Les meilleurs lectures du magazine parmi les éditions de l'année précédente :
Dessinatrice-voyageuse. Telle est la profession de Stéphanie Ledoux. Depuis de nombreuses années, l’artiste dessine le monde, parcourant les continents carnet en main, croquant visages, monuments et paysages de son inimitable coup de crayon. Son dernier voyage en date, dans la quiétude des temples d’Angkor, aura donné l’occasion d’une rencontre avec l’artiste aux semelles de vent.
En terrain connu
Quoi de plus frustrant, lorsque l’on a fait du voyage un véritable art de vivre, que d’être confronté aux fermetures de frontières et autres restrictions de déplacement ? Dans son atelier toulousain, Stéphanie Ledoux songeait à ses futures destinations, rêvant de paysages lointains. Le Cambodge, et plus particulièrement les temples d’Angkor, constituait une option de choix.
« J’étais déjà venue à Siem Reap avec mes parents, il y a 17 ans. Cela faisait longtemps que je désirais revoir les temples, tout en sachant que le contexte actuel, sans le tourisme de masse, serait idéal. »
« Dès que les conditions pour entrer dans le pays se sont assouplies, j’ai immédiatement réservé mon billet et sauté dans l’avion. Et effectivement, je me suis retrouvée quasiment seule dans des monuments aussi emblématiques que Ta Prohm, Bayon ou Angkor Vat, plongée au milieu du chant des oiseaux et en tête-à-tête avec les splendides apsaras. Un petit nombre de visiteurs locaux passait de temps en temps, donnant l’occasion d’échanger quelques paroles et de dessiner leurs portraits.
On se rend alors compte de l’importance qu’ont les temples pour les Cambodgiens, qui y viennent en famille ou pour des photos de mariage. C’est une chance incroyable que d’avoir pu contempler ainsi Angkor. »
Choix de carrière
Les pays parcourus, la carnettiste ne les compte plus, depuis le temps qu’elle sillonne le monde sous toutes ses latitudes. Enfant, Stéphanie s’abreuvait de livres, de documentaires et de récits, qui tous ont aiguisé son envie d’ailleurs. Le voyage, la découverte et la rencontre ont très tôt constitué de puissants leitmotivs, bien plus forts que l’ambition carriériste.
« J’ai suivi un cursus de biologie/agronomie/écologie, en grande partie pour rassurer mes parents »
« Les CDD se sont ensuite enchaînés pendant 4 ans, toujours entrecoupés de voyages. J’ai mené pas mal de missions d’ingénieur de recherche appliquée, notamment pour l’INRA, mais le cœur n’y était pas vraiment.
Coup du destin : j’ai reçu dans la même journée une proposition de prolongation de contrat et une invitation pour me rendre au Yémen afin d’y effectuer un projet artistique. Il a fallu faire un choix que je n’ai jamais regretté ! C’est depuis ce jour, il y a maintenant 11 ans, que je mène une carrière artistique à plein temps. »
Vaincre le syndrome de l’imposteur
L’idée mûrissait depuis longtemps, appuyée par d’incontestables aptitudes pour les arts graphiques. « Quand j’étais petite, j’étais “celle qui savait dessiner”. En grandissant, j’ai assisté à l’émergence des carnettistes, ces dessinateurs-voyageurs auxquels étaient consacrés des articles, des reportages, puis des festivals.
Peu à peu s’est ancrée l’idée que l’on pouvait en vivre, exercer en quelque sorte un “métier-passion”. Lorsque j’ai décidé de franchir le pas, les portes se sont ouvertes sans rencontrer de difficulté particulière, beaucoup plus facilement que je ne l’aurais pensé. J’étais totalement autodidacte et il m’a tout d’abord fallu vaincre le syndrome de l’imposteur. Heureusement, le dessin est un domaine qui parle de lui-même, c’est réussi ou ça ne l’est pas. Être autodidacte ou diplômé des Beaux-arts n’y change rien. »
Succès tout tracé
Dès les premières années, Stéphanie rejoint le petit monde des dessinateurs-voyageurs et se lie d’amitié avec les artistes qu’elle admirait. Ses dessins et peintures trouvent le chemin des galeristes et des éditeurs, lui permettant d’alterner périodes de voyages et travail en atelier. « La création artistique se décompose en plusieurs étapes. Il y a tout d’abord la préparation du voyage, qui englobe le choix de la destination et un travail en amont afin de se fixer certains objectifs. On glane quelques renseignements, on cherche des contacts sur les réseaux sociaux, on prépare un itinéraire… Puis, une fois sur place, on se laisse guider par des rencontres, on suit des conseils, mais on se fie aussi au hasard. »
« Lors du voyage, j’essaie d'être comme une éponge, d’absorber un maximum de sensations. Je réalise alors beaucoup de croquis, tout en prenant des photos et en enregistrant les bruits qui m’entourent.
Dans les temples d’Angkor, par exemple, la bande-son était incroyable, surtout en fin de journée, lorsque la jungle sort de sa torpeur. Une fois de retour, je digère tout cela et produit des œuvres plus achevées, plus soignées, dans le cocon de mon atelier. »
Grands ou moyens formats sur toile ou sur papier ramené du pays, aquarelle, encre ou acrylique, l’artiste donne alors libre cours à son inspiration, ne fixant aucune limite à son talent.
Fascination pour l’Asie
En 3 semaines passées à Siem Reap, Stéphanie aura réalisé une soixantaine de croquis, ayant essentiellement pour thème les temples et leurs bas-reliefs. La symbiose entre la pierre et la nature, la délicatesse des sculptures et la grâce des belles devatas constituent la majeure partie de ses œuvres, sans omettre quelques portraits. Vecteur de communication universel, le dessin intrigue et suscite le rapprochement, donnant l’occasion de nombreux échanges et de précieuse connivence entre l’artiste et son modèle.
« L’un des moments forts de ce voyage s’est déroulé à Sisophon, lors d’une visite dans les locaux d’Enfants du Mékong. L’occasion de découvrir le versant rural du Cambodge, mais aussi de rencontrer des enfants pris en charge par l’association et d’animer un atelier de dessin avec eux. C’était une très belle expérience, comme il y en a beaucoup en Asie du Sud-Est. C’est un continent où règne une certaine bienveillance, une douceur et une empathie particulières. Les rencontres y sont faciles, ce qui est idéal pour les artistes. »
Desseins futurs
En retrouvant Siem Reap après 17 ans, Stéphanie a pu constater la métamorphose d’une ville et d’un pays, ne reconnaissant pas les bâtiments et les rues qu’elle avait autrefois parcourus. Venue tout exprès pour les temples, la carnettiste espère bien revenir un jour afin de découvrir d’autres aspects d’un royaume jamais avare en surprises.
En attendant, la dessinatrice va reprendre et peaufiner ses croquis du Cambodge, tout en préparant de nouvelles expositions. L’une d’entre elles aura lieu cet été au No Mad Festival de Cergy-Pontoise, au cours duquel elle partagera la tête d’affiche avec Titouan et Zoé Lamazou.
Pour celles et ceux qui souhaiteraient découvrir son travail, certains de ses ouvrages sont disponibles à la librairie Carnets d’Asie, à Phnom Penh, sans oublier son site internet, Facebook et Instagram.
Prochaine destination prévue : l’Islande et, pourquoi pas, la réalisation d’un vieux rêve d’enfance, l’Amazonie des Kayapos.
Nous lui souhaitons bons voyages.
Les images illustrant l'article ont été fournies par l'artiste.
Magnifique Stéphanie a qui vous rendez un bel hommage 😊💓 merci de cet article 🙏