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Photo du rédacteurRémi Abad

Archive & Culture : Jean-Baptiste Phou, saltimbanque des mots

Jean-Baptiste Phou revient sur scène le 22 mars dans le cadre de la saison culturelle « Cases Départ » à l'Institut Français. Au cours d'une soirée dédiée aux langues, l'artiste présentera en exclusivité deux nouvelles créations.

Retour sur le parcours d'un Cambodgien débordant d’activités et de projets qui mène depuis 12 ans une carrière protéiforme tout entière dédiée à l’art.

Jean-Baptiste Phou, saltimbanque des mots
Jean-Baptiste Phou, saltimbanque des mots

Chacun se rappelle du spectacle Bangsokol Virtual Festival, qui avait proposé en 2020 des performances inédites dans des domaines aussi divers que la danse, le chant, la musique et la vidéo. Pour coordonner toutes ces initiatives, en assurer la promotion et le marketing, Jean-Baptiste Phou s’était mué pour l’occasion en véritable chef d’orchestre.

Un défi qui ne constituait néanmoins rien d’insurmontable pour celui, qui, depuis plus d’une décennie, est habitué à mener de front plusieurs activités artistiques, jonglant alternativement avec la comédie, l’écriture, le chant et la mise en scène.

De quelle forme d’expression artistique se sent-il le plus proche ?

« Il m’est impossible de me définir comme appartenant à l’une ou l’autre de ces catégories, confie l’artiste »

Comment cet ancien analyste financier, expatrié à Singapour, en est-il venu à s’installer au Cambodge pour y embrasser une voie artistique sans concession aucune ?

Changer de métier, changer de vie

« Les choses sérieuses ont vraiment commencé en 2008, alors que j’étais à Singapour, en train d’exercer une profession qui ne me plaisait absolument pas. Je commençais aussi à ressentir de plus en plus d’attirance et de curiosité envers le Cambodge. Bien qu’originaire de ce pays, je n’y avais encore jamais vécu et ne le connaissais finalement qu’assez peu. Et voilà que je tombe sur une annonce d’une association culturelle, le Cambodian Living Arts, qui cherchait un comédien pour une pièce de théâtre. Je n’avais encore jamais joué, et cette discipline ne m’intéressait pas plus que ça, mais j’ai tout de même posé 3 mois de congés et pris un billet d’avion pour Phnom Penh.

À ma grande surprise, l’audition a été un succès et j’ai été sélectionné pour le rôle. En parallèle, j’ai très vite noué des liens avec de nombreux acteurs du milieu culturel. À l’époque, il était très facile de se créer un réseau, tout était beaucoup plus ouvert qu’aujourd’hui. Pour la première fois dans ma vie, j’ai entrevu la possibilité de mener une carrière professionnelle dans laquelle je pourrais m’épanouir pleinement. Je me suis aussi rendu compte à quel point les métiers du spectacle étaient exigeants.

La pièce que nous répétions rassemblait une cinquantaine d’acteurs et mobilisait plus de 10 personnes en coulisses. Tout cela représentait un travail énorme et tout le monde se montrait extrêmement professionnel. »

Ne rien laisser au hasard

Ces quelques mois de 2008 se montreront donc particulièrement décisifs et scelleront l’avenir de Jean-Baptiste, lui révélant tout à la fois l’attrait du Cambodge, son talent de comédien, la passion naissante pour le théâtre et la rigueur d’un métier qu’il décide alors de suivre. Ne voulant rien laisser au hasard, il s’envole pour les États-Unis, New York tout d’abord, où il suit une formation lui faisant découvrir toutes les facettes de la scène, des claquettes au chant, en passant par les subtilités du jeu d’acteur.

Puis il rejoint Los Angeles, y tient le premier rôle dans une comédie musicale avant d’entamer deux années de conservatoire en région parisienne. « Si lors de mes premiers pas sur scène, je ne connaissais quasiment rien du théâtre, une chose était sûre : je ressentais quelque chose d’unique en jouant, et ce quelque chose me fascinait. »

« Cambodge, me voici »

Le comédien va soudainement se muer en dramaturge, sans que cela soit prémédité. « Je lisais beaucoup de choses à propos du Cambodge, et ne me reconnaissais jamais totalement dans tout cela. J’ai tout à coup ressenti un besoin viscéral de livrer mon propre point de vue, d’extérioriser mes pensées et mon expérience personnelle. Pendant 2 mois, j’ai écrit dans un sentiment d’urgence ce qui allait devenir ma première pièce, “Cambodge, me voici”. Tout s’est passé très vite : une fois le texte terminé, une lecture publique a été organisée, rassemblant une centaine de personnes.

C’était déjà un événement dont j’étais assez fier, mais les choses ne se sont pas arrêtées là. Dans la salle, un programmateur de théâtre s’est montré intéressé par la pièce. Après une année de préparation, cette dernière a été jouée et a connu un grand succès, puisqu’elle a fait salle comble tous les soirs.

Je ne comprenais pas ce qui m’arrivait, c’était incroyable. Un membre de l’Institut Français du Cambodge a remarqué la pièce, et a demandé à ce qu’elle soit traduite et jouée en khmer, ce qui a été fait dès l’année suivante. Cette première œuvre, écrite en 2011 avec toute la maladresse, mais aussi et surtout toute la fougue, la spontanéité et la sincérité du débutant, compte énormément pour moi. »

Un livre bilingue reprenant l’intégralité de la pièce « Cambodge, me voici » a été publié
Un livre bilingue reprenant l’intégralité de la pièce « Cambodge, me voici » a été publié

La liberté de l’anarchiste

Depuis, aucun temps mort n’a marqué une carrière dans laquelle Jean-Baptiste Phou s’investit de tout son être, sans chercher à s’épargner. Il se lance en 2014 dans l’adaptation scénique de l’œuvre de Soth Polin, « L’Anarchiste », et y tient le rôle avec une intensité dont il ne ressortira pas indemne. Enregistrements de chansons et écriture s’enchaînent, tandis qu’il devient directeur national du Cambodian Living Arts (CLA), la structure qui lui avait permis de se lancer dans le théâtre lors de son arrivée au Cambodge.

Mais, toujours, la liberté reprend le dessus et il choisit finalement en juin 2020 de quitter l’association afin de se consacrer pleinement à la création artistique. Sans fard, il aborde avec la maturité acquise les problèmes qui lui tiennent à cœur et auxquels il a été directement confronté.

Son dernier texte, sorti cette année-là et adapté en podcast, s’attaque aux nombreux clichés qui perdurent envers les Asiatiques.

Une scène artistique en pleine renaissance

En quittant cet acteur tout autant que témoin de la vie artistique cambodgienne, une dernière question s’impose : quel est son regard sur la scène culturelle du royaume ? « Il y a quelque chose d’extrêmement enthousiasmant et optimiste à propos de la jeune génération. Elle est fougueuse et littéralement bouillonnante », dit-il.

N’oublions pas non plus que la plupart des formes d’expression artistique ont été annihilées durant la période des Khmers rouges, et qu’il a fallu repartir de zéro. D’où la forme chaotique et parfois brouillonne qui se dégage de certaines œuvres actuelles. Cette force brute va peu à peu, au fil des années, s’affiner, se raffiner, pendant que la jeunesse prendra la place qui est la sienne.

« Les arts, sous toutes leurs formes, sont le reflet de ce dynamisme, et je suis particulièrement curieux de voir ce que cela va donner dans quelques années. », confie-t-il.

Pour la conférence du 22, « La langue de ma mère » proposée par Jean-Baptiste Phou et la photographe SAO Reaymao verra la diffusion d'une pièce sonore qui raconte la relation délicate entre une mère et un fils ne partageant pas la même langue. Une vidéo d’illustrations réalisées par l’artiste SAO Sreymao accompagnera l’œuvre

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