Quelques extraits d’une interview de la légendaire Christine Spengler réalisée en 2009 par Margaux Duquesne. Christine Spengler est une photographe de guerre, l’une des rares à avoir ramené des clichés lors du bombardement de Phnom Penh en avril 1975.
Depuis 1970, elle a photographié et couvert les conflits, principalement du point de vue des victimes de guerre. Elle a travaillé comme photographe freelance pour Sipa-Press, Corbis-Sygma, et l’AP.
Christine Spengler a documenté de nombreux conflits à travers le globe : au Tchad, en Irlande du Nord, au Vietnam, au Cambodge, au Liban, au Sahara occidental, au Kurdistan, au Nicaragua, au Kosovo, en Afghanistan et en Irak.
Son travail est apparu dans de nombreuses publications dans le monde entier : Paris-Match, Time, Newsweek, El País, le New York Times et Le Monde.
Christine Splengler a remporté plusieurs prix pour son travail en tant que journaliste, en particulier le prix SCAM (Paris) pour son rapport sur les femmes dans la guerre en 1998 ; et celui de Femme de l’Année à Bruxelles en 2002. Elle a été honorée avec une exposition rétrospective en 2003 au festival international de photojournalisme à Perpignan.
Extraits
«… Le correspondant de guerre et le torero ont beaucoup d’affinités. Les deux affrontent la mort. À la différence que pour les toreros, la mort les guette, à une heure et dans un lieu précis. Tandis que nous, les correspondants de guerre, la mort nous guette à n’importe quelle minute et sur n’importe quelle route… »
«… Ici, (photo ci-dessous), tous les autres photographes hommes se sont précipités pour photographier le père nageant dans son sang. Moi je n’en ai pas fait une seule. J’ai attendu. Et quand j’ai vu l’enfant accourir, désespéré, qui s’agenouille près du brancard où gît son père mort, enveloppé dans un poncho en plastique, avec derrière l’ombre du mortier, j’ai pris deux photos, très discrètement.
Je me suis dit que c’était plus important de montrer la douleur de l’enfant survivant qui, il y a quelques heures, nageait avec ses petits camarades dans le Mékong, et qui tout d’un coup, est propulsé à l’avant-scène de la guerre… »
«…Sur la route, j’étais dans un taxi, quelques heures avant. Tout d’un coup, j’ai vu des enfants qui en plein milieu de la guerre s’amusent et apprennent à nager sur des douilles d’obus vides dans le Mékong. J’ai demandé au taxi de m’arrêter pour faire cette photo car j’aime toujours aussi montrer l’espoir. Et quelques heures plus tard, je retrouve cet enfant au chevet de son père, qu’il n’aura même pas le temps d’enterrer car l’enfant va devoir survivre sous les bombes…»
Extrait du livre :
« Son Nikon 28mm sur les genoux, Christine Spengler file vers le seul bâtiment encore éclairé : l’Hôtel Continental, rendez-vous des journalistes de Saïgon. On est en 1973. Au dix-septième étage de l’immeuble de l’Associated Press, le grand patron de l’agence, Horst Faas, surnommé Orson Welles, ne dort jamais et vit plié en deux sur une table de négatifs, la loupe à la main ».
« Bonsoir, je veux aller au front demain «, annonce Christine. La masse se redresse, examine ce visage de poupée japonaise. Le Viêt-nam a déjà tué cinquante-trois photographes. » Well, baby, très facile, répond Orson Welles, Soyez -là demain matin à 5 h 30 ».
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