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Photo du rédacteurLa Rédaction

Cambodge & Cinéma : « Rendez-vous avec Pol Pot », une démarche nécessaire

Dans sa dernière œuvre cinématographique, sélectionnée au prochain Festival de Cannes, le cinéaste cambodgien, Rithy Panh tente de donner une représentation avec un angle original à propos des événements entourant le génocide cambodgien. Dans son film « Rendez-vous avec Pol Pot », il présente une « perspective occidentale » du régime des Khmers rouges et du massacre perpétré par les fanatiques de Pol Pot.

Comprendre et faire comprendre

Entre 1975 et 1979 au Cambodge, le génocide orchestré par les Khmers rouges a causé la mort de près de deux millions de personnes. Rithy Panh, qui a pu échapper au génocide dans sa jeunesse, a sans cesse, au travers de son œuvre, cherché à comprendre et faire comprendre comment on pouvait en arriver là. Rappelons tout de même que la presse occidentale, française en l’occurrence, avait soit occulté cette période dramatique de l’histoire cambodgienne, soit salué, pour la presse de gauche en particulier, la victoire des Khmers rouges avec la prise de Phnom Penh et le régime « idéal pour les camarades » que Pol Pot prévoyait de mettre en place.

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Rithy Panh poursuit cette démarche avec ce film qui s’inspire du voyage organisé par le service de propagande de Pol Pot pour les intellectuels et journalistes occidentaux venus assister à la mise en place de cette société agro-industrielle totalement utopiste et qui allait déboucher sur une déshumanisation totale et une extermination programmée.

Les trois Français, interprétés par Irène Jacob, Cyril Gueï et Grégoire Colin, se retrouvent donc entraînés dans un périple à travers le pays où chaque interview est soigneusement verrouillée par les chargés de presse de l’Angkar (Le Parti).

Inspiration

Rendez-vous avec Pol Pot est inspiré du livre de la journaliste américaine Elizabeth Becker, Les larmes du Cambodge : l’histoire d’un auto-génocide (When the War Was Over: Cambodia and the Khmer Rouge Revolution).

Elizabeth Becker a commencé à couvrir le Cambodge en 1973 pour le Washington Post, alors que le pays n’était perçu que comme une simple note de bas de page de la guerre du Vietnam avant la montée en puissance des Khmers rouges en 1975, la fermeture des frontières et une réorganisation systématique de la société cambodgienne. Le récit de la journaliste couvre l’époque du colonialisme français et le renouveau du nationalisme cambodgien, le Paris des années 1950, où le chef des Khmers rouges, Pol Pot, a reçu son éducation politique, les champs de bataille du Cambodge et la mort du leader en 1998.

Rithy Panh, avec ce nouvel opus sur la période noire du Royaume, semble s’interroger à juste titre à propos de la complaisance et du déni de ces trois journalistes et de bien d’autres. Il n’hésite pas à faire surgir du hors-champ l’horreur des camps de la mort en n’hésitant pas à utiliser des images d’archives qui remettent en cause la fiction par leur écrasante vérité. Et qui surtout remettent les pendules à l’heure.

Nécessité

Au travers de ses différents films qui abordent le sujet des Khmers rouges, Rithy Panh a constamment su remettre en question l’approche traditionnelle à propos des sujets historiques. Loin du documentaire traditionnel, avec S21 par exemple, il donne la voix aux survivants, les confrontent avec leurs bourreaux, ne se permet aucun effet dramatique, pas de musique, pas de sensationnalisme, le cinéaste jette la vérité nue toute simple, même si elle est effroyable. C’est là tout le talent du réalisateur, il transmet l’histoire et Dieu sait si cela est nécessaire tant l’oubli semble devenir l’une des constantes d’une société d’aujourd’hui bouillonnante et chaotique. C’est là que le cinéaste mérite un respect immense, parce qu’il rappelle qu’il ne faut pas oublier, et parce qu’il rend cette démarche originale et percutante avec un style fort et bien à lui.

Rendez-vous avec Pol Pot de Rithy Panh, Dulac (1 h 52), sortie le 5 juin 2024.

Image : © Dulac Distribution

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