C’est avec une grande fierté que je vous présente aujourd’hui le portrait de cette khmèricaine d’exception, ex-militaire de carrière partie deux fois combattre en Irak et qui devint la 1re réalisatrice khmère à Hollywood : Caylee So
Un grand merci à Cameron SAM ( Rep Cambodia) et à l’acteur hmong et scénariste Doua Moua d’avoir permis cette rencontre. Voici donc dans ma série de portraits de notre diaspora à travers le monde le parcours de cette cambodgienne atypique.
Entretien
Née dans un camp de réfugiés en Thaïlande, tu arrives en Virginie très jeune et te retrouves à vivre (en alternance avec d’autres familles) dans un trois-pièces durant quelques années. Peux - tu nous donner quelques faits marquants de cette époque ?
Cette période fut une succession d’accueil de familles réfugiées provenant tant des USA que d’ailleurs. Je m’en remémore comme un témoignage de mes parents quant à leur dévotion constante à vouloir aider la communauté.
À l’école, tu seras automatiquement dirigée en anglais 2e langue par tes professeurs par rapport à ta simple apparence. L’anglais est pourtant ta langue principale. Qu’as-tu ressenti ?
Un sentiment d’inconfort bien sûr, car l’anglais s’avère finalement ma langue maternelle. Peut-être était-ce aussi dû à mon tempérament effacé. Cette catégorisation me fit un temps me détacher du sentiment d’appartenance aux USA.
À 18 ans tu décides soudainement de t’engager dans l’armée de terre. Tes parents, inquiets, te révèlent alors l’histoire des Khmers rouges, survolée jusqu’alors. Ta réaction ?
Mon jeune âge m’avait jusqu’ici fait interpréter cette période sous un autre angle. Je n’avais pas pris d’informations réellement concrètes sur le sujet. Désormais, je découvrais toute l’ampleur du génocide.
Mais suite au décès de ma mère, je me suis plongée profondément sur le sujet. Cette démarche devint une ode à son parcours de vie.
Déterminée, tu maintiens ton inscription dans l’armée ! La raison de ce déclic ?
Une grande décision, un besoin intrinsèque que je pris sans consulter aucun membre de ma famille… ce fut une grande interpellation - en particulier pour ma mère - dans l’étonnement de voir un enfant de réfugiés ayant fui la guerre vouloir y retourner volontairement…
Puis tu entreprends un parcours académique poussé parallèlement à ton statut dans l’armée. Peux-tu nous en parler ?
Envoyée en Irak une première fois, j’ai visionné (en plein milieu du conflit) One Million dollar baby… ce fut une révélation.
De plus, étant issue d’une fratrie de 4 enfants et d’une famille à faible revenu, arriver à décrocher un diplôme universitaire devint une quête. Mon adage : « je peux le faire ! “
Durant ton Bachelor’s degree, tu t’inscris pour un stage au Jimmy KIMMEL´S Show et tu es sélectionnée afin de présenter ta pièce de théâtre… mais tu dois repartir en Irak. Un moment scénique extraordinaire se passe là-bas encore une fois en plein conflit. Peux-tu nous le raconter ?
Effectivement, le stage ne pouvant se faire, je me mis à l’écriture entre les combats, les soldats ayant souvent le moral atteint par les circonstances… et nous montâmes une pièce au beau milieu de ce conflit !
À ton retour tu changes de direction et te tournes entièrement vers le cinéma. Pourquoi ?
Non… en réalité durant mon 1er déploiement en Irak, ma spécialité d’études était Business. Nous parlions précédemment de cette inspiration puisée par le caractère déterminé de Hilary Swank dans One million dollar baby. Cela me poussa à m’interpeller sur le métier de réalisateur/directeur de film. (Nous sommes alors aux environs de 2005)
Tu deviens alors LA PREMIÈRE KHMÈRE RÉALISATRICE à Hollywood. Ton ressenti ?
Je ne sais honnêtement pas si je fus la première. Chose certaine, un sentiment de responsabilité par rapport à nous — khmers dans l’industrie cinématographique, cette communauté si peu représentée, s’est fait sentir !
Qu’elle était ta vision de la femme en général et de la femme asiatique à l époque dans ce milieu ?
Très honnêtement ayant toujours été minoritaire dans la plupart de mes environnements, que ce soit l’école, l’armée, etc. C’est un fait sur lequel je ne m’attarde plus !
Parle - nous de ton premier film In the Life of Music?
Ce film s’étend sur trois périodes temporelles et la musique choisie deviendra le fil conducteur qui traverse ces trois époques. La chanson évolue sur 30 ans de vies cambodgiennes.
Pourquoi ce choix ?
Il était important pour moi de montrer la vie d’une famille cambodgienne à travers le temps, et cette chanson (qui finalement tient un rôle de protagoniste) se positionne comme un acteur majeur de transmission dans cette famille.
Elle fut notamment soumise en compétition aux Oscars.
Aujourd’hui te revoilà à nouveau au-devant de la scène avec le film The Harvest où tu as été choisie comme réalisatrice. Peux-tu nous parler de la trame du film ?
The Harvest se concentre sur une famille Hmong. D’après le synopsis du film rédigé par Doua MOUA, scénariste et acteur du film :
« Après plusieurs années de vie à San Francisco, Thai Moua retourne dans sa maison familiale à SoCal pour trouver tout son monde en plein désarroi. Thai et sa famille font bonne figure alors qu’ils regardent son père, Cher, subir les effets dévastateurs d’une insuffisance rénale. Ils tolèrent le comportement trop exigeant de Cher car il reconnaît à peine la mère de Thai, qui fait toujours des courses mystérieuses, ou sa sœur cadette, alors qu’elle se débat avec les responsabilités qui lui sont imposées en tant que fille unique dans un foyer traditionnel qui favorise les hommes et leur avenir au détriment des femmes.’ »
Ton sentiment sur cette nouvelle réalisation ?
Évidemment une grande fierté … Le film sortira en avant première au Festival International du Film de Santa Barbara le 12 février . The Harvest fut en réalité écrit en 2009, Le scénario a été inscrit sur la liste CAPE (Coalition of Asian Pacifics in Entertainment) 2019 et fut demi-finaliste de la bourse Academy Nicholl Fellowship 2017. Ce projet qui voit enfin le jour avec cette superbe collaboration entre Doua et moi- même ne peut que me réjouir !
Pour terminer, une devise ou un conseil ?
« Un film n’est vraiment bon que si la caméra devient un œil dans la tête d’un poète. » - Orson Welles
Propos recueillis par Chantha R
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