être une source de pollution lorsqu’elles sont mises en décharge ou jetées dans la nature. Des matériaux comme le plomb, le cadmium et le mercure peuvent empoisonner les personnes et les animaux et contaminer les sols et l’eau, d’autant plus qu’ils restent longtemps présents dans l’environnement.
C.M. : Vous avez utilisé précédemment le terme d’économie circulaire : pouvez-vous nous donner plus de détails à ce sujet ?
S.U. : L'économie circulaire est l'un des sujets aujourd’hui les plus discutés dans le monde des affaires ! Il s'agit d'une idée ancienne qui est tout à fait appropriée à l'ère moderne. Nous savons que le recyclage des vieux matériaux est le meilleur moyen de créer de nouveaux produits. C'est important parce que certains matières utilisées dans les piles et batteries deviennent de plus en plus difficiles à obtenir. En recyclant, nous contribuons à garantir suffisamment de matériaux pour fabriquer des nouvelles piles et batteries, ce qui aide à réduire considérablement l’extraction de tonnes de métal chaque année.
Nous proposons pour cela le modèle des 3R, Réduction, Réutilisation et Recyclage. Réduction, en proposant des batteries neuves avec une garantie étendue et un service de régénération qui leur permettent de prolonger leurs durées de vie et de réduire ainsi les achats. Réutilisation, grâce à notre procédé de régénération, et le Recyclage, rendu effectif par la collecte et l’envoi vers des entreprises internationales spécialisées. Je tiens d’ailleurs à préciser que nous planifions la construction de notre propre usine de recyclage afin de pouvoir tout faire sur place et ainsi réduire les émissions CO2 dues au trajet des déchets en bateau. Nous sommes aussi a la recherche d’investisseurs potentiels pour cette partie du projet.
C.M. : Venons-en à ce nouveau protocole de coopération avec le ministère de l’Environnement. En quoi consiste-t-il, et en quoi cela représente une avancée dans la prise en charge des déchets ?
S.U. : Cet accord de coopération est très important et les discussions ont commencé en mai 2021 pour se conclure en juillet de cette année.
Le ministère s’engage à faciliter la collecte, le transport, le stockage, le recyclage et l’exportation de piles usagées et d’autres déchets électroniques par EcoBatt Energy en vue de leur traitement et de leur élimination selon des méthodes respectueuses de l’environnement. La réduction des déchets, la prévention de leur rejet dans l’environnement ainsi que l’utilisation de nouvelles technologies seront encouragées.
De son côté, EcoBatt Energy Cambodia s’engage sur la collecte, le transport, le stockage, le recyclage et l’exportation des piles, batteries et autres déchets électroniques conformément à la Convention de Bâle.
La collaboration avec le ministère de l’Environnement permettra de mettre en œuvre conjointement des projets d’envergure nationale pour la gestion de ces types de déchets. Cet accord permettra de faciliter les partenariats tant techniques que financiers. Enfin, il prévoit l’organisation de campagnes de sensibilisation auprès du public, des secteurs public et privé afin de limiter l’impact négatif du stockage sur la santé et l’environnement.
L’un des tout premiers effets de cet accord sera l’augmentation des points de collecte destinés aux batteries et aux piles usagées. Le ministère en avait déjà déployé une centaine sur tout le territoire, et nous prévoyons d’en ajouter 200 de plus au cours de l’année. Une fois mis en place, ces points de collecte devraient permettre de récupérer près de 20 tonnes de déchets par an.
C.M. : Quel était auparavant l’état des lieux concernant le traitement de ce genre de déchets particulièrement polluants ? Y a-t-il beaucoup de retard à rattraper ?
S. U. : Malheureusement très en retard dû au manque de solutions effectives. La Convention de Bâle a en effet été signée en 2001 et le Décret Royal, Prakas 447, en mai 2016. Le ministère de l’Environnement n’ayant pas les moyens humains et financiers de mettre en place ce projet était donc en attente d’une entreprise privée pour l’aider à l’appliquer. Maintenant qu’il est signé, ce partenariat nous permet de passer à la prochaine étape, qui concernera la communication aux entreprises. Cela se fera via des ateliers d’information au moins une fois par mois durant la première année. Le grand public sera quant à lui sensibilisé aux enjeux du recyclage par des campagnes de presse, sur les réseaux sociaux, par l’organisation d'événements ainsi que par des programmes éducatifs dans les écoles.
Nous souhaitons sensibiliser tout le monde aux dangers d’une mauvaise gestion des piles et batteries. Les pratiques informelles sont néfastes pour l’environnement, mais aussi pour la santé publique. Le développement positif du Cambodge doit passer aussi par un changement des mentalités et des habitudes concernant le respect et la protection de l’environnement. Un environnement vert ne pourra commencer que par nos actions.
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