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Photo du rédacteurChristophe Gargiulo

Cambodge & Cinéma : La 317e section un peu plus orpheline

Jacques Perrin, le sous-lieutenant inoubliable du chef d’œuvre de Pierre Schoendoerffer tourné au Cambodge est décédé hier en France à l’âge de 80 ans.

Carrière

Avec son physique de jeune premier, Jacques Perrin aurait pu facilement se laisser aller et se contenter d’une carrière facile après ses débuts au théâtre à la fin des années 50. Mais, remarqué par l’italien Valerio Zurlini qui le fera tourner avec Claudia Cardinale (La Fille à la valise), considéré comme son premier grand rôle, le jeune Perrin deviendra très vite un acteur courtisé par les grands réalisateurs de l’époque. Henri-Georges Clouzot lui confiera plusieurs rôles ainsi que Schoendoerffer qui l’utilisera à quatre reprises, pour la fameuse 317e section en 1965, le Crabe-tambour, l’Honneur d’un Capitaine et bien plus tard dans le film là-haut, un roi au-dessus des nuages (2004).

La section

La 317e section conte les six jours de guerre d’un groupe de soldats français et laotiens qui ont pour mission de rallier une colonne partie au secours du camp retranché de Diên Biên Phu. Même si le film est unanimement considéré comme une référence en matière d’œuvre historique, il n’est en rien une simple démonstration tactique de la progression d’une colonne militaire confrontée aux difficultés du terrain. Elles existent, mais le film va au-delà en abordant avec subtilité — ce qui peut paraître curieux pour un film de guerre — les angoisses et interrogations de ces soldats en terre d’Indochine. Subtil, car les dialogues ne vont pas trop loin même s’ils sont parfois intenses, la douleur des deuils est tue, le sentimentalisme réduit à sa plus simple expression.

Et c’est là tout le talent du réalisateur, évoquer avec pudeur et réalisme les sentiments et incertitudes de quelques hommes partis au secours d’une cause perdue.

L’exploit est bien sûr largement porté par la performance de Perrin et Crémer. L’un en jeune sous-officier aux accents tragiques et idéalistes, qui fume beaucoup trop et l’autre en vieux roublard de la Deuxième Guerre mondiale qui se doute probablement que la fin est proche.

Pour parvenir à ce résultat, Schoendoerffer a bien sûr choisi les acteurs parfaits, y compris dans les rôles secondaires, mais, il a poussé Jacques Perrin à un régime alimentaire draconien pour le rôle et a imposé des conditions de tournage très difficiles, filmant dans l’ordre chronologique du scénario afin d’accentuer de façon visible l’épuisement et le visage émacié et sombre des fantassins après deux mois de campagne.

« Avec une présence qui s’étend donc au-delà d’un visage séduisant et séducteur, Perrin s’impose ensuite rapidement comme un acteur “Plus”, celui dont la simple apparition avec son jeu tout en subtilité, presque discret, suffit à donner ce petit plus, cette quasi-poésie, cette fine présence à n’importe quelle séquence. »

Producteur

En 1968, Jacques Perrin se tournera vers la production et débutera avec le financement d’un film impossible de Costa-Gavras, Z.

Œuvre engagée sur la dictature des colonels en Grèce, Perrin trouve des fonds et joue également dans ce film politique aux côtés de son complice et ami de la 317e section, Bruno Crémer et d’un autre grand du cinéma français, Jean-Louis Trintignant.

Son aventure de producteur l’associera à deux reprises (État de Siège et Section Spéciale) à Costa-Gravas, mais c’est en 1973 avec Home Sweet Home, dans lequel il joue également, que son talent est récompensé avec 14 distinctions à travers le monde. D’autres suivront avec La Victoire en Chantant (Annaud), mais le public se rappellera surtout du fantastique documentaire que Perrin produira en 1995, Microcosmos, suivi du Peuple Migrateur en 2001, d’Océans (2009) et enfin de Seasons en 2015.

L’acteur s’impliquera dans le film Les Choristes en tant que producteur, mais aussi en interprétant le rôle du narrateur.
L’acteur s’impliquera dans le film Les Choristes en tant que producteur, mais aussi en interprétant le rôle du narrateur.

Jacques Perrin aura tourné dans plus de 80 films, dont ses débuts à l’âge de 6 ans alors qu’il interprète un enfant des Portes de la nuit de Marcel Carné. Il apparaîtra également dans une cinquantaine de téléfilms et séries. Les hommages de ses pairs seront probablement unanimes, mais les témoignages d’admiration et de tristesse bien sûr ont commencé à affluer sur les réseaux sociaux, mentionnant avec justesse :

« Un homme qui a pu autant conjuguer charme, douceur, finesse et humanité. Une classe et une distinction qui vont nous manquer cruellement ».

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